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EAN : 9791095772200
355 pages
Anamosa (06/04/2017)
4.44/5   9 notes
Résumé :
C'est l'histoire de l'été et des corps qui vont avec, allongés, dénudés, offerts au soleil. En France, elle se noue entre 1920 et 1960. Alors s'impose un répertoire proprement estival de gestes et de postures légitimes. Alors les édits changeants de la silhouette, le bronzage, l'horizontalité publique et le périmètre capricieux des dévoilements inventent, à échelle d'hommes et de femmes, de nouveaux savoir-faire et de nouvelles exclusions. Mais ce n'est pas tout. Da... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Nouvelle rencontre avec les éditions Anamosa, nouvelle expérience de lecture, nouveau plaisir !

La saison des apparences : naissances des corps d'été attire l'oeil en premier lieu – à l'instar des Émeutes raciales de Chicago, juillet 1919 – par la qualité de l'objet-livre : couverture colorée, cartonnée, avec double rabats intérieurs fermant le livre comme un coffret, choix de photos discrètement aguicheur pour nous parler de l'évolution des tenues estivales au cours du XXème siècle. Pour qualifier ce livre, j'ai envie de parler de « narration d'histoire culturelle » tant l'ouvrage mêle brillamment essai historique et plaisir de lecture. Christophe Granger nous raconte une histoire, nous raconte l'Histoire. Les tenues légères de nos mois de juillet et août n'ont pas toujours fait l'unanimité. Au XIXème siècle, la pâleur était de rigueur et il n'aurait jamais traversé l'esprit d'une dame respectable de s'allonger volontairement en sous-vêtements dans un espace public avec pour simple idée de se brunir la peau. Tout au long de son livre, Christophe Granger interroge les différentes étapes qui ont contribué au constat actuel. Il s'appuie pour ce faire sur des coupures de journaux, arrêtés municipaux, publicités et toute documentation susceptible de le renseigner sur l'évolution du rapport au corps au cours du siècle dernier. Il rappelle la nécessité sanitaire de l'après-guerre, le soleil comme source bienfaisante pour lutter contre la tuberculose et autres maux, puis l'intérêt des bains de mer qui deviennent progressivement « tendance », les villes balnéaires le lieu où il faut être dès que les beaux jours réapparaissent. Il s'amuse des arrêtés municipaux qui s'acharnent à définir la bienséance et la bonne manière de se défaire – ou pas – de son vêtement en public, et les bagarres de plages à ce propos s'avèrent parfois très violentes. le lecteur suit l'historien comme il suivrait un bon inspecteur dans un polar sexy et rocambolesque. Il découvre ainsi l'instauration progressive de la nécessité du paraître au meilleur de sa forme. Dès le mois de mai la presse féminine prodigue conseils sportifs et diététiques. Les corps doivent s'adapter à la norme en vigueur, les kilos superflus disparaître, les visages blafards reprendre vie. Les photos d'époque, reproductions de publicités et autres illustrations viennent compléter l'ouvrage, lui donner vie. Sur une plage, en bikini, on ne distingue plus une ouvrière d'une aristocrate. Avec les tenues estivales, c'est le système de classe, ce sont les conventions sociales elles-mêmes que l'on déshabillent.

La saison des apparences a été publié une première fois en 2009, sa réédition par Anamosa se justifie non seulement par la qualité du travail éditorial réalisé mais également par la nouvelle évolution vestimentaire qu'ont connu nos plages depuis 2015 et l'apparition d'un nouveau genre de tenue – provocante à l'inverse – le burkini au sens large. Christophe Granger dans son post-scriptum aborde cette délicate question qu'il voudrait sortir de son carcan religieux. Il extrait des journaux quelques faits divers scandaleux et humiliants subis par des femmes musulmanes et les met en relation avec d'autres situations non moins humiliantes – à toutes les époques – de femmes huées parce qu'elles préféraient le topless sur les plages en été et en famille. Christophe Granger compile rapidement quelques points de vue universitaires – sociologues et spécialistes du faits religieux – sur la question du burkini, et soutient pour sa part que le choix de rester habillée sur la plage – en portant voile et tunique, la définition du burkini restant bien floue pour beaucoup – relève bien plutôt du choix de ne pas transgresser les règles établies le reste de l'année que d'une vélléité religieuse particulière. La provocation ressentie et les actes de violence qui en découlent, plus que liés au sentiment religieux, relèverait d'avantage d'une forme de conformisme social à préserver pour ne pas choquer les nouvelles normes de la décence estivale. La question a le mérite d'être soulevée et de permettre un pas de côté sur des problématiques extrêmement complexes impliquant des causes très variées.

