AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9781091896246
Editions Sillage (06/06/2014)
3.97/5   18 notes
Résumé :
Après un premier succès, un jeune auteur s'aperçoit avec terreur que l'inspiration l'a déserté. Naguère animé par une confiance quasi mégalomane en son talent, il connaît à présent le plus affreux des doutes et tente, par tous les moyens - ruse, intimidation, esbroufe - de donner le change au public, à ses pairs, et surtout à lui-même.
Hilarante satire de la République des lettres, L'écrivain raté était inédit en français.
Que lire après L'écrivain ratéVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
« Un écrivain raté » est l'histoire d'un écrivain qui suite à un premier succès n'arrive plus à écrire quoi que ce soit. Pour sauver les apparences et combler la faille, il recourt à toute forme de charlatanisme, dont en dernier recours, critique littéraire. Il oeuvre à la destruction de rares oeuvres de talent qu'il détecte, et encense tout ce qui est médiocre, essayant de maintenir son image et sa réputation sur la scène littéraire,"Je jouissais du livre que j'allais déchiqueter, bien des jours avant de m'asseoir à mon bureau".....,

D'une langue acérée et puissante, l'auteur argentin Roberto Arlt (1900-1942) dans ce court récit très dense nous fait une critique féroce des milieux littéraires, et pas que.....toujours terriblement d'actualité. Comme quoi presque un siècle plus tard l'homme comme nature humaine n'a pas évolué d'une once.
C'est seulement 60 pages, superbe, ne passez pas à côté !


"Mon impuissance traçait un cercle de braises à l'intérieur duquel je me tordais comme un scorpion ".

Commenter  J’apprécie          9121
Une autre petite découverte de l'auteur Roberto Arlt, déterrée longtemps après sa mort survenue en 1942. Cette nouvelle d'à peine 80 pages relate la descente aux enfers d'un jeune auteur. C'est L'écrivain raté. En effet, si sa première oeuvre a été accueillie avec enthousiasme, la seconde tarde à paraître. C'est que l'inspiration lui manque. D'abord, il promet un chef d'oeuvre, puis il invoque des délais hors de son contrôle mais, intérieurement, il est mortifié car il souffre du syndrome de la page blanche. Il trouve toutes sortes d'excuses pour justifier la situation. S'il tarde à publier son nouveau roman, c'est qu'il ne désire livrer rien de moins que la perfection. Il se met à plaindre tous ceux qui produisent vite, dénigrant leurs oeuvres qu'il juge insatisfaisantes face à ses standards. Puis, s'il ne présente rien, c'est que tous sont indignes de porter leur regard sur ses mots. Vous voyez le genre ? Je suppose que certains visualisent la scène, peut-être même imaginent certains critiques littéraires renommés et des artistes pas aussi célèbres qu'ils le souhaiteraient. Mais tout ça sonne creux. Les autres s'en rendent compte et le narrateur doit se rendre à l'évidence : il est un imposteur, il est en train de devenir tout ce qu'il haïssait. Sous couvert de la nouvelle, Arlt présente les torts et les revers d'un milieu des lettres argentin. L'écrivain raté est une satire qui en fera rire (jaune) plus d'un. Ça se lit vite et bien, c'est très divertissant. Je le recommande vivement !
Commenter  J’apprécie          421
Très belle découverte que cet ouvrage de Roberto Arlt, d'à peine 80 pages, mais qui en peu de mots parvient à décrire ... quoi, justement ?

La vie d'un écrivain raté, qui après un premier livre couronné de succès, peine à trouver l'inspiration pour le second. D'un homme qui fait alors le choix d'une forme de fuite en avant, jouant volontiers la provocation, l'intellectualisme pour justifier de sa lenteur à proposer quelque chose de nouveau. D'un homme qui va explorer différentes voies, parfois jusqu'aux plus extrêmes, pour sortir d'une impasse.

On peut y voir, et la quatrième de couverture nous y invite, une "satire de la République des lettres". C'est sans doute vrai : le texte est très souvent caustique et ne manque parfois pas de saveur. Mais je trouve que là n'est pas finalement l'essentiel. J'y vois davantage le prétexte à une réflexion sur la nature des relations humaines, faites parfois de paraître davantage que d'être, sur les attendus sociaux qui font que l'on doit être comme ceci, comme cela, que l'on doit correspondre à ce que les autres attendent de nous. Et que face à cette pression, on peut faire le choix, comme l'écrivain raté, des faux-semblants. Mais qui enferment dans une impasse toujours plus sombre.

