AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782330117672
160 pages
Actes Sud (02/01/2019)
3.4/5   10 notes
Résumé :
Une bombe explose sur un marché d'Abuja, capitale du Nigeria. Ona, agent scientifique de l'onudc est dans le pays pour former la police locale aux méthodes d'investigation scientifique. De la théorie à la pratique, elle est dépêchée sur les lieux de l'attentat pour en recueillir les données le plus objectivement possible. En décortiquant une scène de crime, c'est tout ce qui fourmille au coeur du grand malentendu contemporain que tente d'autopsier L'Éducation occide... >Voir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Que lire après L'Éducation occidentaleVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Une phrase de 150 pages pour détailler les phases d'une autopsie géante, puzzle morbide dont Ona devra échantillonner les pièces éparses, corps démembrés ou composants d'explosifs. Pièces à conviction d'un attentat terroriste perpétué sur l'affolé marché d'Abouja. L'observation du carnage est crue, privée d'émotion. À l'exception, peut-être, de cette tête décapitée qu'Ona reconnaît. Son chauffeur. Que fait-il là ? Il faudra tout « reconstituer ».
Boris le Roy décrit l'horreur telle qu'elle est, parce que la censure qui sévit à notre époque dénature les massacres, en efface l'humanité pour tout archiver, détourner les regards, passer à autre chose. En anglais, quand les images sont trop explicites et susceptibles de choquer, on dit qu'elles sont « graphic ». Boris le Roy va plus loin que le « graphic », puisant dans tous les registres. Les chairs meurtries sont dépeintes à la manière de Francis Bacon, du Caravage… ou de Pollock, si j'osais. Il est là l'intéressant paradoxe : en décrivant la barbarie de manière clinique, il rend aux victimes la dignité que le dégoût et le déni communs leur enlèvent. Il n'y a pas de guerre propre. L'expression « frappe chirurgicale », par exemple, est une aberration linguistique, complice de son auteur. Idem pour l'attentat kamikaze : il faut exposer pour ne pas banaliser.
Ce livre, quelquefois éprouvant (âmes sensibles s'abstenir), montre que le roman, lui seul, peut devenir un témoin objectif du malheur. J'ai aussi admiré la manière dont la forme (une prose telle une trajectoire de balle) sert le propos de l'auteur. Dans les pas d'Ona, en la suivant dans sa terrible besogne, on apprend beaucoup sur le Nigéria et le terrorisme qui le gangraine. Autant de digressions, de parenthèses, qui permettent de reprendre son souffle.
Bilan : 🌹🌹
Commenter  J’apprécie          180
Le titre ?
De facture classique , déconcertant quand on connaît le sujet.
Il a à voir avec Boko Haram, le nom donné à l'organisation terroriste au Nigéria, celle justement qui vient de commettre un attentat sur le marché d'Abuja : Boko, en dialecte haoussa, désigne l'alphabet occidental. le mot pourrait aussi renvoyer à quelque chose de suspect. Haram veut dire interdit.
L'Education occidentale, c'est donc à lire dans un double sens : le regard porté par ce groupe sur l'Europe, mais aussi le rappel que la vision de l'auteur présent là-bas est celle d'un Européen.
Le sujet ?
Boris le Roy a eu l'opportunité de suivre une amie mutée par l'ONU au Nigéria pour former la police scientifique. Dès son arrivée, deux attentats et la prise de conscience que de là où il venait et là où il était, il y avait ces actes terroristes, et donc la nécessité de s'intéresser à cette question. Il passe plus de six mois sur place, y retourne ensuite : le temps de s'immerger, s'imbiber, interroger.
