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EAN : 9782361391799
210 pages
Le Mot et le reste (02/01/2020)
3.7/5   212 notes
Résumé :
C'est décidé, Tom, Luna et leurs parents descendront le canyon de la Tara en raft. Une belle étape de plus dans leur vie nomade. Pourtant, malgré les paysages monténégrins époustouflants, la complicité familiale et la présence rassurante de Goran, leur guide serbe, la tension envahit peu à peu le canyon et le drame frappe, sans appel.
Du haut de ses 15 ans, Tom prend de plein fouet la violence du deuil et de la solitude. Dans l'errance qu'engendre le délitem... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (86) Voir plus Ajouter une critique
3,7

sur 212 notes
Le sourire du scorpion ou comment aborder un sujet gravissime au travers d'une tragique histoire familiale, c'est ce qu'a tenté et réussi Patrice Gain, pour son quatrième roman.

Ce roman faisait partie de la sélection des vingt-et-un livres en course pour le Prix Orange 2020. Je remercie Lecteurs.com pour m'avoir permis la découverte de ce titre. S'il n'a pas été retenu parmi les cinq finalistes, je le comprends car, tout au long de ma lecture, je suis souvent resté sur ma faim malgré l'excellence de l'écriture.
Le début de l'histoire, avec cette descente en raft d'un canyon, en 2006, au Monténégro m'a fait croire à un récit apocalyptique dont personne ou presque ne sortirait vivant. Alex et Emilie, avec Luna et Tom, leurs enfants, deux jumeaux âgés de quinze ans, mènent une vie en dehors des sentiers battus. Ils vivent dans un camion aménagé et font les saisons pour gagner de quoi vivre. Tom est le narrateur de leur histoire mais je n'ai pas toujours aimé le ton qu'il emploie, parfois trop recherché, parfois simpliste, sans jamais aller au fond des choses.
La petite famille possède un chien, Dobby, femelle rottweiler aimante et protectrice. Celui qui leur sert de guide pour l'aventure sur la rivière Tara, se nomme Goran. Il a un peu plus de quarante ans mais on sait juste qu'il est originaire des Balkans. Très dévoué, il prend tout en charge, toujours avec un sourire un peu figé.
Je n'en dis pas plus sur cette aventure pour ne rien divulgâcher mais j'ai pensé un peu à Délivrance, le livre de James Dickey, adapté brillamment au cinéma par John Boorman. D'ailleurs, revenu en France, Tom se plonge dans la lecture de ce roman si oppressant.
Oui, ils vont revenir en France mais j'ai trouvé un peu courte la partie descente du torrent. C'était un point de départ car le principal se passe sur le causse, tout près des Gorges du Tarn. L'auteur, par l'intermédiaire de Tom, s'attache à décrire soigneusement la nature et les éléments qui la composent et qui évoluent suivant la saison. Un vocabulaire riche et des passages très soignés témoignent d'une recherche approfondie de la part de l'auteur ainsi que d'une connaissance remarquable du milieu naturel.
Monténégro, Serbie, Bosnie… je ne peux passer sous silence ce qui constitue la base du roman de Patrice Gain : ces années terribles de massacres entre populations qui vivaient jusque-là en parfaite harmonie. À la fin du livre, l'auteur précise le nom de l'homme qui l'a inspiré.
Le sourire du scorpion prouve que, lorsque les hommes veulent chercher et trouver les criminels de guerre, ils réussissent à ne pas les laisser vieillir tranquilles. Cette guerre, honteuse pour l'Europe et notre espèce humaine, c'est bien de ne pas l'oublier mais c'est impossible de ne pas vibrer d'émotion en pensant à tous ces destins brisés, à toutes ces immenses souffrances infligées à des familles qui vivaient en paix.

