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EAN : 9782841727889
L’Atalante (21/11/2016)
4.45/5   58 notes
Résumé :
Voici l’histoire de Ren Daiyan, le fils d’un obscur archiviste d’une lointaine province de la Kitai. Il rêve de victoires et d’exploits ; il rêve de restituer à l’empire les Quatorze Préfectures tombées aux mains des barbares. Un long cheminement l’attend, mais vers quel destin ?

Car la glorieuse Kitai d’antan n’est plus et les cavaliers des steppes du Nord menacent son intégrité, sous le gouvernement de l’empereur Wenzong, mélancolique esthète, e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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On connaît la propension de Guy Gavriel Kay à s'inspirer de périodes et de personnages historiques bien spécifiques pour en proposer une nouvelle interprétation teintée de surnaturelle : « Les lions d'Al-Rassan » rappelait la Reconquista espagnole, « La mosaïque de Sarrance » l'Empire Romain d'Orient sous Justinien, et plus récemment « Les chevaux célestes » évoquait la Chine sous la dynastie des Tangs. On retrouve le même décor avec plusieurs siècles d'écart dans « Le fleuve céleste », dernier roman en date de l'auteur qui choisit ici de se consacrer à la chute de la dynastie Song au XIIe siècle après J.-C. Il est bien loin, le temps où la Kitai régnait sur un empire incontesté et dont le rayonnement s'étendait bien au delà des frontières du pays. En dépit de sa culture extrêmement sophistiquée, de la complexité de son administration, et de la beauté de ses poèmes, de ses jardins ou de ses chansons, l'empire se révèle incapable de tenir tête sur le plan militaire aux divisées mais ambitieuses tribus des steppes qui s'agitent dans les territoires du nord. Un contexte préoccupant qui va cela dit permettre à deux personnes de se révéler : la première est un jeune bandit appelé à devenir le plus grand général de l'empire ; la seconde est une jeune femme bien née, élevée de manière peu conventionnelle, dont les poèmes et le tempérament charment ou exaspèrent les membres du clan impérial. « On croyait suivre le fil convenu de son existence et il se produisait un bouleversement soudain, après quoi on comprenait qu'elle venait en réalité de commencer. A l'instant. Tout ce qu'il avait vécu avant cette nuit était devenu pour lui comme un prélude, les notes égrenées sur un pipa pour l'accorder et s'assurer qu'il fut prêt pour la chanson à venir. »

Guy Gavriel Kay offre une fois encore une galerie de portraits saisissants, certains purs fruits de son imagination, d'autres fortement inspirés de personnalités de l'époque : Lin-Shan rappelle ainsi la poétesse Li Qingzhao, Ren Daiyan le célèbre général Yue Fei... Mais ce qui marque surtout le lecteur, c'est le soin apporté par l'auteur aux « figurants », ces personnages secondaires qu'on aperçoit en toile de fond tout au long du roman ou bien qui disparaissent brutalement au bout d'une ou deux pages. Pour chacun d'eux, Guy Gavriel Kay élabore un passé, détaille le caractère, les rêves, les blessures, bref, leur donne une véritable consistance qui émeut le lecteur, alors pleinement conscient que ces personnages gravitant autour des héros ne sont pas de simples hommes de paille mais des êtres à part entière sur lesquels le récit aurait tout aussi bien pu se focaliser. Et le génie de l'auteur ne s'arrête pas là, le cadre se révélant lui aussi minutieusement travaillé. Par le biais d'extraits ou de variations de poèmes préexistants, des réflexions formulées par les personnages sur l'art de la calligraphie, sans oublier les scènes témoignant d'un mode de vie et d'une philosophie tournés vers la recherche de l'harmonie, c'est toute une civilisation qui prend vie sous nos yeux, dans toute sa complexité et avec toutes les contradictions que cela implique. La plume de l'auteur y est évidemment pour beaucoup, la beauté de celle-ci résidant dans ce qu'elle laisse entendre mais ne dit pas, rajoutant ainsi à la complexité et à la subtilité de l'ensemble. L'émotion n'en est que plus grande pour le lecteur qui refermera le roman avec, comme souvent chez l'auteur, une profonde mélancolie mais aussi la sensation d'avoir été le témoin privilégié d'une histoire exceptionnelle.