La littérature et le terrorisme ?
BLR recherche un dispositif littéraire, un « souffle » pour restituer au mieux certaines choses. Il met ce travail en parallèle avec « l'insensibilité salvatrice » de l'agente scientifique sur le lieu de l'attentat. Une froideur apparente devant l'intolérable. Ne pas être dans l'émoi circonstanciel, prendre de la distance. Une autre manière de représenter. Mais aussi un instantané : le récit n'a pas la prétention de traiter une question aussi vaste et grave.
De la sidération à la considération ?
L'écriture littéraire est en effet un filtre qui permet le traitement et d'une certaine manière la réflexion. Ona, présente pour la police scientifique, est au service des victimes, dans la mesure où ses relevés sont autant de preuves et de possibilités d'identification. Les journalistes et les politiques sur le terrain, eux, veulent des réponses immédiates, au risque de détruire les preuves. Ona, la protagoniste, n'est ni du côté de la victime, ni du côté du terroriste. C'est cette distance que la littérature permet de ménager.
Questionnements multiples ?
Ona elle-même s'interroge sur sa place dans ce pays, sur sa mission et plus largement sur celle des organisations internationales au Nigéria : quelle légitimité ? quel pouvoir réel ? qui aide-t-on ? Il y a un passé colonialiste anglo-saxon (« manipuler plutôt qu'asservir ») dont l'influence demeure.
On ressent sur place une forme de « chaos flottant », l'impossibilité de savoir le vrai, de décoder les propos des uns et des autres.
Plusieurs fils narratifs ?
Il y a d'abord l'enquête technique mais très vite elle se double d'une introspection : Ona retrouve la tête de son chauffeur sur les lieux de l'attentat. Un personnage terriblement ambigu. Elle n'a jamais su qui il était vraiment et tout en poursuivant son travail, elle relit le passé, l'analyse, l'interprète. Elle l'a cherché quand il a disparu après lui avoir volé sa voiture, elle a « enquêté » sur lui. Est-il ce jour-là une victime ou le terroriste ? le tissage entre présent et passé, souvenirs et réalité, doutes et rigueur scientifique se fait sous forme d'un flux narratif continu, scandé par les indications de relevés, étapes du récit, comme des « têtes de chapitres ». Deux fils savamment liés.
Donner à voir ?
Les images du marché dévasté sont très précisément écrites. Chaque élément corporel recueilli par Ona est décrit avec une minutie sans concession (« l'insensibilité salvatrice»). BLR se dit très influencé par Claude Simon, dans La Route des Flandres : aller « jusqu'au bout du geste, de la sensation, de l'image ». Il est question aussi de peinture dans le récit : regarder les corps et ne pas être fasciné par le fragment. « La Forme est la première et la dernière instance de la responsabilité littéraire » écrit Barthes. le travail de l'écriture est fondamental, d'autant plus sur de tels sujets.
Une boucle ?
La dernière page se superpose à la première, en se modifiant peu à peu. Expression de la sensation d'être dans un cercle, dont on aura du mal à sortir. « Ne pas se retourner, toujours avancer », c'est le leitmotiv d'Ona, mais la terre est ronde, elle reviendra nécessairement à son point de départ.

