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EAN : 9782915654219
512 pages
Au Vent des Iles (17/05/2007)
4.39/5   9 notes
Résumé :
Il n'avait rien demandé de tout ça. Les signes, les oiseaux, et cette femme qui le suit depuis sa naissance. Il n'avait rien exigé de la société que la possibilité de vivre en paix, lui, l'enfant muet. Il n'espérait rien d'autre des hommes que leur confiance et leur amitié, lui qui se débat dans cette camisole. Et ce prénom, Moanam, qui ne veut rien dire... Moana, c'est l'océan, alors pourquoi ce "m" de trop, comme une mauvaise fin annoncée à l'histoire de sa vie. <... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
L'auteur signe une fiction étonnamment enrichissante, oscillant entre le conte, les évocations à la mythologie polynésienne et la quête identitaire d'un peuple spectateur de sa propre perdition. La littérature polynésienne acquiert ainsi ses lettres de noblesse grâce à ce roman initiatique, truffé d'humour et plein de rebondissements.

Au travers d'une trentaine de chapitres qui s'enchaînent sans jamais se ressembler, le lecteur est catapulté dans le parcours de vie chaotique du jeune Vaki Moanam Heremanu. Un prénom singulier pour un être singulier, targué d'un handicap dès la naissance : celui du mutisme. Né aux Marquises, orphelin avant ses 10 ans, recueilli et éduqué par un oncle à Huahine, il jouit pourtant d'une vivacité intellectuelle hors norme et d'un talent redoutable aux échecs. Véritable surdoué, ce vāvā parvient pourtant à intégrer une prestigieuse classe préparatoire parisienne, devient ingénieur aéronautique et champion d'échecs !

La première partie du roman traite des pérégrinations du protagoniste pendant sa jeunesse, Marquisien fraîchement débarqué à Tahiti, jusqu'au capharnaüm de la vie étudiante parisienne. Son retour au Fenua, pourtant couronné de succès, sonne le glas d'une lente et douloureuse chute vers les tréfonds sans complaisance d'une fin obscure… jusqu'à la démence. En fin de compte, n'est-il pas le reflet d'une société polynésienne tourmentée, où la réussite sociale se fait au détriment de la sauvegarde de la culture autochtone ?

Un choix narratif captivant, où les épisodes de la vie du protagoniste s'enchaînent à toute vitesse. Ce savant tressage littéraire libère la parole, révèle les non-dits et défie l'autocensure. C'est là qu'intervient la deuxième voix du roman, celle de Nukutauna, retranscrite en italique.

Cette apparition ne se manifeste que sous l'effet de stupéfiants (pakalolo voire champignons hallucinogènes) fournis au gré des rencontres. Échos de sortilèges, elle distille un rythme chamanique tout au long du récit, retraçant la mythologie polynésienne au fil de l'Histoire, depuis les premières migrations au sein du triangle polynésien, les contacts avec les navigateurs occidentaux, jusqu'à la société moderne « américanisée », alors que se perdent les racines mā'ohi d'une population équivoque. Tout en dénonçant l'omerta autour de l'implantation de l'écriture dans les moeurs polynésiennes, au détriment de la langue traditionnelle, de sa religion polythéiste et de ses objets de culte.

Le rêve intervient alors comme une échappatoire face au réel, où la quête de ce Roi absent se perpétue sans aboutir, véritable énigme du livre. Est-il Maheono le « roi des cons », père biologique de Vaki ? Est-il une métaphore incarnant ces nombreux souverains polynésiens dépossédés de leurs fiefs comme de leurs croyances ? Est-il Vaki lui-même ?

Toujours est-il que la lecture du Roi absent est une véritable expérience littéraire : Moetai Brotherson apporte ici un souffle nouveau à la littérature du Pacifique, tout en se désenclavant de cette appartenance ethnique grâce à un texte universel, empreint de symbolique, reflet de traditions et de héros oubliés. le ton marqué par l'humour et la subtilité métaphorique ne sert qu'à insister sur le besoin de résilience et de reconstruction d'un peuple aliéné, « amnésique chantant la mémoire qui ne meurt jamais »…

