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EAN : 9781027800545
Le Castor Astral (07/01/2016)
4.45/5   11 notes
Résumé :
« Écrivons, nom d’un pétard ! Ficelons nos phrases, serrons-les comme des andouilles et des carottes de tabac. Masturbons le vieil art jusque dans le plus profond de ses jointures. Il faut que tout en pète, monsieur. »

Le Gueuloir réunit les principales fulgurances glanées dans la correspondance de Gustave Flaubert. Les femmes, les bourgeois, les gens de lettres, l’art, la morale, la politique, la religion : en grand pourfendeur de la bêtise, l’Excess... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
“Le seul moyen de supporter l'existence, c'est de s'étourdir dans la littérature comme dans une orgie perpétuelle.”

Gustave Flaubert est-il un auteur incontournable ? C'est une personnalité clivante à bien des égards : réactionnaire, anti-bourgeois, avant-gardiste, libéral pourfendeur de l'idéal socialiste et mis au banc des accusés par la société conservatrice de l'époque. Bourgeois normand, étudiant en droit médiocre (il s'inspirera de son passé, sans complaisance, dans l'Education Sentimentale) sans ambition autre que celle d'écrire “dès qu'on abandonne sa chimère, on meurt de tristesse” avoue-t-il, fuyant l'ennui et l'introspection qu'il juge mères de toutes les déprimes.

Gustave Flaubert n'aime pas les masses, ni le suffrage universel, et encore moins les représentants du peuple, s'attaquant aux lois qui veulent limiter la liberté de la presse il éructe ‘“oui, cette loi passera, car les représentants du peuple ne sont autres qu'un tas immonde de vendus. Leur vue c'est l'intérêt, leur penchant la bassesse, leur honneur est un orgueil stupide, leur âme un tas de boue: mais un jour, un jour qui arrivera avant peu, le peuple recommencera la troisième révolution ; gare aux têtes, gare aux ruisseaux de sang”.

L'auteur de Madame Bovary entretient une longue correspondance avec ses contemporaines, notamment Louise Colet, ça n'empêche pas quelques saillies misogynes, d'ailleurs son rapport à l'amour est plein d'ambiguïtés, comme s'il restait toujours au seuil du couple, “l'être féminin n'a jamais été emboité dans mon existence” confesse à George Sand l'auteur dont on questionne aujourd'hui une possible homophilie, penchant possiblement partagé par l'un de ses plus proches correspondants Louis Bouilhet.

Dans ces perles de correspondance on découvre un Flaubert moraliste, effet accentué par l'édition ciselée de telle sorte que le lecteur découvre ces ronds de nacre comme une suite d'aphorismes, cela n'avait pas échappé à André Gide qui troqua comme livre de chevet, durant plusieurs années, le stoïque Marc-Aurèle pour les lettres de Flaubert, voyez-vous même : “ce ne sont pas les grands dîners et les grandes orgies qui nourrissent, mais un régime suivi, soutenu. Travaille chaque jour patiemment un nombre d' heures égales. Prends le pli d'une vie studieuse et calme; tu y goûteras d'abord un grand charme et tu en retireras de la Force.”

Mais Flaubert se vit d'abord en écrivain-artisan, sa correspondance est riche d'épanchements sur la difficulté d'écrire, sur les servitudes de la littérature et sur l'obsession du style “serre ton style, fais en un tissu souple comme la soie et fort comme une cotte de mailles”, “toujours penser au style” ajoute-t-il dans une autre lettre. Il souligne “qu'il est plus facile de devenir millionnaire et de vivre dans des palais vénitiens plein de chef-d'oeuvre que d'écrire une bonne page et d'être content de soi” ; reconnu de son vivant, il peut compter parmi ses correspondants à la fin de sa vie, Maupassant, Huysmans ou encore Zola.

