Enfin, la France d’avant la Terreur semble attachée à la paix. Au départ, elle n’affiche aucune ambition de conquête territoriale. L’Assemblée constituante commence même par déclarer solennellement la paix au monde, et ce pacifisme répond aux vœux profonds des Français qui, depuis trois quarts de siècle, n’ont jamais vu un envahisseur sur leur territoire ; Paris n’a pas connu d’occupation étrangère depuis que les Bourbons sont sur le trône.
Paris compte plus de six cent mille habitants. Mais il ne s’en trouve pas un sur dix qui juge utile de répondre à l’appel aux armes. Pour la plupart, ils se soucient plus du ravitaillement et du coût des denrées que de ce qui peut se passer aux Tuileries. Même s’ils ne sont pas indifférents au sort de la patrie, ils préfèrent leurs pantoufles à la bagarre, et ils laissent à de plus hardis le soin de régler les affaires politiques.
La Terreur finit par engendrer la contre-Terreur.
C’est l’engrenage révolutionnaire, engrenage qui implique un enchaînement de causes et d’effets dans tous les domaines : sur le terrain militaire, sur le terrain politique et sur le terrain économique.
Sur le terrain des armes : la République naissante, qui défie les rois, a besoin de la guerre. La guerre requiert la dictature. La dictature implique la contrainte. La contrainte engendre la Terreur.
Sur le terrain politique : la Révolution suscite la contre-Révolution, et pour tenir tête à la contre-Révolution, il faut recourir à la Terreur. Parallèlement, la Révolution, phénomène essentiellement parisien, soulève les ripostes de la province, qui soulignent la nécessité de la centralisation, laquelle ne peut s’imposer que dans la Terreur.
Il n’est pas question ici de refaire chronologiquement, après tant d’historiens, le récit événementiel et linéaire de la Terreur. Comme pour la Révolution dans son ensemble, je n’ai que l’ambition de déceler ce que la Terreur a coûté à la France et aux Français, ou ce qu’elle leur a apporté. Du bilan humain au bilan monétaire, il est aujourd’hui possible de faire les comptes.
Les sans-culottes parisiens, qui représentent la seconde force de frappe, touchent eux-mêmes quarante sous pour chaque séance de section, s’ils assurent n’avoir pas d’autre ressource. La colère des émeutiers n’est pas gratuite.
Si les meneurs de jeu savent ainsi mettre en branle les patriotes, ils ne savent assurément pas comment évoluera la « journée », ni quel sera son aboutissement, ni quel en sera le prix humain. Il importe seulement que Paris donne au monde l’impression de vouloir en finir avec ce qui subsiste de l’institution monarchique.