Patrice Gain, en quelques lignes, le fait très bien dire à Sule qui explique tout à Tom dont la jeune existence a commencé dans des circonstances très, très difficiles.
Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Cinq étoiles pour ce roman noir, même si à plusieurs reprises, j'ai vu d'assez loin venir la fin, ou plutôt les fins pour plusieurs protagonistes. Et même aussi si un gentil lecteur peut espérer des fins plus heureuses, elles sont toutes adaptées au contexte d'un roman noir et des fracas humains qu'il met inévitablement en scène.

Cinq étoiles et cinq raisons d'apprécier cette lecture. D'abord, l'écriture aussi agile dans les descriptions de la nature que dans la saveur des dialogues. Ensuite, deux raisons jumelles, il s'agit des jeunes héros, frères et soeurs jumeaux, Luna et Tom, chacun d'eux portant à samanière son optimisme ou ses peurs intuitives. Ensuite, le cadre naturel somptueux, qu'il s'agisse des flots de la rivière monténégrine dans ses canyons, du causse -- en l'espèce l'un des grands causses cévenols dont le nom n'est pas cité mais on sait que l'on est à proximité des gorges du Tarn et de Millau -- mais aussi des calanques vers Marseille et Cassis. Enfin, une dernière étoile pour les références littéraires, cinématographiques et musicales qui ajoutent à l'intensité de cette lecture.

J'ai aimé les deux personnages principaux, ces jumeaux qui portent à eux seuls le récit de l'auteur. Ils sont les phares de cette histoire et, lorsque la lumière de l'un faiblit, c'est celle de l'autre qui illumine l'action. Ils connaissent des bonheurs, mais aussi le malheur qu'ils surmontent au maximum sans forcément toujours y parvenir. Ils voudraient se soutenir davantage dans l'adversité mais chacun respecte la liberté et les expressions de sa douleur par l'autre, quitte à cumuler d'irrémédiables regrets.

Le texte est assez court, les images toujours fortes avec les flots tumultueux des rapides de la rivière, l'angoisse de son canyon, le vertige des falaises, les saisons qui s'enchaînent, transformant le causse, lui conférant toute sa sauvagerie hivernale et sa majesté estivale.

La guerre et ses atrocités sont également présentes, les châtiments des méchants inexorables sans qu'ils puissent supprimer les souffrances de leurs victimes, mais la justice doit passer.

Pour ma part, j'aime ce genre de roman noir qui sort le lecteur de lui-même et de sa zone de confort, le bousculant, parmi des images magnifiques, vers le mal, oeuvre majeure de certains hommes.
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Tom, Luna, sa soeur jumelle, et ses parents vivent, à longueur d'année, dans un camion fort bien aménagé. La famille vivote, au gré des saisons, du travail et des envies un peu partout. En ce début d'été 2006, toute la petite famille part faire du rafting, accompagné de Goran, guide et ami de la famille, au Monténégro. Mais la rivière, la Tara, qui coule entre les parois vertigineuses du canyon, est parfois capricieuse. Aussi des tensions émergent-elles assez rapidement au sein du groupe, la maman, Mily, peu rassurée par les rapides et la rivière bientôt salement en crue. C'est alors que le drame se produit, le raft se retourne. Et si Mily, les jumeaux, Tom et Luna, et Goran réussissent à rejoindre la berge, Alex, lui, reste introuvable...

Une virée en raft qui tourne au drame. Amputée, la famille de Tom doit réapprendre à vivre dorénavant, loin des lieux du drame. Mais toujours, au fond d'eux, cette incompréhension et ces incertitudes qui vont, peu à peu, devenir soupçons. Ce roman est on ne peut plus habile car Patrice Gain nous emmène vers des chemins inattendus, semant le doute, parsemant ici et là quelques révélations surprenantes et nous immergeant dans une ambiance de plus en plus oppressante. Tom, le narrateur, relate, avec beaucoup d'émotions, aussi bien l'épisode dramatique, les impacts sur sa famille que les liens indéfectibles qu'il entretient avec sa soeur. La nature, omniprésente, est magnifiquement dépeinte de par cette écriture immersive et profonde. Entre suspense et émotions, Patrice Gain nous offre un roman singulier et d'une grande justesse...
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Les jumeaux Tom et Luna, quinze ans, mènent une existence nomade et bohème au gré des activités saisonnières de leurs parents. Cette fois, la famille met le cap sur le Monténégro, où, accompagnés de leur guide serbe Goran, ils doivent descendre en raft l'impressionnant canyon de la Tara. Dès le deuxième jour sur la rivière, des tensions surgissent dans le groupe, bientôt frappé par un drame irréparable qui, aussi accidentel paraisse-t-il, pourrait bien s'avérer lié à une autre histoire bien plus vaste…