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« Mon premier jour sur Terre, je le connais bien et, même si personne ne veut me croire, je me souviens de tous les bruits, tous les sons. » Voici, « Vaki pour tout le monde, Hermanu je ne sais pas pourquoi et Moanam pour mon père. » « le Roi absent » de Moetai Brotherson est un récit où s'entrecroisent l'ancestral, les origines de la Polynésie française, les légendes enracinées dans une contemporanéité avérée. On ne quitte pas des yeux un seul instant Moanam, narrateur de « le Roi absent » contant sa vie, l'idiosyncrasie des Iles sous le vent, des attols de l'archipel de Tuamotu etc. Ce récit de dualité vêtue est d'évasion, d'attachement pour cet enfant grandissant au fil des pages. Les croisements d'un astre à un autre, l'ancien temps, les rites, ce qui persiste et signe, résiste, est magnifique, porteur et source légendaire. On a l'impression d'un réel qui ne peut advenir sans les voix qui assignent. Echos fabuleux entre les pages qui sont d'essences, vagues annonciatrices pour Moanam. Ce jeune enfant est muet. Son père meurt, noyé, écumes intestines, filiation arrachée, main qui lâche l'enfant. Mais le Tout est combattif. Moanam est seul au monde. Il va aller en pension à Papeete, plus âgé à Paris. « Je m'étais préparé au choc, au décalage entre Papeete et Paris. En un sens j'avais déjà vécu cela entre Nuku Hiva et Papeete. » Paris et ses secrets, Paris, le froid et l'éloignement. Soutenu par son oncle et sa tante, constante familiale, l'entraide est de ferveur et d'altruisme. Surdoué, Moanam va jouer aux échecs. S'affronter aux autres, se frayer un chemin, vaincre la solitude, levier d'intelligence au monde. L'enfant est roi. « Toutes ces femmes me racontaient tant de choses d'un passé lointain, tout cela devait avoir un sens. J'étais revenu chez moi, il me semblait maintenant nécessaire que je prenne part à cette quête indirecte. » « Qui est le roi absent ? Matato'i, Mako'i, Haumoana, Maurata, Manuragi. Ils me semblaient familiers et pourtant je ne pouvais pas les avoir connus. » On ressent cette plénitude venue des croyances, cette amplitude mythique. Cette histoire est à l'instar d'une île magnifiée. Des archipels qui s'étirent en l'Homme, tracés existentiels. L'origine même d'un bleu océan, des ancêtres qui sont de signatures et d'appels. le vent qui s'élève et Moanam à contrario, manichéen est de jour et de nuit. Vivant, profondément enraciné dans la Terre-Mère et bousculé par ce légendaire lui inculquant les lignes même de la vie. « Ma mère, le dernier tambour, mon père, le roi absent, et moi ? Pauvre de moi ! Investi d'une quête qui me dépasse. » « Les oiseaux ne m'ont jamais parlé, à moi non plus. » « le Roi absent » est régénérant. L'écriture est une ode de puissance, de grâce, arrimée dans un style qui dessine à la perfection les îles du bout du monde. L'écriture est un seuil, lumineuse et attirante. « le Roi absent » est le monde entre les mains. Lisez, retenez les langages universels, vous serez ainsi du voyage, Moanam sera votre guide. Publié par les Editions Au vent des îles.
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J'étais curieux de lire le roman de Moetai Brotherson, écrit bien avant qu'il ne soit élu Président de la Polynésie française.
C'est un très bon roman
C'est l'histoire de Moanam né aux Marquises, muet et intellectuellement surdoué, et qui va se trouver, tel un coco sur l'eau, trimbalé par la vie : d'île en île, puis de Tahiti en France puis à Tahiti. On s'émerveille de ses succès, on rit de ses aventures, on est ému ou révolté lorsque les événements ou les autres lui font vivre un enfer.
Ce roman est aussi, au travers des rêves et des délires de Moanam une Histoire (avec un grand H) de la Polynesie des migrations jusqu'à aujourd'hui en passant par les guerres franco-tahitiennes et les essais nucléaires.
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Les signes et leurs récits, le passé qui hante ce joli roman d'initiation par des trouées de fantastiques, de transes aux hallucinations toujours possiblement pathologiques. Au-delà de Vaki puis de la possible usurpation de son histoire et l'appropriation de ses fantômes, le roi absent brille par sa précision langagière qui parvient à nous restituer la saveur des langues polynésienne mais aussi par la précision de ses elliptiques allusions aux événements historiques. Un grand roman sur ce que serait, entre magie et émancipation, une contre-narration de la Polynésie française.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Il y a bien des choses que je n'aimais pas à l'école. D'abord, la craie. C'est vicieux une craie. La plupart du temps, ça glisse en formant de magnifiques mots sur le tableau. Et puis, sans prévenir, ça se met à crisser et tous les poils de votre dos dont vous aviez oublié l'existence se dressent d'un seul coup.
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Les bruits de klaxon me réveillent. Encore allongé, je vois des sphères noires avancer là, tout près, en un véritable convoi. J'ouvre grand mes yeux, je suis allongé sur un trottoir. Au bout de mes pieds, la route et son cortège matinal de voitures. Quand je me retourne, je me demande si l'effet du joint est parti : l'escalier bouge ! Je veux dire, les marches de l'escalier montent toutes seules et disparaissent à son sommet, alors que d'autres surgissent juste à côté de ma main, depuis le sol. Mes sacs, où sont mes sacs ?
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Ce matin ma mère me tend des feuilles, un encrier et une plume. Mon tour est venu. Je connais bien les signes maintenant et comme pour elle, les oiseaux du large sont mes yeux au-delà de moi.
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C’est le sang du monde qui fait palpiter mon être
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