Un récit en mouvement, celui de l'écriture « continue », celui de la pensée et des émotions. le dispositif littéraire choisi par Boris le Roy rend compte de la dispersion réelle,
celle des corps et des interprétations et de la tentative, vaine, de démêler le vrai du faux, de trouver la vérité.


Lien : https://www.tribunelivres.com
Commenter  J’apprécie          00
Plongée saisissante et tour de force littéraire dans le Nigéria contemporain confronté au terrorisme de Boko Haram.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/01/11/note-de-lecture-leducation-occidentale-boris-le-roy/

Publié en 2019 chez Actes Sud, le troisième roman de l'acteur et scénariste Boris le Roy nous offre un torrent puissant et de la foudre saisissante. Plongés d'emblée dans le flot des notes fiévreuses inscrites à toute allure dans son journal de bord par Ona, policière française experte détachée via l'ONU auprès des autorités nigérianes, décrivant le tumulte à refroidir et analyser en permanence que constituent les premières minutes suivant un attentat terroriste de Boko Haram sur un marché populaire d'Abuja, la capitale de la fédération, la lectrice ou le lecteur ne reprendront jamais leur souffle. Et tant mieux.

Gorgé de flashbacks qui peuvent être aussi bien étonnamment intimes que brutalement géopolitiques, de pensées parasites qui se faufilent comme aux forceps dans la réalité urgente des décombres et des cadavres à sécuriser, le récit, nécessairement chaotique, se structure néanmoins avec maestria, sous l'impact décisif, chevillé au corps et à l'esprit, de la nécessité du professionnalisme et de la froideur analytique, contre toutes les données aléatoires, horribles, de l'immédiat lendemain (décompté en minutes ou dizaines de minutes) de l'attentat. Non pas un journal, mais le flux de pensée entourant et surplombant la rédaction d'un journal, la tentative en action même d'instiller de l'ordre au milieu du chaos – somptueuse métaphore dans la métaphore.

Issu d'un séjour de quelques mois effectué par l'auteur au Nigéria, ce roman, au-delà du véritable tour de force littéraire que constitue sa technique d'écriture et l'immersion radicale qu'elle provoque, saisira la lectrice ou le lecteur par sa profonde intelligence déployée tous azimuts, sans étalage ni esbrouffe. Décryptant avec brio le Nigéria d'aujourd'hui en évitant avec un soin particulier tous les clichés paléo- et néo-colonialistes, Boris le Roy, par la voix / pensée de l'expatriée Ona, nous confronte à une haine et à un rejet, ceux de l'alphabet latin (« Boko »), ceux de l'éducation occidentale en résumé extrême, comme fondation et comme prétexte d'une entreprise de terreur multivariée. Mobilisant aussi bien l'histoire du pays (certains épisodes, logiquement, nous renverront l'espace fugace d'une étincelle intellectuelle aux constructions poétiques et imaginaires, labyrinthiques comme il se doit ici, de Tade Thompson aussi bien que de Christopher Okigbo) que les strates ethniques, religieuses et socio-économiques qui le caractérisent de nos jours (inventant avec une cohérence magnifique les voix ad hoc, dans les fréquentations d'Ona, chaque fois que nécessaire), l'auteur nous plonge dans les réalités d'une guerre idéologique et d'une coopération mutante, d'une série de corruptions et d'une série d'émancipations, multipliant avec une ruse extrême les angles de vue (on songera certainement ainsi au brio déployé par Harry Parker dans « Anatomie d'un soldat », à propos de la guerre en Afghanistan, cette fois). En jouant à l'occasion entre des accents qui viendraient du Oliver Rohe de « Ma dernière création est un piège à taupesMikhaïl Kalachnikov, sa vie, son oeuvre » et d'autres qui se seraient échappés de chez le James Manos Jr. de la série télévisée « Dexter », Boris le Roy déploie à merveille le spectaculaire marchand inscrit au coeur du terrorisme, et son utilisation sans vergogne par ses ennemis même, dans tous ses impacts ramifiés et pas toujours soupçonnables.
Lien : https://charybde2.wordpress...
Commenter  J’apprécie          10
Il est 13h30 lorsque Ona arrive au marché d'Abuja au Nigeria, quelques minutes après une terrible explosion. Agent scientifique recrutée par l'ONU pour former les équipes locales aux méthodes d'investigations scientifiques, la jeune femme est à la recherche du moindre indice. Tout a volé en éclats. Les étals pulvérisés recouvrent les corps démembrés des victimes. Ona se met au travail méthodiquement, cherchant à comprendre ce qui a provoqué l'explosion. Avec surprise, elle s'aperçoit rapidement que l'un des corps des victimes n'est autre que celui de son chauffeur, homme mystérieux au comportement trouble.

Véritable exercice de style, L'Education Occidentale n'est composé que d'une seule et longue phrase, traduisant le rythme étouffant de la scène. Entre thriller scientifique et roman politique, se superposent passé de la jeune femme et réflexions face à la scène. L'ensemble forme un roman hybride, un peu déroutant. C'est un livre exigeant et dense, malgré le peu de pages et qui emporte le lecteur vers la réalité sordide du terrorisme. En élucidant point par point tous les détails de l'enquête, le personnage nous offre l'agitation de son âme dans une situation hors du commun. Toutefois, malgré l'analyse sociale fascinante et les événements décrits avec une réalité frappante, je suis restée complètement en dehors du texte, tant le regard froid et mécanique m'a gênée. Ici, il n'est pas question de sentimentalisme, et si cela apporte beaucoup de dignité au sujet, le lecteur est pris au dépourvu par cette absence totale d'émotion. Je perçois le réel travail de l'auteur dans ce texte, mais il m'a vraiment manqué quelque chose pour l'apprécier pleinement.
Commenter  J’apprécie          00
Un livre à couverture colorée, en contraste avec l'horreur et la froideur de son contenu. Les plus initiés auront compris à l'évocation du titre qu'il est question du groupe islamique Boko Haram (signifie en haoussa «l'éducation occidentale est un péché» ), les néophytes - comme nous - en apprendront beaucoup à sa lecture.