Le temps c'est de l'argent, et comme Flaubert n'en manquait pas, sans avoir à travailler, il pu prendre le temps voulu pour écrire, martelant qu'il “faut écrire pour soi avant tout” et pas pour la gloire ni pour satisfaire les critiques. le temps de l'écriture et les desseins aristocratiques de la littérature chez Flaubert, sont liés à sa situation matérielle, comme le souligne son biographe Michel Winock, de là un farouche sentiment de supériorité et une acerbe peinture du “petit milieu” de la critique et des littérateurs du tout Paris. 
Son attitude nobiliaire à l'égard de l'argent se traduit dans ses courriers, se plaignant que bientôt on ne pourra plus vivre sans s'occuper “de son bien” et qu'il ‘“faudra que tout le monde passe plusieurs heures à tripoter ses capitaux. Charmant!”

Finalement, me direz-vous, pourquoi le “gueuloir” ? Certes référence au langage pas châtié, qui pourtant alterne avec le lyrisme et la douceur de bien des passages. En réalité, Flaubert travaillait ses phrases à voix haute dans sa maison rouennaise : Il gueulait littéralement ses phrases pour en éprouver le style dans une pièce à part, son jardin la nuit, seul ou en public… plus qu'un lieu, finalement ce gueuloir est davantage une méthode, une discipline d'écrivain… que le lecteur parfois, peut ressentir à son tour en lisant à voix haute.

Un dernier conseil Gustave ?

“Faites de grandes lectures, tout est là. Je vous le répète encore.”

Bien alors, bonne lecture à vous babéliotes !

Qu'en pensez-vous ?
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Un petit trésor déniché en 2016...offrant les extraits les plus savoureux de la correspondance colossale de Gustave Flaubert, publié par un petit éditeur de qualité, le Castrol astral... avec le plaisir supplémentaire des dessins très caustiques de Daniel Maja...

Un florilège qui balaye avec brio tous les sujets : la bourgeoisie qu'il pourfend, l'hypocrisie et la superficialité du monde des Lettres, l'Art , la politique, les classes sociales, la bêtise, ....les nationalismes,l'Amour, les conventions sociales, les minorités, etc.

Jubilatoire et excessif... de quoi avoir envie de se plonger dans cette célébrissime correspondance réputée pour son intelligence et sa causticité !

...et sujets éminemment redondants et récurrents, qui reviennent en boucle : le difficile travail de l'écrivain, les souffrances de l'Ecriture !!

Observateur sans concessions de la "Comédie Humaine", polémiste virulent, rebelle, ainsi que boulimique d'art et de travail [d'écriture ]...mais aussi un "ours bourru " bienveillant, combattant tous les racismes, et intolérances :

"Je ne suis pas plus moderne, qu'ancien, pas plus français que Chinois, et l'idée de la patrie, c'est-à-dire l'obligation où l'on est de vivre sur un coin
de terre marqué en rouge ou en bleu sur la carte, et de détester les autres coins, en vert ou en noir, m'a paru toujours étroite, bornée, et d'une stupidité féroce. Je suis le frère en Dieu de tout ce qui vit, de la girafe et du
crocodile comme de l'homme, et le concitoyen de tout ce qui habite le grand hôtel garni de l'Univers. " (p. 27)

Tous les tons: de la truculence la plus vive au lyrisme, à la poésie mélancolique, en passant par le verbe haut et misanthropique [ le titre donné à ce petit ouvrage est fort bien choisi !!...]


Un florilège à emporter , et "à picorer" au fil des humeurs ! A savourer , partager et à offrir , sans réserve !

"Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens qui s'étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j'en vois et toujours avec un nouveau plaisir. L'admirable, c'est qu'ils excitaient la -haine- des bourgeois, bien qu'inoffensifs comme des moutons. (...)
C'est la haine que l'on porte au bédouin, à l'hérétique, au philosophe, au solitaire, au poète, et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m'exaspère. - A George Sand, vers le 15 juin 1867 "(p. 130)



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Il s'agit d'un recueil de correspondances échangées par Gustave Flaubert et ses « amis » au fil de sa vie, de son évolution, de son oeuvre, regroupées par Thierry Gillyboeuf, accompagnées de dessins de Daniel Maja aux éditions « le Castor Astral ». Ce livre est déjà un petit bijou par sa présentation, sa mise ne page, les dessins en noir et blanc ressemblant à des caricatures qui donnent du cachet à cet ouvrage. Donc un bel objet.