C'est peut-être mon petit regret. Que le texte ne soit pas plus long. Qu'il n'aille pas plus loin dans sa réflexion avec même, notamment dans la seconde partie si je me souviens bien, une forme d'accélération, de successions de choix différents du narrateur. Mais peut-être est-ce là une volonté de l'auteur. Un procédé qui permet de rendre compte mieux encore de ce tourbillon et de sa vanité.

Et moi-même, je ne sais comment clore ce petit billet. Lui-même fruit d'une certaine vanité et d'un certain paraître, consistant à donner à voir et à lire mon avis à la face du vaste monde des Babelionautes !
Commenter  J’apprécie          100
« L'écrivain raté » est un tout petit livre de Roberto Arlt, traduit par Geneviève Adrienne Orssaud (2014, Editions Sillage, 64 p.) dont 19 d'introduction et bibliographie. Ecrit à la première personne par un écrivain quelque peu mégalomane, qui pourrait être Roberto Arlt lui-même, et qui connaît à présent une passe durable et profonde de doute. « Je me souviens » et « Mes vingt ans n'étaient pas abimés et laids comme certains lutteurs impitoyables. Mes vingt ans promettaient la gloire d'une oeuvre immortelle ». « Je me voyais déjà en haut de l'affiche » chantait Aznavour. Mes les affiches se décollent et les cheveux se décolorent. « Les hommes de tente ans me regardaient avec une certaine rancoeur ». Trentenaires, mais déjà des vieux. Avec une poignée d'autres écrivains, ou « écrivassiers répondant au qualificatif de pondeuses ou larbins de la littérature », ou encre « engrossés de la littérature », il va essayer par tous les moyens de donner le change, ne serait-ce que pour se rassurer lui-même. Mais il n'arrive plus à écrire. La panne de la feuille blanche, non par faute d'encre, mais d'inspiration. « Des trompettes d'argent exaltaient ma gloire dans les murs de la ville grossièrement badigeonnée et les nuits, dans mes yeux, se paraient d'un prodige antique, connu de personne. »

C'est la phase « Tous des mauvais, il n'y a que moi…. », phase classique du rejet des autres et du déni. Cela arrive à tous les créateurs, artistiques ou scientifiques. Chez ces derniers c'est encore pire, car ils ont, en principe, travaillés et donnés le meilleur d'eux même, parfois sur des fausses voies ou des idées qui évoluent en fonction des avancées technologiques. Je me souviens avoir pris l'ascenseur à Jussieu en compagnie d'un professeur célèbre, qui avait été président d'une société savante très renommée. Arrivée sur le parvis de Jussieu, la porte de l'ascenseur s'ouvre, et un tag apparait « Mort aux cons ». Réaction du vieil homme « Vous voyez, ils m'en veulent ». Etait-ce un pluriel de noblesse, comme s'exprimaient les rois ? Etait-ce une lecture erronée due à une vue vacillante qui avait confondue l'adressage avec son patronyme ? Pauvre homme, déchu de son auréole de savant.

Puis vient la phase de résistance. « Si nous, nous ne sauvons pas l'art, qui le sauvera ? ». L'écrivain dans le rôle de l'homme providentiel, du Messie. Après avoir été écrivain, il peut devenir homme politique, prenant la tête du pays. Il n'y a que sa foi qui le sauve. Puis vient la régression au stade anal, et au pipi-caca. « Latrines ambulantes », « Nous chiâmes sur l'archevêque », « notre bannière fut suivie et défendue par des jeunes gens que la pratique de la pédérastie active et passive n'empêchait pas de boxer admirablement » on ne voit pas très bien le rapport). Il devient « hystérique comme un pédéraste », et même les femmes de lettres « criaient à gorge déployée qu'elles préféraient coucher avec des femmes plutôt que faire ça avec des hommes »
Et il conclut par un « Et je sais que j'ai raison ». Les gesticulations dans le vide, à force d'être puérils, finissent tout de même par lasser. « L'homme finit par se fatiguer de tout, même de cracher à la figure de son prochain. Il faut convenir ici que nos insultes procédaient d'une bonne intention, mais il n'est pas possible d'être généreux éternellement, et nous nous dispersâmes. »

Brillante satire de « La République des Lettres », entièrement imprégnée d'humour noir. Tout d'abord pour monter la futilité d'écrire, l'absurdité de consacrer toute sa vie à la littérature, et enfin le dégoût des milieux littéraires « La vie, ça n'est pas de la littérature. Il faut vivre... Ensuite écrire ».