Ona, agent scientifique recrutée par l'ONU, arrive à Abuja - capitale du Nigeria - pour parfaire la formation de la police locale aux méthodes d'investigation scientifique. Finalement, la pratique rattrape la théorie quand elle est requise sur les lieux d'une explosion terroriste pour conduire les premières constatations. Parmi les corps déchiquetés des victimes, elle reconnaît son chauffeur mystérieusement disparu quelque temps plus tôt. L'héroïne est alors assaillie par l'emballement des hypothèses et la tentation de l'élucidation.

Véritable exercice de style, l'Education Occidentale ne se compose que d'une seule et longue phrase. Cette absence de point traduit parfaitement le rythme étouffant de la scène - la seule et l'unique du livre - mais surtout la vague déferlante de questionnements et d'hypothèses qui traversent l'esprit de la protagoniste principale.

L'auteur oscille entre thriller scientifique et roman politique. L'ensemble forme une oeuvre hydride, très voire trop technique, avec une accumulation d'acronymes (ONUDC, DSP, CEDEAO, NGN, etc.). Un livre exigent et dense, malgré le peu de pages (147 pages), qui peut perdre le lecteur. On perçoit le réel travail de Boris le Roy dans ce texte qui retranscrit avec justesse le quotidien d'un agent scientifique. Chaque détail de l'enquête est décrit avec minutie, mais le regard froid et mécanique de l'héroïne sur ces corps déchiquetés (c'est son métier me direz-vous) n'emporte pas l'attention du lecteur. Restent donc les développements politiques et diplomatiques sur les troubles que connaît la région.

Un travail journalistique qui nous apprend beaucoup sur l'Etat islamique en Afrique de l'Ouest - communément appelé Boko Haram - à l'aide de chiffres et analyses, à défaut d'une « enquête fascinante » comme nous laisserait à penser la quatrième de couverture.
Lien : https://www.instagram.com/p/..
Commenter  J’apprécie          00