Après « Les chevaux célestes », Guy Gavriel Kay s'intéresse cette fois encore à la civilisation chinoise et rend un hommage poignant à la dynastie Song, confrontée ici à un moment charnière de son histoire. Une lecture inoubliable, tant pour l'immersion provoquée par la minutieuse reconstitution de l'époque que pour l'empathie éprouvée pour l'ensemble des protagonistes, et bien sûr pour la poésie de l'ensemble. A lire absolument !
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Dans une forêt de bambous, un adolescent fend l'air à coups d'estoc. Il a pour nom Ren Daiyan et rêve de jours glorieux. Il rêve du jour où la Kitai, le vaste empire décadent qui l'a vu naître, se relèvera de ses blessures. Il rêve du jour où les armées impériales marcheront vers le nord pour ravoir les Quatorze Préfectures perdues. Et avec à leur tête, lui-même, Ren Daiyan, quinze ans, fils d'un obscur archiviste d'une province retirée de l'empire. Car Ren Daiyan a un destin et, en ces jours tragiques où les barbares hantent les frontières de la Kitai et où la Cour impériale oscille au gré des querelles des puissants, ce destin est sur le point d'être révélé.

Sur la route de la gloire, il croisera nombre de personnages, comme la poétesse Lin Shan, femme brillante et sensible mais trop indépendante pour le monde étriqué de la Cour impériale. Il croisera également le premier ministre Hang Dejin, vieillard à l'intelligence féroce et au coeur impitoyable, hélas de plus en plus amoindri par les ravages de l'âge. Il croisera aussi les frères Lu, poètes et diplomates en exil. Il croisera même l'auguste empereur Wenzong, esthète mélancolique davantage préoccupé par la construction de son merveilleux jardin que par la bonne marche de son pays. Certains deviendront des alliés, d'autres des ennemis acharnés. Mais qu'importe : Ren Daiyan connaît son rôle et tiendra bon son cap pour l'accomplir. Et dans un an, dix ans, vingt ans peut-être, il traversera le fleuve Waï, portera la guerre dans les terres barbares et partira à la « reconquête de nos fleuves et nos montages ».

Comment diable ai-je fait pour rater la sortie de ce bouquin ? Ah, il est bien loin le temps où je guettais avec impatience l'édition de chaque livre de Kay, fouillant le web de fond en comble pour être sûre de l'acheter le jour même de sa sortie. Bien loin le temps où je pleurais toutes les larmes de mon corps pour la première fois sur la fin de « Tigane » ou les dernières lignes des « Lions d'Al Rassan ». Depuis, et mon petit coeur de fan saigne en faisant cette aveux, Kay m'a un peu déçue. Oui, ses derniers romans étaient d'excellente qualité. Oui, ils étaient débordants d'intelligence et merveilleusement écrits. Mais quelque chose manquait, une petite étincelle de magie et d'émotion peut-être, quelque chose d'indéfinissable mais de terriblement important tout de même, ce petit rien qui sépare un très bon roman d'un vrai chef d'oeuvre. Et – encore une fois je suis très marrie de l'admettre – ce n'est pas « le Fleuve Céleste » qui va changer la donne.

Pourtant ce roman avait tout pour m'enchanter : une période historique passionnante – à savoir l'Empire Chinois durant les invasions mongoles –, un style d'écriture toujours aussi délicieusement poétique et imagé, des personnages profonds aux motivations complexes et nuancée, principaux comme secondaires, un rapport à L Histoire et à son écriture toujours aussi fascinant… Et dans un sens, j'ai bel et bien était enchantée. J'ai été transportée dans un nouveau monde, un monde sur le déclin mais riche pourtant en émerveillements, un monde sublime et fragile comme un pétale de pivoine, fleur royale entre toutes. Mais si j'ai trouvé Ren Daiyan et Lin Shan attachants et intéressants, ils ne m'ont pas émue jusqu'aux larmes. Mais si j'ai lu ce roman avec un vif intérêt, je n'ai pas passé des nuits blanches calfeutrée sous ma couette pour le terminer plus vite. Il m'est même arrivé de trouver certains passages un peu longuets, avec la vague impression que l'auteur s'écoutait un peu écrire, opinion que j'aurais jugée blasphématoire à une époque.

