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EAN : 9782864326571
190 pages
Verdier (25/08/2011)
4.08/5   24 notes
Résumé :
Dans un espace-temps indéfini, le docteur Garine est dévoué à son métier et veut servir son peuple. Il doit affronter une terrible épidémie venue de Bolivie, qui transforme les gens en zombies.
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Sorokine nous offre un récit classique en apparence où l’on peut se croire, au fil de son déroulement, pris à la fois dans «La tempête de neige» de Tolstoï et emporter par la course folle de la troïka qui entraîne Tchitchikov dans «Les âmes mortes» de Gogol ou en compagnie du médecin Boulgakov.
Le ton est celui d’une fable, plein d’un humour à la fois bonhomme et sarcastique mais aussi d’une angoisse sourde qui grandit dans cette lutte obstinée de Kosma «Le graillonneux» porteur de pain et de Platon Ilitch Garine le médecin qui va perdre petit à petit son arrogance et sa superbe. Il devra abandonner, dans la tempête où les obstacles se succèdent et font tourner en rond, son acharnement à rejoindre Dolgoïé où il devait vacciner la population contre une épidémie.
Sorokine casse la veine classique de son récit qui s’emballe, nous prend et nous retient dans un tourbillon fantasque, où les chevaux sont à peine plus gros que des perdrix, où l’on croise un meunier nain, un géant mort dissimulé par la neige, des trafiquants de drogue sous une yourte fantasmagorique qui apparaît et accueille nos deux compères Kosma et Garine alors qu’ils sont égarés etc...
Bonhomme, content de tout, «Le graillonneux» qui fait corps avec son attelage de 50 tout petits chevaux représente le dernier rejeton de cette force ancestrale issue des générations de «moujiks» qui ont maintenu, malgré une certaine résignation fataliste, par leur dévouement et leur débrouillardise, la cohésion du pays dans la tourmente de la tempête, quand tout repère s’efface. Mais il semble que, ce bon sens disparaisse lui-aussi et ne suffirait plus à sortir la Russie de l’ornière dans laquelle elle s’est brisée et s’enfonce sans grand espoir de retrouver son chemin. Où va la Russie, vers quel précipice, quel avenir ???
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Voilà un roman réjouissant qui s'affranchit des codes littéraires traditionnels, joue avec les limites spatio-temporelles, s'amuse à déstabiliser le lecteur tout en offrant à celui-ci une construction savamment orchestrée.

Les premières pages nous projettent dans ce qui ressemble à la Russie du XIXe avec le médecin scrupuleux investi de la mission de soigner un village frappé par une terrible épidémie, le moujik naturellement bon et dévoué chargé de conduire le médecin dans cette contrée lointaine à bord de sa trottinette, les chevaux qui piaffent, l'immensité neigeuse…sauf que la trottinette s'avère être tractée par cinquante mini chevaux « pas plus hauts qu'une perdrix »,la Noire transforme les malades en zombies, les habitants disposent de la radio à hologrammes...
Fort de ces invraisemblances, le récit s'engage progressivement sur le chemin de l'étrange. On s'aventure presque à tâtons dans un périple qui n'offre ni route, ni village humain, ni perspective d'avenir rassurante, balayé par la tourmente neigeuse qui offre peu de répit aux voyageurs mais aussi par quelques rencontres saugrenues, illuminées.

La route se révèle sans fin ni limite tant les obstacles qui se dressent devant cette équipée sont nombreux. On devine une Russie chaotique chaque fois que les voyageurs s'égarent dans la plaine. le médecin atteindra-t-il le village frappé par cette épidémie venant de Bolivie ? Rien n'est moins sur, chaque page insufflant un air insaisissable, une atmosphère mystérieuse voire angoissante.

Mais une chose est certaine : Vladimir Sorokin maitrise l'art de la manipulation. Dans un style ciselé, acerbe, subtil, il égare le lecteur dans la trame narrative du roman en instillant savamment une dimension surréaliste, fantaisiste que l'on interprète, si on se réfère à la tradition russe, comme satirique.
C'est donc un roman absurde, onirique, cynique, merveilleux mais qui sème le doute quant à l'interprétation qui pourrait en être faite. Si on se raccroche à la rhétorique russe_ l'allégorie pour dénoncer le régime politique_ tenter de percevoir une critique dans La Tourmente n'est pas chose évidente. La route qui mène nulle part serait-ce celle empruntée par la Russie actuelle qui fonce aveuglément sans savoir où elle va ?
Quelle que soit la portée que chacun veut lui prêter, ce roman est jubilatoire : l'auteur a le talent pour recréer et s'approprier les univers des grands romans russes et les détourner à sa guise en y insérant du fantastique. C'est totalement imprévisible et témoigne d'une liberté folle et rafraichissante.