critiques presse (1)
LeMonde
05 février 2019
Comme son héroïne, Ona, la narration de L’Education occidentale est duelle. Tiraillée entre la réalité de là-bas, à Paris, et d’ici, au Nigeria. Entre la précision qu’impose le travail scientifique et le bouillonnement des émotions que provoque l’altérité.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
ABUJA / W. MARKET
13 H 30
écrit Ona, prenant soin de ne révéler ni son identité ni l’objet de ce futur rapport confidentiel afin de sécuriser les notes qu’elle va consigner sur son carnet, avec précision, méticulosité, voire une insensibilité salvatrice, il s’agit de contrôler ses facultés mentales et motrices pendant la description fragmentaire du désastre, alors que la colonne de fumée s’élargit dans le ciel, et que les sirènes retentissent en continu, créant des effets de dissonances et de contrepoints, comme les dernières notes d’une fugue répétées en boucle, elles accompagnent le ballet incessant des secours qui transportent les victimes vers les ambulances orange rayé de noir, alignées les unes derrière les autres, prêtes à repartir une fois qu’elles seront chargées par ces infirmières, croix rouges dans le dos, et ces médecins en blouse verte, qui déposent les blessés, un par un, parfois deux par deux, sous la surveillance d’un policier, gilet pare-balles et mitraillette, devant lequel Ona s’arrête pour lui présenter son badge ONU avant de lui demander où se trouve le deputy superintendent of police, elle trouvera le DSP un peu plus loin, tenue réglementaire, chemisette bleue, béret noir et trois étoiles sur son galon, précise-t-il en indiquant le nuage de vapeur blanche, vers lequel Ona se dirige, passant devant un homme assis par terre, la chemise imbibée de sang, attendant les secours, il est comme égaré, somnambulique, se dit Ona, sans se retourner ni s’arrêter, ne pas se retourner ni s’arrêter, continuer sa progression, elle est à soixante mètres, peut-être cinquante, de l’épicentre quand elle repère l’homme en chemisette bleue, béret noir et trois étoiles sur son galon, le DSP donc, posé devant quelques journalistes braquant micros et caméras, il l’a vue, lui fait signe de la tête, continuant d’accorder son interview, il est question de l’explosion qui a secoué le marché ; d’une première estimation du nombre de morts et de blessés qui sera communiquée d’ici peu ; du Nigeria Fire Service qui éteint les derniers foyers et de la National Emergency Management Agency qui apporte les premiers soins, les blessés les plus graves étant conduits au National Hospital ; enfin de l’attentat qui n’a fait l’objet d’aucune revendication officielle à cette heure, mais le groupe État islamique en Afrique de l’Ouest, communément appelé Boko Haram, est fortement soupçonné, conclut-il avant de s’excuser, de tourner le dos aux journalistes qui vocifèrent tout à coup, frustrés, abandonnés et suppliants, mais le DSP ne les entend déjà plus, il salue celle qu’il attendait, la remerciant d’être venue, lui demandant de le suivre, marchant d’un pas rapide, tout comme le rythme de sa parole est rapide, à la limite du récitatif, entre ce devoir de professionnalisme, surjoué, et celui, plus sincère, de synthétisme : lui et ses hommes ont sécurisé le périmètre, repoussé en partie la foule, ne savent pas encore si la bombe a été posée ou si elle a été déclenchée par un kamikaze, une deuxième est peut-être sur les lieux, il y en a souvent une autre, voire deux, mais trois de ses agents spécialisés en explosifs se chargent d’inspecter la scène avant que les forces spéciales antiterroristes n’interviennent, ce qui n’est pas pour tout de suite, ajoute-t-il en soulevant le ruban en plastique jaune sur lequel est inscrit CRIME SCENE – DO NOT CROSS, laissant passer Ona, passant à son tour, reprenant sa marche, tous deux longeant la bande de sécurité qui retient la foule, envahissante, les hommes en boubou haoussa, babanrigas de toutes les couleurs, les uns en blanc et chapeau rouge, les autres en costume traditionnel, pantalon ample et tuique or, chaque pièce est taillée dans un même morceau de tissu, donnant à cette assemblée un aspect de graphie élémentaire qui vibre autant par la multiplicité des touches larges et juxtaposées les unes aux autres que par les mouvements des hommes qui piétinent, s’impatientent, s’avancent, cages thoraciques gonflées, bouches ouvertes, voix sortant des colonnes d’air en surrégime, ils veulent savoir ce qui s’est passé, révélé ce qu’ils ont vu ou entendu,
Commenter  J’apprécie          00
sept hommes
(trois équipes de deux, plus un),
