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EAN : 9781090424594
éditions Lunatique (13/05/2015)
4.17/5   6 notes
Résumé :
Jérémie Lefebvre se saisit de la condition de souffre-douleur, lui arrache ses titres de noblesse et en dévoile l'ambiguïté acharnée, les beautés horribles, la tristesse à pleurer de rire. Avec une écriture de premier de la classe retravaillée au cutter, il pousse la problématique du harcèlement scolaire jusqu'aux frontières de la folie et livre un roman haineux, drôle, bouleversant, d'un noir incandescent.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Un très bon tableau du harcèlement scolaire dans un collège des années 80. Vécu de l'intérieur, pour avoir connu aussi moi-même, ça sent terriblement le vécu. Il arrive néanmoins à ne pas être trop plombant.

(ci-dessous, ma chronique du livre en 2015)

Avertissement : ce message est écrit d'une traite, avec mes tripes. Il est forcément trop long pour les standards de la lecture 2.0, trop mal fagoté pour les puristes de la littérature classique, il faudra que je le reprenne. Je réclame votre indulgence, je n'en ai pas le temps aujourd'hui, et pourtant j'ai ressenti le besoin que « ça sorte ».

Premier flashback. 2013, Collège Jeanne d'Arc, à Sceaux (Hauts de Seine) – puisque se pose la question de savoir s'il faut nommer, ou pas, ces lieux. Nommons-les, donc. Car peu importe que ça soit en Normandie, dans les années 80, ou bien aujourd'hui dans une des villes les plus huppées de la région parisienne. Où les parents en loden font la queue avec leurs 4x4 pour déposer leur progéniture en fringues de marque. Mon Buchy à moi, c'était dans les années 70, une banlieue « middle class » : Maurepas, Yvelines. le collège s'appelait – et je le réalise 40 ans après – Louis Pergaud. L'auteur en 1912 de la Guerre des Boutons, ceux de Longeverne, Lebrac, et Velrans. Les pionniers de « la chique et du mollard » : le seul traitement qu'on m'ait administré à cet âge-là contre l'acné.

Back to 2013, donc, Collège Jeanne d'Arc, à Sceaux, rue des Imbergères, je viens chercher ma fille. Et là, furtivement, un gosse de 4ème qui en double un autre, lui balance une béquille que je suis le seul à voir. La victime vacille, le sac qu'il tient à la main tombe, toutes ses affaires de classe se dispersent sur le sol – la tartine qui tombe toujours du mauvais côté. Heureusement, le trottoir est sec.

Le bourreau croise le regard de sa victime, pour s'assurer que le coup est réussi. C'est le cas, pas besoin – je l'espère - d'avoir connu la même chose pour reconnaître sur le visage du pré-ado à la Agnan toute la douleur physique instantanée, mêlée à l'incompréhension, et surtout à cet abattement de celui qui sait que ce n'est ni la première, ni la dernière fois que ça lui arrive. Juste un « Pourquoi ? » qui sort de sa bouche. Juste ce qu'il fallait pour que l'autre jouisse de sa toute-puissance, et reparte sans un mot rejoindre ses potes à qui il va narrer son fait d'armes – d'une phrase lapidaire comme « J'ai mis sa branlée à Agnan, il a grave le seum » -, qui leur donnera leur kif de l'instant.

Et moi qui me demande… Dois-je rattraper la brute, lui montrer que je ne veux plus de l'impunité à laquelle il croit échapper, et devenir moi-même une brute ? Consoler la victime, pour lui dire qu'il n'est pas seul ? Ce qu'il sait déjà, car il a vu dans sa piaule la vidéo d'Indochine, et qu'il sait aussi que ça ne changera rien. Mais je dois juste aller chercher ma fille, qui est plus souvent du côté des bourreaux que des victimes. Elle a choisi son camp, camarade. Comment lui donner tort ?

Et je me retrouve là, avec le même sentiment d'impuissance que 40 ans avant, à me demander ce que j'aurais pu faire, mais il est déjà trop tard, tout se passe si vite, je n'étais pas préparé à ça.

Alors, quand j'ai lu le bouquin de Jérémie Lefebvre, je n'ai pas pensé qu'il y allait trop fort. Non. Il a juste écrit ce livre avec ce mal au bide du mec qui vient de se prendre un uppercut au foie. Lecteur, lectrice, soit ça t'est déjà arrivé, et tu sais de quoi je parle. Sinon, désolé de te dire que tu ne connais pas vraiment la vie, et je ne sais pas te dire si tu as de la chance. Mais tu devrais juste réfléchir un peu avant de juger ceux à qui c'est arrivé. Entre ceux à qui deux ou trois fois ont suffi pour rallier le camp des bourreaux – forcément la majorité, au moins chez les garçons. Les filles qui ont opté pour la neutralité façon suisse, ou façon trois petits singes (rien vu, rien entendu, je ne dis rien). Et ceux et celles qui, trop écorchés, trop différents, n'avaient pas vraiment le choix du camp et sont restés du côté des victimes. Et sont devenus anorexiques, geeks. Ou ministres.