Le roman démarre sur une aventure sportive au sein d'une nature sauvage et grandiose, si superbement évoquée que me sont immédiatement venus à l'esprit les récits d'Edward Abbey, notamment dans son livre Un fou ordinaire. le lecteur y est d'emblée happé par la sensation d'une menace diffuse qui ne va cesser d'entretenir le suspense. D'abord centrée sur les risques d'une expédition soumise à des périls naturels, l'angoisse va peu à peu évoluer vers un nouveau malaise, entretenu par quelques personnages aux comportements inquiétants, jusqu'à une plongée dans les noirs tréfonds de l'histoire des Balkans vingt-cinq ans plus tôt.


A l'âpre et imposante beauté de lieux isolés et sauvages va ainsi répondre le crime le plus barbare venu y chercher la discrétion. Très librement imaginée à partir de l'histoire d'un ancien Scorpion serbe extradé par la France en 2011, l'intrigue, si insouciante au début, mène peu à peu à la grave question des crimes de guerre, interrogeant sur la possibilité ou non, pour les bourreaux comme pour les proches de leurs victimes, de tourner la page et de reprendre une vie normale, une fois sonnée la fin du conflit.


Après Terres fauves, le précédent roman de l'auteur, l'on retrouve avec plaisir sa manière de mêler le nature-writing au thriller pour nous offrir une lecture agréable et addictive. Si Terres fauves pêchait à mes yeux par un certain manque de crédibilité, le sourire du scorpion corrige nettement le tir sur ce point, même si certains personnages peuvent encore y paraître d'une finesse perfectible : ainsi ces deux adolescents incroyablement matures, ou cette mère démissionnaire dont rien n'explique vraiment ce qui la tient tant sous emprise. Au final, Patrice Gain nous sert un fort plaisant récit d'aventures en pleine nature, où le plus grand prédateur porte indéniablement figure humaine.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Après l'aventure rocambolesque en Alaska de "Terres Fauves ", Patrice Gain nous entraîne dans le canyon de la Tara dans le Monténégro .
Là , une sympathique petite famille part faire du rafting avec un guide pour le moins mystérieux .

Dès le début , naît le suspense . Une intuition maléfique habite la mère qui tente en vain de convaincre sa famille de renoncer à l'expédition en évoquant leur inexpérience .
Les difficultés ne vont bien sûr pas tarder et l'ombre du danger va peu à peu s'étendre .
Difficile de résumer sans trop dévoiler les péripéties mais , plus on avance , plus l'angoisse monte .

Le retour en France , au coeur des Grands Causses est encore plus houleux que la descente des rapides .
Le déroulement de l'intrigue est subtil et jusqu'à la fin il ménage le suspense même si parfois on effleure le dénouement : il y a toujours un rebondissement .
Mais , l'aventure fictive va aussi permettre l'évocation d'un pan d'histoire et à un moment , on voit surgir toute l'horreur d'une guerre fratricide , bien réelle celle-là .

Au tout début de la lecture , j'ai trouvé une ressemblance avec le film " La Rivière Sauvage " de Curtis Hanson , avec Meryl Streep , même si la distribution des rôles est différente .
Ensuite , on va flirter avec l'atmosphère de " Délivrance " de James Dickey . L'auteur évoque lui-même l'ouvrage dans le récit .
Mais , le talent de Patrice Gain , c'est aussi de savoir élargir l'horizon du lecteur pour mieux le ramener à son propre univers .
Et là , je me laisse porter par une écriture fluide , énergique qui alterne entre force , sensibilité , gravité , humanisme et poésie .