« le gueuloir réunit les principales fulgurances glanées dans la correspondance de Gustave Flaubert. Les femmes, les bourgeois les gens de lettres, l'Art, la morale, la politique, la religion : en grand pourfendeur de la bêtise, l'Excessif (tel qu'il aimait à se surnommer lui-même) n'épargne personne. Ripailleur et tonitruant, il se montre tout autant épris d'absolu que sensible jusqu'à la mélancolie», nous annonce la quatrième de couverture.



Ce que j'en pense :



Ces perles tirées des "correspondances" sont classées par ordre chronologique et s'étendent du 13 septembre 1838 au 3 mai 1880 et s'adressent à différents personnes. Elles sont accompagnées d'illustrations proches de la Caricature qui leur donnent du relief.

Tout d'abord, quelques mots sur le titre, "Le Gueuloir": Flaubert s'enfermait dans une pièce de sa "boîte" du Croisset qu'il arpentait de long en large en récitant, en grondant les phrases qu'il venait d'écrire pour mieux se les approprier, les améliorer.

On trouve ainsi Ernest Chevalier, avec lequel il a formé un journal manuscrit «Arts et progrès », Maxime du Camp et Louis Bouilhet, qui l'ont encouragé à se lancer dans l'écriture de Madame Bovary, Laurent Pichat, Ernest Feydeau, (à partir de 1858), aux frères Goncourt (à partir de 1862).

On trouve des femmes aussi avec une privilégiée Louise Colet, jusqu'en 1857, mais aussi sa nièce, Caroline Flaubert Hamard, avec la quelle il correspondra toute sa vie, Madame Roger des Genettes, la Princesse Mathilde 1866, George Sand que l'on rencontre en 1867 sans oublier sa mère.

On croise au passage Guy de Maupassant, et même Tourguéniev

Bien sûr, j'ai eu envie d'en savoir davantage sur Louise Colet, poétesse qui a côtoyé tout le monde littéraire de l'époque, et fut la maîtresse de Flaubert alors qu'il était loin d'être connu, mais aussi celle de Vigny, Musset et d'autres encore. Leur rupture en 1856 fut douloureuse et Louise est tombée dans l'oubli, alors qu'elle a reçu le prix de l'Académie Française… (Petite digression qui ne figure pas dans le livre)

Non seulement les correspondants sont variés mais les thèmes également, il aborde aussi bien l'amour, que l'Art qu'il écrit toujours avec une majuscule, le talent, la critique, la politique, la religion…

Ce livre est jubilatoire. Flaubert a un esprit malicieux, caustique parfois, lucide, sans concessions qui me plaît énormément. Certaines phrases sont toujours d'actualité, hélas, preuve qu'on ne retient rien des enseignements de l'Histoire.

On le voit tour à tour lucide, caustique, puis survient la sphère de l'intime, qui se glisse subrepticement dévoilant un être sensible, qui se fait peu d'illusions sur ses contemporains. Il nous surprend, c'est un magicien des mots. Qui oserait écrire ainsi de nos jours sans narcissisme.

Bref, j'ai adoré le style, j'aime l'auteur donc c'était sûr que ce gueuloir me plairait. Je l'ai consommé comme une gourmandise, par petits bouts, pour bien apprécier chaque phrase, y revenir, souligner certaines. Il est assez court, 164 pages, mais d'une telle densité. C'est un peu comme manger des yeux la carte d'un chef étoilé.

Bref, je remercie vivement Masse Critique Babelio, et les éditions « le Castor Astral » pour ce magnifique cadeau que je conseille à tous de lire. Il n'est nul besoin d'aimer Flaubert pour l'apprécier, et quand on l'aime, on n'a qu'une envie le relire. Ce qui était déjà dans mes prévisions… le Castor Astral publie également "Le Candidat" et "Le Dictionnaire des idées reçues"