Je sais trop à quoi conduit le hit-parade des douleurs enfouies. Juifs, Palestiniens, Arméniens, femmes battues, violées, enfants martyrs, réfugiés, victimes du racisme, de l'homophobie, la liste est longue et se rallonge chaque jour. Alors, un gamin qui se prend des bourre-pifs, merde, y'a pire dans la vie. En plus il a une tête de con. Je le connais, il est premier de la classe, prétentieux, arrogant. Il ne fait pas l'effort de comprendre les autres parce qu'il se croit supérieur, avec ses lunettes et ses bouquins. Pourquoi il nous emmerde alors qu'il va réussir dans la vie. Merde, y'a plus grave, t'es d'accord, non. D'ailleurs il le sait aussi, puisqu'il ferme sa gueule. Il sait que ça n'est même pas la peine d'en parler à ses parents. Eux, ils ont de vrais problèmes à résoudre au quotidien.

Alors en plus ce mec ose donner des vrais noms de lieux. Genre Buchy. Pour qui il se prend. Qu'il écrive un truc anonyme. Ou qu'il renomme ça en Chaminadour comme Marcel Jouhandeau, un vrai écrivain, lui. Ou bien qu'il se fasse appeler Eddy Bellegueule. Mais qu'il se permette de donner des vrais noms, et puis quoi encore.

Sauf que.

Le nom propre, c'est peut-être Buchy. Mais le nom sale, celui qui nous revient à la gueule comme de la chique et du mollard, c'est « collège ». C'est de l'universel. Arrêtez de vous sentir visés, ce sont des générations de gamins qui passent dans cette machine à rendre cons, et, victimes, bourreaux, ou rien du tout, documentalistes ou professeurs, notre seul tort est d'être passés par cette case-là et d'avoir fait semblant d'oublier.

Jérémie Lefebvre, lui, n'a pas oublié. Je l'en remercie.
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Jérémie Lefebvre nous plonge dans la violence quotidienne qui règne au collège de Buchy, en Seine-Maritime. Le narrateur, qui entre en 6ème, est complètement désemparé face à la cruauté des élèves de sa classe qui s'arrangent pour que les adultes de l'établissement ne voient rien. Le harcèlement s'exerce en dehors des heures de cours : dans le car de ramassage scolaire, pendant les récréations, dans les couloirs, à la cantine, dans les vestiaires... Le seul professeur que le narrateur apprécie est Mme Peterson qui enseigne la musique. Elle a une qualité essentielle aux yeux du narrateur : elle sait tenir sa classe. En outre, le narrateur chante bien. Par contre, il souffre énormément dans les autres cours et notamment sur un terrain de sport ; les cours d'EPS sont un supplice pour lui. Il vit avec sa grand-mère, une femme douce, axée sur la religion, qui ne comprend pas vraiment ce que vit son petit-fils au collège.
A la fin du roman, on retrouve le narrateur adulte, il a un fils adolescent et fait une terrible découverte.
On a l'impression que l'auteur témoigne d'une expérience vécue dans l'enfance, dont les douloureux épisodes sont restés gravés à jamais dans la mémoire. Il a su décrire avec précision des scènes pouvant se passer dans certains établissements scolaires, sans que les adultes (enseignants, CPE, Principaux, surveillants, parents) en prennent conscience tant les agresseurs savent masquer leur véritable visage. Un roman qui fait réfléchir.
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Jérémie Lefebvre se remémore ses années de collège. Souvenirs douloureux, et indélébiles d'un harcèlement scolaire.

Orphelin, élevé par sa grand-mère, fervents catholiques à la limite de la bigoterie, il s'est trouvé en butte à la bêtise et à la méchanceté d'autres collégiens issus de milieux plus populaires, plus turbulents et vindicatifs.

Les causes de ce harcèlement, on ne peut que les supposer : issu d'un milieu bourgeois, timide, bon élève, n'ayant pas le verbe ou les poings pour le faire stopper, il s'est trouvé pris dans un engrenage dominants-dominé. Il a suffi d'un meneur, et la meute qui a suivi ont fait de ses années un cauchemar sans cesse renouvelé.

Bien évidemment les humiliations, la violence verbale ont été exercées à l'insu des adultes, ou dans leur indifférence générale, jugeant sans doute qu'il s'agissait d'histoires d'enfants. La grand-mère spectatrice impuissante essaie de réconforter son petit-fils en l'emmenant en pèlerinage d'où il revient sous le charme, durant plusieurs jours, du prêche entendu, puis à terme le calvaire reprend, malgré le fait que la vieille dame se soit déplacée pour avertir le proviseur de ce qui se passe.

Les séquelles de ce harcèlement sont toujours présentes dans le coeur de l'auteur, qui malgré ce livre assez noir, trouve une certaine forme d'humour acide dans l'expression de son ressentiment vis-à-vis de ses persécuteurs.

Le coup de grâce viendra de son propre fils, lorsqu'il s'apercevra au cours d'un trajet en bus, que celui-ci à un comportement de harceleur envers un de ses camarades. La boucle est bouclée.