Alors je m'interroge : est-ce moi qui ai perdu l'enthousiasme de mes vingt ans ou les romans de Kay ont-ils subtilement perdu en qualité ? Pourtant, j'ai relu « Les lions », il y a quelques années et, bon sang, c'était toujours aussi bon ! Si le meilleur de l'oeuvre de Kay est derrière lui, alors c'est bien triste… Mais je ne perds pas espoir et mise beaucoup sur son dernier roman, par encore sorti en français, qui, cette fois, nous transportera à Venise – une perspective très prometteuse et qui réveille ma vieille impatience d'antan. Continuez, monsieur Kay, j'ai toujours confiance en vous !
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Le tableau amer mais extrêmement émouvant de la fin d'un monde

Dans cette suite aux Chevaux célestes, Guy Gavriel Kay nous montre, une fois encore, la fin d'un monde et le commencement d'un nouveau, vus par les yeux d'acteurs de premier plan des événements. Si, comme d'habitude, le protagoniste féminin a un très beau rôle, il s'efface un peu plus, cependant, dans ce roman précis, devant celui du protagoniste masculin, un militaire bien décidé à mettre un terme à la désintégration de son univers. Comme d'habitude avec l'auteur canadien, le rythme est posé (ce qui donne une majesté parfaitement chinoise à l'ensemble), puisque l'action ne démarre, d'un certain point de vue (limité, et que je ne partage pas) qu'à partir de la page 351 sur 700. Ce qu'il faut à mon avis comprendre, c'est qu'il ne s'agit pas tant d'une accélération d'un(faux-)rythme que d'un basculement, celui des dominos qui ont été minutieusement mis en place dans les 350 pages précédentes.

Malgré tout, ce livre ne se destinera malheureusement pas aux lecteurs impatients ou cherchant un livre très rythmé, aux cliffhangers ou rebondissements incessants : il sera plutôt pour les amateurs de grandes sagas historiques, qui prennent le temps d'installer personnages, situation et décor avant de mener l'intrigue vers une conclusion à la fois grandiose, tragique mais inévitable (sur ce plan là, c'est du pur Kay). Fin qui, d'ailleurs, est, je trouve, magistrale dans son élégance et son refus des conclusions faciles, dans un sens ou dans l'autre. Magistrales sont aussi ces scènes à couper le souffle, par leur tension dramatique, l'émotion qu'elles distillent ou leurs enjeux, dans la droite lignée de celles des Chevaux célestes ou d'Al-Rassan.

Bref, ce roman exigeant, pas destiné à toutes les catégories de lecteurs mais d'une splendeur indescriptible (et j'espère avoir réussi, dans ma critique, à en rendre une partie), traversé par le souffle à la fois épique et amer de l'Histoire (même si ce n'est pas tout à fait la nôtre), montre, s'il en était besoin, que Guy Gavriel Kay est un écrivain au talent immense et un grand auteur de Fantasy (historique).

Vous trouverez la version complète de cette critique sur mon blog.
Lien : https://lecultedapophis.word..
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Ce roman de Guy Gavriel Kay fait suite aux Chevaux Célestes; 300 ans se sont écoulés depuis la fin des événements relatés alors, dans cette Kitaï directement inspirée de la Chine.

La guerre civile dont nous avons vécu les prémices dans le tome précédent laissa de profondes cicatrices dans le paysage asiatique. La Kitaï a peur de ses généraux et préfère désormais perdre du terrain face aux redoutables Cavaliers des Steppes plutôt que de s'exposer à une lutte fratricide. Les empereurs précédents choisirent d'abandonner une partie de leur territoires, une bande pourtant symbolique : les Quatorze préfectures bordant la limite nord du pays.

