Lorsqu'il écrit cette nouvelle, publiée en 1907,
Andreïev vit une période douloureuse de sa vie il vient de perdre son épouse et la révolution de 1905 à échoué. le titre est évocateur : «
La Victoire des ténèbres ».
Notre héros qu'il faut appeler Pierre, est un terroriste révolutionnaire : « En homme dont la jeune existence ressemblait à un coup de dés, il connaissait ces brusques variations du sort et, toujours, il méditait les secrets enseignements. L'enjeu qu'il risquait quotidiennement,
c'était la vie elle-même, la sienne et celle d'autrui. » Depuis 48 heures, recherché par la police, l'étau se resserre, et notre chaste héros (« il ignorait les caresses féminines. Sa continence était parfaite ») est contraint de se réfugier dans une maison close auprès de Liouba une prostituée, c'est là qu'il va pour la première fois connaître l'amour.
Pierre, gêné et honteux tente de se mettre à l'aise, et tous deux entament un étrange tête à tête, Pierre troublé par « le froufrou de la soie et le bruit d'un busc décroché » et Liouba étonnée par ce regard doux et rougissant. Mais, Liouba va-t-elle trahir ce terroriste qu'elle a reconnu, et Pierre pourra-t-il exécuter l'attentat, car dans ce monde il semblerait que son âme de révolutionnaire chancèle ?
Andreïev est un écrivain d'une grande sensibilité, obnubilé par la question essentielle du sens et du but de la vie. Les ténèbres, c'est la révolution dans laquelle il lutte, à laquelle il a consacré sa vie, mais l'échec est cuisant.
Ici,
Andreïev décrit la situation avec justesse, sensualité et pudeur, il sonde les âmes à merveille, il y a ce très beau dialogue :
- « et pourquoi es-tu si bon ? demanda la fille avec ironie.
Il répondit gravement : Je n'en sais rien. Je suis né ainsi, probablement.
- Et moi, je suis née mauvaise ! Pourtant nous sommes venus au monde de la même manière, la tête la première… ».
Cette nouvelle et moins sombre que
les Sept pendus ou le « Mur » et j'ai toujours beaucoup de plaisir à découvrir cet auteur.