En interrogeant l'Histoire, Christophe Granger amène le lecteur à s'interroger sur ses propres évidences et, à sa suite, à ne plus les considérer comme telles. En ce sens aussi, La saison des apparences est un beau livre, utile et enrichissant autant sur le plan intellectuel qu'humain – ce qui à mon avis devrait correspondre à la définition des sciences humaines.
Lien : https://synchroniciteetseren..
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Je lis très rarement des essais mais j'avais entendu parler de celui-ci dans une émission radio et avais trouvé le sujet intéressant : l'évolution sur 100 ans du « corps d'été » .
Comment sommes –nous passés des bains de mer tout habillés sur prescription médicale aux longues séances de bronzage, presque nus ? Comment la femme (mais l'homme aussi !) s'est-elle laissée entraîner par les diktats de la mode et des magazines pour se dévêtir dans les années 1930, pour se forger un corps admirable (c'est-à-dire beau à regarder : bronzé, musclé et ...nu) ? Comment la hiérarchie sociale se trouve-t-elle annihilée entre 2 personnes simplement en maillot de bain : qui est la petite secrétaire, qui est la bourgeoise ? Et, la boucle est bouclée, comment des arrêtés municipaux interdisant de se dévoiler publiquement sommes-nous arrivés, l'an passé, à l'interdit (non légal, d'ailleurs) du Burkini sur les plages françaises ?
L'historien met en parallèle l'émergence de la société de loisirs avec l'émergence du culte du corps. L'été est devenu la parenthèse sacrée dans laquelle l'apparence physique a une importance capitale, tout est permis, aussi bien dans la posture que dans le vêtement (ou son absence…). Et ce, malgré la résistance de la religion catholique et aussi des politiques bien souvent de droite qui voulaient ériger la famille et la morale comme garants d'un certain code d' « honneur ».
Cet essai (en 5 chapitres plus photos et fac-simile d'affiches ou de pages de journaux) m'a semblé très complet et passionnant, je remercie l'opération Masse Critique de Babelio de m'avoir permis de le lire.
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Articles de presse bien choisis, anecdotes marquantes,
réflexions pointues qui prennent en compte toute la complexité du corps et, selon les époques ou les lieux, de ce que l'on en dévoile… ou pas
Il est surtout question du corps des femmes, éternel sujet à polémiques,
mais toute la recherche est intéressante, facile à lire,
et va bien au-delà des apparences !
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Je suis historienne et je trouve ce travail vraiment intéressant! L'été et son corps étudiés dans leurs vision de développement en France, la vision aux yeux du français qui change en suivant la morale, sont présentés ici de façon divulgative. La lecture n'est pas compliquée, on lis avec plaisir le chemin du mythe du corps et sa relation d'apparence pendant l'été. Cette saison qui remet la plage au centre avec les hommes et les femmes au centre de leurs batailles "corporelles".
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critiques presse (1)
Lexpress
07 août 2017
Du bronzage à l'influence des magazines féminins en passant par l'évolution des maillots, ou les normes de beauté, Christophe Granger s'interroge sur le statut du corps sur la plage.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Comprendre les corps d'été, comprendre autrement dit ce qu'ils sont et ce qui fait qu'ils sont ce qu'ils sont, réclame de se mettre en chasse d'autre chose : ce qu'il faut, c'est décrire le façonnement d'un dérangement saisonnier des expériences, où se rénovent le dedans et le dehors des corps, où se renverse cul par-dessus tête la grammaire des gestes et celle des goûts, où se retrempe toute la complexité du social, et s'incarnent, à même la chair qui se fait voir, les valeurs de déconstruction de naturel et de bien-être. Ce qu'il faut, c'est écrire l'histoire de cet aparté annuel des manières d'être et de faire où tout, en somme, dans la levée des accoutumances et le relâchement des surveillances, paraît devoir se recommencer à partir du corps, des façons de le porter, de l'habiter et de lui trouver du sens. C'est ce pli estival des corps qui m'intéresse. Ou plutôt, on l'aura compris l'histoire dont il est la trace.

p. 30
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Videos de Christophe Granger (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Christophe Granger
Avec Christophe Granger & Chloé Pathé, éditrice
Lecture par David Sidibé Rencontre proposée & animée par Jean-Luc d'Asciano
En 2020, le Prix Femina Essai a été attribué à Christophe Granger pour Joseph Kabris ou les possibilités d'une vie 1780-1822, publié aux éditions Anamosa, que nous avons déjà invitées dans ce cycle. Ne boudant pas notre plaisir, nous invitons ce soir et l'auteur et son éditrice, Chloé Pathé, à nous parler de ce livre. Né à Bordeaux vers 1780, embarqué sur un baleinier anglais, Joseph Kabris a vécu durant sept années sur une petite île du Pacifique. Il s'est intégré à la société des « sauvages », a appris leur monde, leur langue, a été tatoué de la tête aux pieds. En 1804, une expédition scientifique russe l'arrache à son île ; il devient russe, avant de regagner la France. Là, il donne à sa vie les traits d'une épopée et fascine les foules, avant de mourir à l'âge de 42 ans. L'historien et sociologue Christophe Granger signe une enquête fascinante et troublante sur ce qui fait une vie.
À lire – Christophe Granger, Joseph Kabris ou les possibilités d'une vie 1780-1822, Prix Femina Essai 2020, éd. Anamosa, 2020.
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