Note : 9,5/10
dithyrambique comme d'habitude quand j'aime particulièrement un livre
Lien : http://eveyeshe.canalblog.co..
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Le titre renvoie au lieu où Flaubert aimait "gueuler" ses phrases avant de les imprimer.
Ici, dans ces "perles" choisies, il laisse aller sa plume, sa fantaisie et sa verve en fonction de son humeur et de ses correspondants. On retrouve ses cibles favorites : les bourgeois, les femmes, les dogmes, la politique et la Critique, les masses populaires et en général les "esprits poitrinaires à gilet de flanelle". le ton est satirique à souhait, le style pamphlétaire même s'il est bon de nuancer, par les circonstances, des propos tels " Je hais la démocratie","Je crois que la foule, le troupeau sera toujours haïssable".
Par delà les saillies littéraires, c'est l'homme lui-même qui se dévoile. Sa vie est entièrement consacrée à l'Art et un travail acharné ("labeur atroce") est nécessaire. "Nous devons travailler malgré tout; c'est le moyen de ne pas sentir le poids de la vie."
Il conseille à ses correspondants la lecture, l'écriture. "Faites de grandes lectures, tout est là." écrit-il à Mademoiselle Leroyer de Chantepie. Les adeptes de Babelio ne peuvent qu'être d'accord avec lui sur ce point!
Cette édition est agrémentée des dessins de Daniel Maja : une caricature d'abord de Flaubert puis des illustrations amusantes avec des jeux de miroir et de double.
L'ensemble constitue un petit chef- d'oeuvre, merci Babelio!
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un recueil de citations extraites des lettres de Flaubert à ses amis, à Louise Collet, à d'autres écrivains. Une vision critique du monde, un rejet des conventions, et un refuge dans l'Art et dans ses exigences. On comprend en le lisant à quel point l'écriture a été le refuge de l'auteur de Madame Bovary, sa raison de vivre.
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Citations et extraits (29) Voir plus Ajouter une citation
Je ne crois pas plus que vous aux distinctions des classes. Les castes sont de l'archéologie. Mais je crois que les pauvres haïssent les riches et que les riches ont peur des pauvres. Cela sera éternellement. Prêcher l'amour aux uns comme aux autres est inutile. Le plus pressé est d'instruire les riches, qui, en somme, sont les plus forts. Eclairez le bourgeois, d'abord, car il ne sait rien, absolument rien. Tout le rêve de la démocratie est d'élever le prolétaire au niveau de bêtise du bourgeois. Le rêve est en partie accompli. Il lit les mêmes journaux et a les mêmes passions. - ---A George Sand, 4 ou 5 octobre 1871
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Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens qui s'étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j'en vois et toujours avec un nouveau plaisir. L'admirable, c'est qu'ils excitaient la -haine- des bourgeois, bien qu'inoffensifs comme des moutons. (...)
C'est la haine que l'on porte au bédouin, à l'hérétique, au philosophe, au solitaire, au poète, et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m'exaspère. - A George Sand, vers le 15 juin 1867 (p. 130)
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“Savez-vous ce qui m’effraie pour l’avenir prochain de la France ? C’est la réaction qui va se faire. Peu importe le nom dont elle se couvrira, elle sera anti-libérale. La peur de la Sociale va nous jeter dans un régime conservateur d’une bêtise renforcée.”
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Quand on écrit bien, on a contre soi deux ennemis : 1° le public, parce que le style le contraint à penser, l'oblige à un travail; et 2° le gouvernement, parce qu'il sent en nous une force, et que le pouvoir n'aime pas un autre pouvoir. (p. 163)---A Guy de Maupassant, 16 février 1880
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“la haine que l’on porte au bédouin, à l’hérétique, au philosophe, au solitaire, au poète et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m’exaspère.”
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La « Correspondance » de Flaubert, c'est à lire en poche chez Folio.
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Fumichon, concernant la propriété, évoque les arguments d'un homme politique dont Flaubert parle en ces terme dans une lettre à George Sand: "Peut-on voir un plus triomphant imbécile, un croûtard plus abject, un plus étroniforme bourgeois! Non! Rien ne peut donner l'idée du vomissement que m'inspire ce vieux melon diplomatique, arrondissant sa bêtise sur le fumier de la Bourgeoisie!". De qui s'agit-il?

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