Il s'agit du deuxième tome de cette trilogie de polars historiques se déroulant à Cannes à la fin du dix-neuvième siècle. Nous retrouvons avec plaisir Lola, Miss Fletcher et
Maupassant quatre ans après la fin de la lettre froissée. Lola cherche toujours un riche protecteur, elle a beaucoup d'amis, mais n'est pas acceptée dans la bonne société où elle aimerait tant s'intégrer. de plus la crise financière sévit et complique d'autant sa situation. Les faillites se multiplient et le banquier Cousin en est le seul bénéficiaire, il devient de plus en plus riche et détesté par ses victimes. Lady Sarah demande à Lola de récupérer un document compromettant chez
lui, elle a spéculé alors qu'elle n'avait pas le droit d'utiliser sa dot et craint la vengeance de son mari. Lola, Miss Fletcher et Anna se rendent chez le banquier, qui tombe immédiatement sous le charme de la jeune fille. Celle-ci comprend comment Lola gagne sa vie et se révolte. Quelques jours après, le banquier est assassiné et Anna accusée du meurtre. Les trois amis ne peuvent croire à sa culpabilité et se lancent aux trousses du véritable assassin. Par ailleurs, Hervé, le frère
De Maupassant sombre peu à peu dans la folie et Guy,
lui-même très éprouvé par de terribles migraines, doit
lui chercher un établissement de soins. Cela tombe bien, il y a à Cannes une clinique réputée tenue par le docteur Vidal et financée par le banquier Cousin. Mais en y regardant de plus près, les trois amis s'aperçoivent que ce médecin est loin d'être irréprochable.
Ce roman est très agréable à lire et l'auteure a une très belle plume. Les mots locaux ou peu courants sont expliqués en fin de chapitre. le contexte est vraiment très bien rendu et on se sent vraiment plongé dans la Belle Epoque cannoise. Toutefois je trouve que l'intrigue est moins riche et moins élaborée que dans le premier tome, même si l'identité de l'assassin est inattendue jusqu'à la fin. Les personnages sont toujours aussi attachants, en particulier Lola et Rosalie. L'hypocrisie de la bonne société y est aussi très bien dépeinte, la grande majorité des hommes connaît Lola, mais elle est traitée comme une pestiférée en public, le gros lot revenant au père d'Eugène lors de la cérémonie en l'honneur des soldats tués à Madagascar.
Guy de Maupassant fait le lien entre les différentes couches de la société, il peut aller où il veut, toutefois il a aussi sa vie secrète et sa famille cachée.
A part la crise financière et ses ravages, encore pire à l'époque que maintenant vu l'absence de filet social, le thème principal du roman est la psychiatrie et ses débuts difficiles. En 1888, cette science est encore balbutiante et les malades servent de cobayes à des médecins pas toujours très compétents, à l'instar du Dr Vidal du roman. Il traite ses malades avec des bains froids et une thérapie basée sur l'électricité, malheureusement ces méthodes inhumaines dureront très longtemps, jusqu'à ce que la recherche en pharmacie fasse des progrès notables. On ne connaissait pas les différentes maladies mentales et on mélangeait tout le monde. En dehors de vrais malades, ce type d'établissements hébergeait de nombreuses personnes qui dérangeaient leur milieu par leur comportement, à l'instar de Lady Sarah, internée par son mari pour avoir voulu toucher à sa dot.
Le roman insiste toujours sur l'oppression subie par les femmes, les plus pauvres ayant le choix entre de durs travaux et la prostitution, plus ou moins haut de gamme. Si Lola peut sembler assez privilégiée et libre malgré le rejet de la bourgeoisie, de nombreuses femmes exercent dans les maisons de passe dans des conditions déplorables. Des policiers corrompus en profitent et la hiérarchie trouve tout à fait normal que des agents abusent de femmes dites vénales, qui n'en sont pas à ça près à leurs yeux. Et dans la haute société, on peut toujours faire interner sa femme et profiter tranquillement de sa dot en toute impunité. On voit toujours le chemin qu'il reste à parcourir pour arriver à une vraie égalité homme/femme, mais pour une fois apprécions les progrès réalisés en un peu plus d'un siècle.
De nombreux artistes sombraient dans la folie à l'époque et on ignorait que c'était le dernier stade de la syphilis. La famille
Maupassant, comme d'autres écrivains y a payé un lourd tribut. Je suis étonnée de la tolérance de la société de l'époque vis à vis de cette maladie, on est à des années-lumières de la dictature sanitaire qu'on vit en ce moment, ou même du rejet qu'a engendré l'épidémie de sida un siècle plus tard. On dirait que tout le monde ignorait la maladie et multipliait les partenaires. Sous des dessous très policé, cette société vivait dans la débauche et personne ne semble prendre conscience de l'étendue de la catastrophe. Vu le nombre de célébrités qui en sont morts, on peut penser que le degré de contamination de l'ensemble de la population était très élevé. Même Lola, pourtant futée, ne semble pas du tout consciente des risques encourus, alors que la tuberculose faisait figure d'épouvantail.
J'ai préféré le premier tome de la trilogie, même si ce
lui-ci m'a aussi beaucoup plu. Je vais directement enchaîner sur le troisième. Un grand merci à Netgalley et Amazon pulblisher pour ce beau moment de lecture.
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