note-t-elle, avant de demander au DSP où seront entreposés les scellés et les corps ; les prélèvements organiques et les morceaux de corps seront placés dans les coolers, répond-il, de simples boîtes dans lesquelles il y a des blocs de glace, les corps entiers, eux, seront emmenés dans les chambres froides de l’hôpital pour être identifiés, qu’elle n’hésite pas à les aider sur la partie enquête, les déductions ou les procès-verbaux, comme il n’y a pas de caméra de surveillance, il va falloir recueillir quantité d’informations dans le public, conclut-il en s’éloignant vers la foule, disparaissant, la laissant seule, avec ses hommes qui se retournent vers elle, ils attendent ses ordres, vraiment seule, se dit-elle, sur une scène qui dépasse de loin ses compétences professionnelles – sa spécialité, c’est la toxicologie – pour récolter, analyser et consigner l’ensemble des preuves matérielles d’un attentat à la bombe ; pourquoi est-elle venue ? s’interroge-t-elle, en renfort, se persuade-t-elle, à la demande du commissaire adjoint responsable de la branche Forensic Science Laboratory of Nigeria Police Force, qui avait déjà fait appel à elle, ou plus précisément à l’experte pour l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime d’Abuja, elle avait formé une dizaine de ses agents sur un matériel récent, mais quand bien même cette collaboration s’était avérée positive, elle soupçonne aujourd’hui que la sollicitation du commissaire adjoint est plus politique que relative à ses compétences – maintenir de bonnes relations avec l’ONUDC, protéger les aides allouées et obtenir les prochaines -, elle se demande même si ce n’est pas une sorte de bizutage macabre consistant à tester ses connaissances techniques sur une scène d’attentat qui, pour la police locale, est une épreuve, certes, mais pas non plus un fait extraordinaire, en tout cas pas autant que pour une expatriée, bien qu’elle ait déjà assisté à bon nombre de tragédies urbaines, arpenté bon nombre de scènes de crime, elle n’a cependant pas accepté l’invitation par fierté ou par orgueil, mais par souci de transmission, pense-t-elle, en entrant dans le véhicule et en demandant aux hommes de constituer des équipes de deux – l’un fera équipe avec elle –
Commenter  J’apprécie          00
mais Ona ne se fiera pas (uniquement) aux témoignages des survivants ou à ceux des badauds venus nombreux, se dit-elle, comme si elle avait besoin de se rassurer, faisant appel à ses connaissances techniques, sa routine, il en va de la valeur de la preuve, pense-t-elle, que le système judiciaire nigérian a adoptée depuis que le domaine de l’investigation a décidé que le témoignage – ou l’aveu – n’était pas une preuve mais un complément d’enquête, quiconque sait qu’un témoin peut mentir, mal interpréter ou ne pas se souvenir, alors que la valeur de l’identification scientifique, elle, est une valeur supérieure, nécessaire mais pas suffisante, après la multiplication des erreurs d’analyse et des détournements de preuve, elle est devenue un élément parmi d’autres, elle est probante, pas suprême, se dit Ona, qui sort de ses pensées quand elle frôle un policier s’opposant à la foule, montrant galons, pectoraux et pointant du doigt le ruban de sécurité : frontière infranchissable, prévient-il, avec une autorité naturelle, l’intensité de sa voix est au maximum de ses capacités pour contenir la masse qui gagne du terrain avec ce rythme traître d’une marée montante dont la vitesse n’est pas observable à l’œil nu mais mesurable à ce temps de rêverie entre deux retournements ; il faudra appeler du renfort, lâche-t-elle au DSP, comme si elle réfléchissait à voix haute, ou voulait l’avertir, car parmi les nouveaux arrivants se tiennent peut-être un ou plusieurs suspects ; ils n’arriveront malheureusement pas à évacuer tout le monde, répond-il en s’arrêtant devant un véhicule utilitaire qu’elle a déjà vu, la voix du DSP est basse, douce et posée, presque intime : il a toute confiance en elle pour le relevé des indices, il aimerait qu’elle coordonne les opérations, ses gars sont prévenus, ils l’écouteront, obéiront, dit-il en faisant signe à des jeunes policiers, portant treillis verts, tee-shirts noirs et casquettes, qui se mettent en mouvement et s’approchent,
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Boris Le Roy (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Boris Le Roy
A l'occasion du "Livre sur la Place" 2021 à Nancy, Boris le Roy vous présente son ouvrage "Celle qui se métamorphose" aux éditions Julliard. Rentrée littéraire automne 2021.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2545403/boris-le-roy-celle-qui-se-metamorphose
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
Visitez le site : http://www.mollat.com/ Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux : Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat Linkedin : https://www.linkedin.com/in/votre-libraire-mollat/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Vimeo : https://vimeo.com/mollat
+ Lire la suite
Livres les plus populaires de la semaine Voir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten


Lecteurs (18) Voir plus



Quiz Voir plus

Bois ou forêt ?

St Cucufa 92 Hauts de Seine 201 hectares

bois
forêt
-
-

10 questions
40 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur ce livre

{* *}