Cette fantasy historique patiemment élaborée et richement documentée est typique de notre auteur. A travers le destin des deux protagonistes principaux le lecteur prend contact avec cet empire surprenant et puissant.

Ainsi, d'un côté trouvons-nous un soldat impliqué dans l'action, et de l'autre une femme de lettre et de l'art qui subit. Les deux faces d'une même pièce, opposées tout en étant liée. Ce double point de vue est primordial dans la saveur qui se dégage du roman de Kay.

Ren Daiyan et le lecteur se rebellent contre cette résignation, contre cet abandon déloyal. Nous découvrons ainsi un jeune homme, fils d'un archiviste dans une province septentrionale qui rêve de revanche mais surtout d'arracher les Quatorze Préfectures des mains des barbares. Il est certain de sa destiné ainsi que de la pureté de sa mission et mettra tout oeuvre pour réaliser cette prouesse.

C'est dans cette population, bercé dans ces espoirs et cette blessure que le jeune homme va mûrir, grandir et se forger. Aux moments clés, c'est aussi parmi eux qu'il trouvera un soutien sans faille. L'action sera au rendez-vous avec chacune de ses apparitions, parfois pour une simple escarmouche, une infiltration en territoire ennemi ou une bataille d'envergure, quelques fois aussi pour la bagatelle…

A l'opposé, Lin Shan apporte une vision tout à fait différente sur la nature même de la Kitaï. Certes, nettement plus contemplative, mais pas moins puissante et robuste. C'est à travers elle que nous nous apercevons de sa résilience, qualité indispensable et fondatrice de son éternité. Les nations barbares la balayeront sans doute, la brutaliseront certainement, mais tandis qu'elles passeront, la Kitaï demeurera. En effet, la force d'une telle nation n'est point dans la brutalité, ni dans l'affrontement des hommes, mais dans ses arts, dans son esprit, dans son âme.

Question rythme, nous sommes dans la continuité Des Chevaux célestes, il est donc posé, travaillé et se fond parfaitement avec l'idée que je me fais de la Chine, à la fois douce et implacable. Il n'est pas nécessaire d'avoir lu le tome précédent pour s'attaquer au Fleuve Céleste, cependant quelques petits clins d'oeil parsèment l'histoire et sont appréciables en ayant goûté à l'histoire précédente (une référence aux 250 chevaux, une femme à la chevelure rousse, les vers d'un poète,….). Tout n'est pas parfait : quelques redondances et répétitions sont parfois ennuyeuses.

Le Fleuve Céleste s'inscrit parfaitement dans la continuité du tome précédent sur la Chine éternelle. L'auteur nous plonge au coeur de cet immense pays avec douceur, pour nous faire palpiter à l'unisson de personnages captivants. Un incontournable de la fantasy historique, un démenti éblouissant sur l'inanité du genre.

Critique plus compléte sur mon blog
Lien : https://albdoblog.wordpress...
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J'ai eu un coup de foudre pour cette couverture quand je l'ai découverte dans ma libraire préférée. Avant même de lire le résumé, je savais que j'achèterai le roman. Et puis, comme souvent avec moi, j'ai attendu pour le lire, attendu le bon moment, celui où je pourrais me lover dans mon fauteuil préféré et savourer pleinement ma lecture. C'est ce que j'ai fait il y a une petite semaine.