Un auteur qui allie magnifiquement thriller et Nature Writing qui pourrait bien commencer à concurrencer ses éminents confrères d'outre- Atlantique , des maîtres du genre quand même !

C'est l'évasion assurée et j'ai trouvé cet ouvrage travaillé , documenté , bien construit très agréable à lire .

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Citations et extraits (111) Voir plus Ajouter une citation
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[...] le Causse .
Perchés sur un rocher , on écoutait le vent tiède souffler sur la steppe .
Les délicats épillets de stipa , fins comme des cheveux d'ange , moutonnaient dans la lumière du soir comme des vagues argentées .
C'était fascinant de voir ces ondes traverser les vastes étendues pour aller s'éteindre avec les dernières lueurs du soleil .
Quelques genévriers ou d'agressifs prunelliers , adossés à de fantomatiques roches ruiniformes , accrochaient le regard dans la prairie .
Pas un arbre digne de ce nom
[...]
J'aime ces endroits où l'on n'a pas idée de ce qu'il y a derrière l'horizon .

p.27
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INCIPIT
On était au début de l’été et la chaleur était assommante. Le raft reposait paisiblement sur un banc de galets plats et bien ronds. Les combinaisons néoprène et les gilets de sauvetage cuisaient au soleil sur ses boudins rouges. Goran avait choisi de s’arrêter dans cette anse après seulement deux petites heures de navigation. Après tout, c’étaient les vacances et personne n’avait rien trouvé à redire, d’autant que les jours précédents avaient été éprouvants. Trois jours passés dans notre maison sur essieux, surchauffée, animée par un moteur poussif qui peinait à prendre de la vitesse. Par les fenêtres béantes entrait un air sec et poussiéreux qui avait l’odeur âcre du goudron fondu. L’herbe était jaune et les ruisseaux que l’on croisait croupissaient dans le fond de leur lit. Les paysages tout entiers avaient soif. L’ombre de la nuit ne nous apportait aucun répit.
La rivière qui coulait entre les parois vertigineuses du canyon étincelait d’une myriade d’éclats qui venaient se ficher droit dans la rétine. Des parois d’une centaine de mètres, peut-être bien le double. Quelques pins audacieux jouaient les funambules sur le fil des crêtes. D’autres, plus intrépides encore, tentaient l’aventure d’une vie suspendue dans le vide, agrippés par une racine chevillée dans une fissure ou une encoignure propice. Les rives étaient recouvertes d’une abondante végétation et de bois mort. Luna et moi sommes allés nous baigner. L’eau était glacée, ou bien était-ce au choc thermique que nous devions cette sensation, mais cela nous importait peu. Nous nous laissions glisser sur un toboggan naturel avant que le courant nous emporte. Retenant mon souffle, je plongeais pour suivre le lit de la rivière et observer le canyon à travers le filtre mouvant d’une cinquantaine de centimètres d’eau. Il me semblait alors plus profond, plus impressionnant, plus envoûtant encore. En quelques brasses nous reprenions pied sur la courte plage et remontions jusqu’au toboggan. Après une dizaine d’allers-retours, nous nous sommes installés en plein soleil, sur de grandes dalles bien lisses, pas si simples à escalader. Nos lèvres étaient bleues et la caresse des brises chaudes devenait délicieuse. Sur la face opposée au courant, des bergeronnettes chassaient sous le nez de truites, de gourmands plécoptères. Ça n’a pas échappé à Luna qui s’est empressée de monter les cannes à pêche. Nos parents étaient allés s’allonger dans l’ombre d’un bosquet d’aulnes tandis que Goran bricolait je ne sais quoi. Maman était rayonnante dans son maillot de bain dépareillé, une culotte vichy noir et blanc et un haut jaune orangé. Elle avait dénoué ses cheveux blonds qui tombaient sur ses épaules très blanches. Des cheveux qui frisaient naturellement. Maman avait l’élégance des femmes qui ne la cultive pas. Quelque temps plus tard, Goran est venu nous rejoindre.
