Les mois suivants, de nombreuses réunions ont lieu à la CIA dans le bureau de Dulles, pour discuter des moyens de renverser le régime de Bagdad. Au cours de l'une d'elles, l'un des participants se permet de déclarer que le problème étant Kassem, il s'agit tout simplement de d'éliminer ce dernier. Un manque de discrétion coupable. Le directeur de l'agence se sent obligé de remettre son subordonné à l'ordre. "Il n'est pas dans le caractère des Américains d'assassiner leurs adversaires, déclare-t-il. Et on ne discutera pas de meurtre dans ce bureau, ni aujourd'hui, ni jamais." Il n'en sera jamais question, en effet, dans cette pièce-là. Ailleurs, en revanche...
Trois siècles après les dernières soubresauts de la Réforme et de la Contre-Réforme, la longue parenthèse ouverte par les traités de Westphalie s'est refermée: la guerre est redevenue totale. Entre 1914 et 1918, elle avait déjà causé un nombre sans précédent de victimes. Mais de 1939 à 1945, elle s'est avérée plus terrible encore. Elle ne s'est plus seulement jouée entre soldats sur les lignes de front, elle a systématiquement débordé des champs de bataille pour se répandre partout où existaient des biens à détruire et des hommes à massacrer, jusqu'à la destruction de villes entières et jusqu'au génocide.
Gagner une guerre en ne tirant qu'une seule balle. Ou, pour le moins, prendre un avantage décisif dans un conflit en abattant l'homme clé du camp adverse. Impossible ? Voire. Le stratège prussien Karl von Clausewitz a assuré dans une formule fameuse que tout pays, toute armée, toute force possède un "centre de gravité" dont dépend sa survie, une clé de voûte dont la destruction provoque son effondrement Pourquoi donc ce point ne serait-il pas, dans certains cas, un individu au génie, à la détermination ou au charisme exceptionnels ?
Étienne Dubuis: «Les naufragés. L'odyssée des migrants africains». Qui sont-ils ?