Ce livre est la résultante d'une souffrance, qui ne s'est pas éteinte, malgré les années. de nos jours, on parle de plus en plus du harcèlement. Pourquoi maintenant ? Les violences entre élèves ont toujours existé, elles sont unes et multiples.

Auparavant, dans un passé pas si lointain toutefois, elles étaient induites par une différence plus flagrante : Port de lunettes, obésité, handicap physique ou mental, couleur de peau, religion, etc… A l'heure actuelle, plus insidueuses, elles se sont déplacées vers d'autres formes de différences : Milieu social, qualité de l'élève (plus le bon que le mauvais), tenues vestimentaires, la rumeur, et plus nouveau : l'orientation sexuelle. le phénomène est amplifié par l'accès aux nouvelles technologies : téléphone portable, vidéo, internet qui font que le harcelé n'a aucun moyen de souffler, de trouver une relative tranquillité dans son espace privé, et qui souvent n'arrivant pas à y mettre fin, fini par se supprimer en désespoir de cause estimant que mort il sera enfin libéré.

Le plus terrible c'est que pris individuellement, la composante de cette meute de harceleurs est qu'ils sont et/peuvent être chacun de nous. Et qu'on les retrouve souvent à l'âge adulte, et pour diverses raisons dans notre entourage et/ou milieu professionnel… et cela donne à réfléchir !
Lien : http://adighee.canalblog.com..
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Chaque mardi à quinze heures trente, à peine la porte refermée, madame Peterson nous forçait à rester debout derrière nos chaises jusqu'au silence complet Ensuite, son cours commençait. Et il ne s'agissait pas d'un cours, il s'agissait d'un sacre. Madame Peterson exerçait les pleins pouvoirs sur les sujets de sa principauté musicale qui se retrouvaient tous changés en statuettes, aussi mes camarades se rendaient-ils au cours de musique comme à l'abattoir tandis que moi, j'entrais dans un royaume merveilleux.
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Je n'avais pas le droit de participer au cours. Si je levais le doigt, Rodolphe Lesueur se retournait et passait lentement son pouce sous son menton en me regardant avec fixité tandis que je donnais ma réponse, après quoi Pascale Fleury et Laurent Halbout se retournaient à leur tour avec le même regard et murmuraient : "Fayot...fayot...fayot..." jusqu'à ce qu'ils voient les larmes me monter aux yeux
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Ma grand-mère non plus ne comprenait pas la méchanceté. Elle m'accueillait chaque soir avec du chocolat chaud et des tartines, et me demandait innocemment comment j'allais.
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J'essayais de me maintenir le plus longtemps possible à l'intérieur du réfectoire où j'étais en relative sécurité, malgré les boulettes de pain, les couverts, les frites et les bouts de viande qui volaient et m'obligeaient à rentrer la tête dans les épaules ; mais il y avait le deuxième service, au bout de vingt minutes je me faisais virer par un grand qui n'en pouvait plus d'attendre et je me retrouvais dehors.
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Videos de Jérémie Lefebvre (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jérémie Lefebvre
Bande annonce du roman "L'Italienne qui ne voulait pas fêter Noël" de Jérémie Lefebvre aux éditions Buchet Chastel, en librairie le 24 octobre 2019.
Francesca a quitté Palerme pour étudier la littérature à la Sorbonne. Suite à un défi amoureux, elle relève le pari d'annoncer à sa famille qu'elle ne réveillonnera pas avec eux : en quoi cela poserait-il problème dans sa famille athée, de gauche, respectueuse de la liberté de chacun ? Mais c'était oublier l'importance de Noël dans la Péninsule…
Comme au début d'un film d'horreur, Francesca débarque à Palerme sans se douter un instant des catastrophes qui s'apprêtent à déferler sur elle. Sa mère, son père, son frère et sa soeur vont, tout en prétendant accepter ses choix, s'employer à la faire changer d'avis, et recourir aux moyens les plus loufoques et les moins loyaux… Cette plongée cocasse dans une famille sicilienne d'aujourd'hui ne serait-elle pas aussi une exploration de nos propres névroses, de notre rapport à la tradition, à l'appartenance – et à la gastronomie ?
Une subtile comédie à l'italienne qui joue avec les clichés des névroses familiales, de la France et de l'Italie.
Né en 1972 à Rouen, Jérémie Lefebvre est écrivain, auteur-compositeur et comédien. Il vit à Paris. Dans la chanson, il collabore notamment avec Pascale Borel. Il est également compositeur de musiques de films. Jérémie Lefebvre est l'auteur de quatre autres romans : "La Société de consolation" (Sens&Tonka, 2000), "Danse avec Jésus" (Lunatique, 2011), "Le Collège de Buchy" (Lunatique, 2015) et "Avril" (Buchet/Chastel, 2016).
Crédits de la vidéo Voix : Roberta Guttadauro et Pascale Borel Modèle: Prune Reynaert, photographiée par Michel Amet Réalisation : Jérémie Lefebvre
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