Nous avons pêché au toc jusqu’à ce que le soleil abandonne les gorges. On a fureté autour des rochers en laissant dériver nos nymphes dans le courant pour dénicher les plus belles truites. On a prospecté la rive, la canne dans une main, le fil dans l’autre. Le temps avait filé à la vitesse des flots. L’ombre a d’abord voilé les falaises qui nous faisaient face avant de gagner le fond du canyon. Ses eaux cristallines se sont immédiatement muées en une onde sombre aux teintes gris vert. Il faisait encore bon, mais un léger vent s’était levé. Il glissait sur la surface de la rivière en remontant son cours. Nous nous étions sérieusement éloignés du camp. Nous avons plié nos lignes et fait demi-tour. Maman lisait, le dos appuyé contre le raft. Elle avait enfilé un pantalon de toile et un T-shirt. J’ai soulevé nos cinq truites à bout de bras et lancé un joyeux « Regarde ce qu’on ramène pour le dîner ! » Elle s’est levée en marquant sa page avec l’index.
— Elles sont magnifiques, mais si on continue à ce rythme, entre la sieste et la pêche, on ne sortira pas d’ici avant la fin du mois !
— On est là pour prendre du bon temps, pas vrai les enfants ?
Notre père avait émergé des taillis avec une brassée de bois mort.
— Aidez-moi à décharger les affaires, on va monter le camp sous les arbres.
Nous avions quatre jours de nourriture enfermée dans des sacs étanches, plus les tentes et le matériel indispensable pour le genre d’expédition dans laquelle nous étions engagés. Nous avons ensuite tiré le raft haut sur la berge, puis Luna et moi avons allumé un feu. Nous sommes jumeaux. De faux jumeaux puisqu’elle me dépassait facile d’une tête. Son dynamisme était communicatif et à cette époque, nous avions à peine quinze ans, rien ne pouvait nous séparer. Goran est allé vider les truites à la rivière et notre mère a préparé des nouilles chinoises. Elle était un peu tendue. Je crois bien qu’avec la nuit tombée, elle visualisait mieux ce dans quoi Goran et notre père nous avaient embarqués. Descendre un canyon pas loin d’être aussi profond que le Grand Canyon. Dévaler quatre jours durant le torrent qui coule au fond, 1300 mètres sous les plateaux calcaires. Presque de la spéléologie. Une rivière en sursis, puisqu’un projet de barrage prévoyait de faire des gorges une retenue d’eau. Voilà comment notre père et Goran nous avaient présenté les choses l’hiver dernier et l’idée nous avait enthousiasmés, Luna et moi. Sur le parking des saisonniers, Goran était notre voisin. Il logeait dans une caravane. Tout le monde l’appelait « le Yougo », à cause de son accent rocailleux. Je crois me souvenir qu’il travaillait dans un bar de nuit, en tout cas il n’émergeait jamais de son antre avant midi. Il avait ajouté qu’en juillet le débit de la rivière serait idéal pour réaliser la descente. Goran avait déjà fait ce genre de chose, diriger une embarcation dans des eaux blanches. Nous l’avions donc retrouvé dans un hameau au nom imprononçable, flanqué d’une dizaine de maisons en pierre et la journée avait été consacrée à préparer notre expédition, mais pas seulement. Nous étions en 2006 et le Monténégro avait déclaré son indépendance quelques semaines plus tôt. Goran avait souhaité fêter ça et je me souviens parfaitement de la soirée qui avait précédé notre départ. Des gars arrivaient de je ne sais où avec des tas de trucs à boire et à manger qu’ils déposaient sur une table disposée sous un érable. La plupart portaient un treillis militaire et c’était assez déconcertant, je ne saurais pas dire pourquoi, on croisait souvent dans les campagnes des fermiers ou des chasseurs affublés ainsi. Un animal que je ne pouvais identifier tournait sur une broche. Un type était occupé à alimenter les braises qui lui cuivraient les flancs. Goran nous avait présenté des cousins, des amis. Deux gars s’étaient installés près de la fontaine et avaient joué une musique entraînante aux accents un rien tziganes. Elle couvrait les conversations et c’était aussi bien ainsi parce qu’on ne pouvait en suivre aucune. Il y eut des chants, des danses et une altercation entre les amis de Goran pour une stupide histoire de scorpion que l’un d’entre eux s’était fait tatouer dans le cou. Plus tard dans la nuit, sur les tables encombrées par les reliefs du repas, les convives ont continué à boire, à chanter. Des coups de feu avaient été tirés en l’air. Maman, Luna et moi étions allés nous coucher, effrayés par le bruit des armes.
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Nous avons sillonné le causse sur des routes étroites et étrangement sinueuses .
Des troupeaux de brebis s'égayaient sur de douces ondulations et animaient le paysage aride et monotone .
[...]
Le soleil jouait avec les chaumes qui transpiraient un parfum de moisson .
Il s'engouffrait par les vitres ouvertes et venait chasser celui de la terre chaude .