Ce joli pavé nous offre l'histoire de Ren Daiyan, le fils d'un archiviste d'une lointaine province de la Kitai. Il rêve de victoires et d'exploits, il désire ardemment restaurer la grandeur de la Kitai en étant celui qui lui rendra des Quatorze Préfectures perdues lors de combats contre les barbares. le chemin sera long, vers son avenir. Et la Kitai n'est plus ce qu'elle était, les cavaliers des steppes du Nord ont des rêves de grandeur aussi, et s'avèrent être une menace pour l'empire kitan, un empire qui se défie de son armée, traumatisé et hanté par des coups d'Etat militaires. de multiples destins se croiseront, des carrières se feront et se déferont car c'est aussi l'histoire d'un monde sur le point de changer.

le Fleuve céleste est le premier roman de Guy Gavriel Kay que je découvre, mais sûrement pas le dernier. Je suis complètement ébahie par le monde qu'il a réussi à faire cristalliser sous nos yeux : c'est à la fois le déclin, puis la chute et enfin l'avènement d'une nouvelle dynastie, le temps d'une vie complète. Tout est là : la culture avec des ci, des poèmes, des chants, des artistes aux inspirations variées ; les complots de la Cour, les attaques perfides, les ambitions des hommes, les assassinats et l'exil des opposants ; le souffle épique avec des batailles sur terre et sur l'eau, des sièges, des guerres et des poursuites ; de la romance en filigrane, mince et mesurée ; et enfin, les croyances et la mythologie d'une culture que nous découvrons, les femmes- renard : la daiji en est la preuve. Nous avons là véritablement un livre-monde. le rythme de la lecture se trouve donc impacté : c'est une lecture que l'on savoure, lentement, doucement. La beauté de ces pages ne se dévoile pas dans la précipitation, comme les pivoines de la fête de Yenlin, elle demande le temps de s'épanouir et de préparer mot à mot des destins hors normes, avec toutes leurs étapes, leurs faux départ, leurs errances et leur point d'orgue. La part culturelle ajoute indéniablement en saveur. Nous découvrons l'administration kitane, les examens impériaux pour devenir jinshi, les yamens et leur fonctionnement : une multitude de choses qui nous enrichissent et nous transportent dans un autre univers. D'ailleurs, je n'ai pas résisté après lecture à me renseigner un peu plus sur les esprits renard et sur la daiji, parce que c'est un animal que j'adore et cela m'a vraiment intriguée.

Si le récit prend son temps pour déployer ses ailes, il n'est pas pour autant ennuyant. Il y a une multitude d'événements, comme des épiphénomènes qui nous arrachent un sourire, qui nous intriguent et qui contribuent tous sans que nous le sachions, à la construction des personnages : une scène de vol dans les bois ouvre sur la ruse, l'intelligence d'un homme, et permet de sceller deux destins en une rencontre, une conversation autour d'un thé met en lien des personnages dont le parcours sera étroitement lié quelques centaines de pages plus loin. Tout a de l'importance au sein de ce volume, et c'est au lecteur d'être attentif et de savoir goûter la saveur de mille et un instants, différents, uniques, mais se combinant à la perfection.

L'auteur crée des personnages fabuleux, osons le mot. Ren Dayian est absolument extraordinaire par son courage, sa détermination, son intelligence et son humour. Il est aussi un fin stratège que fidèle ami. J'ai adoré le duo qu'il forme avec Zhao Ziji. J'ai également adoré que son parcours ne soit pas linéaire : cela donne un supplément d'être au personnage. Il commet des erreurs, a des émotions, se relève et avance. Je trouve que cela correspond mille fois plus à la vie qu'un héros sans peur et sans reproche qui accomplirait son destin, de manière mécanique, sans fêlure et sans humanité, finalement. Lin Shan est un personnage féminin hors norme et… bluffant. Femme dans un empire dominé par les hommes, un empire dans lequel les femmes n'ont que le droit d'être discrète, elle prend la plume, compose et donne à entendre sa voix, la seule qui s'élève parmi les hommes, à égale hauteur. Finalement, le féminisme n'avait pas cours à cette époque, dans cet empire, mais elle l'est sans le savoir, et à aucun instant, elle ou son père ne dément la difficulté d'être une femme, d'oser parler dans un monde qui muselle la moitié de l'humanité. Il n'y a donc pas de grandiloquence ou d'idéalisation : ce parcours de vie unique, permis grâce à un père hors norme aussi, est un chemin semé d'embûches, dangereux mais aussi magnifique. Enfin, j'ai adoré les figures de poète : les frères Lu. Ils incarnent le partage, l'amour, la douceur, mais aussi la lucidité et la droiture dans un monde de courtisans et de faux semblant. le premier ministre Hang Dejin est lui aussi époustouflant par sa ruse et sa lucidité politique. Il tire les ficelles, il anticipe, et malgré sa cécité croissante, il voit mieux que beaucoup. Vous l'aurez compris, la galerie des personnages porte aussi le roman, et lui confère toute sa complexité. Aucun personnage ici n'est un être de papier vain et futile, tous ont une multitude de facettes, qui se dévoilent au moment opportun pour notre plus grand plaisir. Et que dire des guerriers des steppes, des complots et des coups d'Etat menés par des cavaliers avides de pouvoir ! Les chefs de guerre altaï incarnent à la perfection l'un la force brute, la violence et les appétits de conquête et de mort, l'autre la mesure dans une conquête démesurée, l'ambition raisonnée – ce qui semble paradoxal – mais pas exempte de violence.