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Un homme hurle et se débat dans un chaudron d'huile qu'un feu chauffe peu à peu, sous le regard d'une foule hilare…
Vissée d'horreur et de stupéfaction à mon siège à l'écoute de ce passage entendu lors d'une soirée littéraire, j'ai voulu savoir une fois mes esprits repris ce qu'il en était de cette « Tourmente » et comprendre ce que l'auteur avait bien pu mijoter dans ce chaudron démoniaque.

Le livre, court mais vif et dense, s'ouvre sur une toute autre atmosphère : Ça commence comme un « eastern », dans une ambiance de western hivernal de la fin du 19ème transplanté dans la steppe russe ; le relais de poste n'ayant plus de montures disponibles, un médecin arrogant et pressé enjoint Kosma le moujik, dit le Graillonneux, de le conduire d'urgence à quinze verstes de là afin qu'il puisse vacciner les villageois du mal noir qui menace de les transformer en vampires. Les voilà partis dans la tourmente qui fait rage, tous deux blottis dans la « trottinette » traînée par cinquante mini-chevaux gros comme des perdrix ; à mesure que les éléments se déchainent, le médecin perd de sa superbe en même temps que ses certitudes…

Il m'aura fallu pas moins d'un meunier nain, une pyramide de verre recelant une drogue ultime, un géant mort et un bonhomme de neige de deux étages pour comprendre qu'ils ne parviendraient jamais au terme de leur périple, ce qui ne m'a pas empêché de vivre tout du long ce récit allégorique et noyé sous une neige drue comme une expérience de lecture aussi sidérante qu'addictive que le passage du chaudron cité plus haut.

Un récit extrêmement fort et complètement fou, et pourtant profondément ancré dans le réel. J'en ressors passablement déroutée – c'est donc une bonne lecture !
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"Russie où cours-tu donc? interrogeait Nikolaï Gogol dans Les Âmes mortes.
La tourmente de Vladimir Sorokine (auteur russe contemporain reconnu de tous de par son style éblouissant) reprend ce même thème.
Celui de la chute dramatique, suite à une domination et à une irresponsabilité. Celui du maître, imbu de lui-même car appartenant à "l'élite" et se sentant investi d'une mission (ici celle du médecin déterminé malgré la force déchainée des éléments à sauver une communauté d'une épidémie venant de Bolivie!) qui court à sa perte et entraîne avec lui le pauvre moujik toujours souriant et par trop soumis. Métaphore, fable des temps modernes avec morale de la Fontaine où l'impatient, méprisant,insultant,entêté et irascible docteur Platon Ilitch Garine, au prénom de sage et à la toque de renard, s'embourbera peu à peu dans sa propre déchéance intérieure pour tourner en rond avec le "Graillonneux", son guide impuissant, jusqu'à être récupéré par des forces chinoises dont il ignore les vraies motivations.
"A la grâce d' Dieu!...Hue!"
Ce conte avec isba, peau d'ours, icône, écrit entre verve truculente (de livreur de pain promu taxi en "trotinette des neiges" aux expressions imagées:"le châtre l'a pris") et langage châtié (de Russe bon chrétien aux tournures allemandes: "Mein Gott!") campe le décor d'une Russie post-époque stalinienne qui galope à toute vitesse vers un futur fantastique qui n'a de fantastique que ses décors en carton pâte de presque science fiction. le lecteur se laisse peu à peu piéger par des chevaux plus que minuscules, un "oeil vivant",des "vitaminovampires", de la "came" en pyramide qui se volatilise, des géants....
Moins caricatural que En attendant Godot de Samuel Beckett (où l'inhumain Pozzo fouette et traîte de "charogne" son esclave Lucky), La tourmente évoque la différence de classes sociales et les comportements qui lui sont inhérents car si le docteur ne fouette que les mini chevaux, il ne traite pas moins de "bestiau" et en "bestiau" son compagnon de route.
Ce Platon, peu philosophe y trouvera-t-il le sens de sa vie? Ou son manque de bon sens? le monde est-il déraisonnable lorsque le désir à satisfaire au plus vite, le manque de discernement et les paradis artificiels sont au rendez-vous ? nous interroge Vladimir Sorokine.
A lire, car les routes par trop enneigées et parsemées d'embûches sont à déconseiller!
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Alors, ça c'est rare !
Un livre qui me déplaît dès les premières pages par son écriture et qui m'ennuie au plus haut point tout au long de la lecture, je n'en rencontre pas tous les jours.
J'avais peut-être beaucoup d'attentes au moment d'ouvrir ce roman : il s'agissait d'un de mes premiers livres d'un auteur russe. Et je m'étais préparée à vivre un vrai coup de coeur. Ca a été un vrai coup de flop !