C'est à se demander si avec son Écrivain raté (1932), Roberto Arlt ne souhaitait pas régler quelques comptes, après Les Sept fous (1929) traduit par Isabelle et Antoine Berman (1981, Belfond, 384 p.) et « Les Lance-flammes » (1931) traduit par Lucien Mercier (1983, Belfond, 384 p.) qui l'ont fait découvrir en tant qu'écrivain « réussi ». Régler aussi quelques comptes avec le « milieu » et surtout avec lui-même. « C'est au fond le public qui décide, tout est récit du lecteur donc tout est fiction. Forgent le canon ceux qui lisent ».
Commenter  J’apprécie          20
Devant la page blanche, le narrateur, un jeune écrivain, choisit de fonder d'abord un club des non-écrivains, puis de devenir critique littéraire pour dénigrer ceux qui écrivent encore... Satire anarchisante de la République des lettres, ce texte est un petit joyau.
Commenter  J’apprécie          40

Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Que pouvait signifier une poésie à côté d'un moteur en marche ou d'une usine en pleine production ? Un poème soulageait-il de l'annihilation morale et physique des milliards et des millards de prolétaires sous le joug du salaire? Non. Alors à quoi servait un poème?
Commenter  J’apprécie          310
Et ainsi passent les années. Des mon inaptitude se détache une philosophie implacable, sereine, destructrice :
- Pourquoi s'entêter dans des luttes stériles, si au bout du chemin se trouve pour toute récompense un tombeau profond et le néant infini?
Et je sais que j'ai raison.
Commenter  J’apprécie          160
On m'avait couvert d'éloges excessifs. Quelqu'un m'avait jeté un sort. J'avais triomphé trop vite dans ce cercle de petits requins, pour qui la plus précieuse fleur dont ils pouvaient s'orner était une vanité arrosée d'adulation!
Commenter  J’apprécie          170
"Nous mîmes au clair, sans que le moindre doute puisse subsister, que les génies officiels, les talents consacrés, c'était du baratin, et d'une lâcheté exemplaire. La menace d'un brûlot, l'insinuation d'une critique anticipée suffisaient pour que, malgré le fait qu'ils détestent notre jeunesse agressive, ils nous sourient amicalement en nous voyant et viennent à notre rencontre, nous adressant les éloges les plus grossiers et l'adulation la plus servile.
Que notre oeuvre soit négative ne nous empêcha pas de révéler courageusement les escroqueries des bandits de la littérature ; nous démontrâmes que le romancier se vendait au breutteur d'idées, le poète à l'essayiste, constituant ensemble un ramassis d'épouvantables truands - qui adulaient sans réserve les politiciens, les hommes d'épée, troquant leurs scupuleuses besognes de laquais contre des prix bien réels qui provoquaient le rire du cercle des spectateurs. Quelle vie, mon Dieu, quelle vie !
Là se dissipèrent le peu d'illusions qui me restaient encore sur la dignité humaine. La technique n'avait rien à voir avec l'homme. Ceux qui écrivaient une belle strophe étaient la plupart du temps des latrines ambulantes.
Cette désillusion nous contamina tous, et un jour nous nous séparâmes. Notre cohésion résista aussi longtemps que les soudures de l'échec nous unirent.
Pour finir, nous nous lassâmes de sévir dans le vide. Certains étaient excédés par les autres, et même un tantinet honteux des petites canailleries que nous avions commises en nous prévalant de l'impunité conférée par l'association des forces. L'homme finit par se fatiguer de tout, même de cracher à la figure de son prochain. Il faut convenir ici que nos insultes procédaient d'une bonne intention, mais il n'est pas possible d'être généreux éternellement, et nous nous dispersâmes. Deux ans étaient passés, peut-être plus."
Commenter  J’apprécie          10
- La vie, ça n'est pas de la littérature. Il faut vivre... Ensuite écrire.
Commenter  J’apprécie          450

autres livres classés : littérature argentineVoir plus


Lecteurs (37) Voir plus



Quiz Voir plus

Les classiques de la littérature sud-américaine

Quel est l'écrivain colombien associé au "réalisme magique"

Gabriel Garcia Marquez
Luis Sepulveda
Alvaro Mutis
Santiago Gamboa

10 questions
371 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature sud-américaine , latino-américain , amérique du sudCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..