Quelques maisons de pierres grises , coalisées contre le désert et la solitude , apportaient un peu d'humanité .

p. 82
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Je n'aime pas ce terme. On ne refait pas sa vie, on la poursuit, avec d'autres horizons parfois, d'autres personnes souvent, mais on n'efface pas le passé. Une vie n’est que l'empilement de tout un fatras de choses, bonnes ou mauvaises, goûteuses ou fades, et la dernière que l'on pose sur le tas fait s'écrouler l'ensemble et elle s'arrête là.
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L’éthique de nos parents était de dire que redouter quelque chose c’était l’attirer, que l’insouciance était le meilleur rempart contre les mauvais coups. Pourtant maman s’était mise à avoir peur.
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Vidéo de Patrice Gain
Trois auteurs français du polar étaient réunis par le blogueur Yvan Fauth (https://gruznamur.com) sur la scène de la Griffe Noire lors de l'éditions 2022 de Saint-Maur En Poche. Sonja Delzongle, Mo Malø et Patrice Gain nous raconte le Froid et le réchauffement climatique au travers de leurs polars... • • Quand la neige danse: série Hanah Baxter de Sonja Delzongle aux éditions Folio https://www.lagriffenoire.com/quand-la-neige-danse.html • Boréal de Sonja Delzongle aux éditions Folio https://www.lagriffenoire.com/boreal.html • Abîmes de Sonja Delzongle aux éditions Denoël https://www.lagriffenoire.com/abimes.html • De silence et de loup de Patrice Gain aux éditions Albin Michel https://www.lagriffenoire.com/de-silence-et-de-loup.html • Diskø de Mo Malø aux éditions Points https://www.lagriffenoire.com/disko.html • Qaanaaq de Mo Malø aux éditions Points https://www.lagriffenoire.com/qaanaaq.html • Nuuk de Mo Malø aux éditions Points https://www.lagriffenoire.com/nuuk.html • Summit. Les Enquêtes de Qaanaaq Adriensen 4: Les Enquêtes de Qaanaaq Adriensen 4 de Mo Malø aux éditions De La Martinière https://www.lagriffenoire.com/summit.html • • • Chinez & découvrez nos livres coups d'coeur dans notre librairie en ligne lagriffenoire.com • Notre chaîne Youtube : Griffenoiretv • Notre Newsletter https://www.lagriffenoire.com/?fond=newsletter • Vos libraires passionnés, Gérard Collard & Jean-Edgar Casel • • • #lagriffenoire #bookish #bookgeek #bookhoarder #igbooks #bookstagram #instabook #booklover #novel #lire #livres #conseillecture #editionsfolio #editionsdenoel #editionsalbinmichel #editionspoints #editionslamartiniere
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