L'histoire est le récit d'une traversée dantesque vers un village peuplé de malades, sous la neige et le froid, à bord d'un carrosse un peu particulier. Mélange de conte, d'aventure burlesque, de récit d'aventure et de journal de voyage, ce livre ne m'a hélas pas emballée. Les scènes se répètent inlassablement, improbables et brouillonnes.
Un des personnages, le livreur de pain, le Graillonneux, m'a passablement énervée. Sa diction avortée est retranscrite par l'auteur par des apostrophes multiples dans chaque phrase. Agaçant !
Ce livre cache peut-être un trésor : une symbolique liée à l'histoire de la Russie. Mais je suis passée complètement à côté. Je me suis perdue en chemin.
Deux autres auteurs russes m'attendent sur ma pile... On verra si ceux-là me charmeront plus. Je l'espère !
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
--- Et tu livres le pain ?
--- Ben oui.
--- Ça ne t’ennuie pas de le faire seul ?
--- Non. On est ben mieux, tout seul , barine ! Les vieux porteurs, ils l’disaient : «Tu cours la route seul, t’as un ange sur chaque épaule. Tu la cours à deux, t’as pus qu’un ange pour toi, et à trois, c’est l’diab’ dans la charrette !» p 27
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Le ciel nocturne, purifié, planait au-dessus de l’immense plaine neigeuse. La lune régnait sans partage, elle rayonnait, scintillait dans les myriades de flocons qui venaient de tomber, argentait la natte sur la caisse, la moufle du cocher serrant le bradillon, la toque de renard, le pince-nez et la houppelande du médecin. Les étoiles hautes jetaient leur impérial éclat en semis de diamants. Le vent glacial, pas trop fort, lançait ses assauts sur la droite, apportant les senteurs de la nuit profonde, de la poudreuse et d’une lointaine présence humaine
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Il menait l'attelage, jetant, çà et là, des coups d'oeil au nez réchauffé du médecin.
Ce grand nez qui, peu auparavant, semblait perdu-transi, qui avait bleui et gouttait, qui se cachait, peureux, dans le col en mouton doré, distillait à présent tant de certitude et d'énergie, fendant victorieusement, telle la quille d'un navire, l'espace tourbillonnant, que le guide se sentit soudain empli d'une joie espiègle. p 116
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"J'm'envaperais ben la goule avec un peu d'thé,mais on n'a point l'temps.T'as-ty vu comment qu'il s'est mis à brailler?Une é-pi-dé-mie!!! D'où c'est qu'il vient,c'docteur?
-D'Repichnaïa, j'crois ben.Le Vassiatka se frotta les yeux de son poing:Avec la poste.L'postillon s'est tout d'suite couché.
-Ont ben l'droit d'dormir, c'te postillons..."
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Platon Ilitch s’approcha du poêle :
« Je dois impérativement être à Dolgoïé aujourd’hui. Il y a une épidémie. Impérativement !
– Une épidémie… De ses gros doigts calleux aux ongles sales, le porteur de pain se frotta les yeux : J’en ai entendu causer, de c’t’épidémie. Pas pus tard qu’avant-hier, on en parlait à la poste de Khoprov.
– Les malades m’attendent. J’apporte un vaccin. »
La tête disparut du poêle, on entendit un geignement, des degrés grincèrent. Kozma descendit, toussa, se montra tout entier. C’était un gars d’une trentaine d’années, mal poussé, maigrichon, étroit d’épaules, aux jambes torses et aux mains pareilles à des battoirs, comme on en voit souvent aux tailleurs. Son visage au nez pointu, bouffi de sommeil, était débonnaire et s’efforçait de sourire. Le bonhomme se tenait, pieds nus, en sous-vêtements devant le voyageur, fourrageant dans sa crinière rousse en bataille.
« Un vac-cin ? répéta-t-il prudemment, non sans respect, à croire qu’il redoutait de faire tomber ce mot, par mégarde, sur son vieux plancher usé, fissuré.
– Un vaccin, oui ! reprit le médecin en ôtant sa toque de renard, sous laquelle il étouffait à présent.
– C’est qu’on est en pleine tourmente, barine ! objecta l’autre, qui jeta un coup d’œil vers le fenestron presque aveugle.
– Je ne le sais que trop ! Mais j’ai des malades qui attendent ! » répliqua le visiteur, haussant le ton.
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Videos de Vladimir Sorokine (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Vladimir Sorokine
Dimanche 16 mai 2010 Rencontre avec le romancier russe Vladimir Sorokine, Anne Coldefy-Faucard et Luba Jurgenson : « L'espace dans l'oeuvre de Sorokine », dans le cadre du banquet de printemps 2010 intitulé "L'Espace russe".

Vladimir Sorokine est connu dans les milieux non-conformistes depuis la fin des années soixante-dix. Il est né en 1955, et devient un écrivain russe majeur après l'effondrement de l'Union soviétique. Ses romans, nouvelles, récits et pièces de théâtre sont de véritables événements, suscitant louanges, critiques acerbes, contestations, indignation. Écrit dans les années 1985-1989, Roman est un des chefs-d'oeuvre de l'auteur. Il est publié en 2010 en français chez Verdier, en même temps que La Voie de Bro (Éd. de l'Olivier).
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