Je crois que je pourrais parler encore de ce roman tant il y a de choses à en dire. Son ampleur dépasse de beaucoup la plupart des oeuvres ce que j'ai pu lire jusque-là, sa chute est à la fois poignante, frustrante et belle. Nous espérons, nous luttons aux côtés des personnages, et, comme eux, nous sommes rappelés par les contingences matérielles, par la vraie vie et la vraie nature des hommes, nous regrettons, mais in fine, pas tant que cela, car cette fin, si elle déçoit nos espoirs, satisfait aussi notre coeur dans ses dernières pages. Arrivés à son point final, une véritable légende s'est écrite sous nos yeux.

le Fleuve céleste est plus qu'un coup de coeur. Je suis littéralement subjuguée par toute l'oeuvre : on ne pourrait retrancher aucune ligne mot, aucun mot, tout contribue à la beauté du texte. le lecteur découvre là une magnifique épopée, inspirée de la chute des Song du Nord, riche d'humanité, riche d'aventures et riche de sens. Une beauté à savourer!
Lien : https://lesreveriesdisis.com..
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critiques presse (2)
LesVagabondsduReve
12 janvier 2017
À vrai dire, un splendide mémorial aux héros perdus d’un empire défunt. À lire ! Et de ceux que je relirai avec le même plaisir.
Lire la critique sur le site : LesVagabondsduReve
Elbakin.net
09 novembre 2016
Il ne saurait pour autant être ici question d’un simple roman initiatique au déroulement convenu et l’ouvrage nous entraîne avec finesse jusqu’à un dénouement particulièrement réussi qui donne matière à réfléchir et discuter.
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Le pinceau du scribe est l'arc du guerrier. Les lettres qu'il dessine sont des flèches qui doivent toucher leur cible sur la page. Le calligraphe est un archer ou un général sur le champ de bataille. Quelqu'un l'a écrit il y a bien longtemps. Tel est son état d'esprit ce matin. Elle est en guerre.
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On croyait suivre le fil convenu de son existence et il se produisait un bouleversement soudain, après quoi on comprenait qu'elle venait en réalité de commencer. A l'instant. Tout ce qu'il avait vécu avant cette nuit était devenu pour lui comme un prélude, les notes égrenées sur un pipa pour l'accorder et s'assurer qu'il fut prêt pour la chanson à venir. 
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Si pénible qu'il fût pour un homme vertueux de faire assassiner quelqu'un pour avoir entendu une conversation, il l'était encore plus de découvrir que l'instruction, une fois donnée , n'avait pas été exécutée.
Le Premier ministre songerait aussi aux gardes impériaux de faction au pavillon ce matin-là . C'étaient de fidèles serviteurs de l'empereur qui l'accompagnaient en permanence , et dont on ne pouvait pas ordonner la mort. Pas sans conséquences. Il se contenterait de les promouvoir.
On faisait ce qu'on pouvait.
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