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EAN : 9782246713418
360 pages
Grasset (03/03/2010)
3.92/5   12 notes
Résumé :

Un soir de Noël au soir de sa vie, Louis Vertumne, critique redouté surnommé par le milieu « l’atrabilittéraire », est agressé par un jeune skinhead.

Le respectable septuagénaire s’effondre, frappé à la poitrine. Une fraction de seconde plus tard, il est debout, un couteau ensanglanté en main : à ses pieds, c’est son propre corps qui gît inanimé.

Epouvanté, Vertumne comprend qu’il habite le corps de son agresseur, qui lui ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique

Louis Vertumne, un critique littéraire septuagénaire, autant haï que redouté, est brutalement assassiné par un jeune paumé d'une vingtaine d'années, Donovan Dubois, dont, par l'un de ces miracles jubilatoires de la littérature, il prend aussitôt le corps et l'identité.

Que va-t-il advenir de ce vieil homme intelligent et cultivé, mais aigri, méprisant, frustré, passablement dépressif et très seul, qui s'était toujours rêvé écrivain sans jamais oser franchir le pas et dont la vie, à l'instant de son assassinat, était un naufrage ? Comment va-t-il gérer ce bouleversement total, tant psychologique que social, le dénuement et la misère d'une petite frappe, désormais assassin, au lieu du confort matériel, de la reconnaissance sociale et de la notoriété ? Et que va-t-il faire de cette nouvelle jeunesse qui lui est donnée, de ces nouveaux possibles qui s'offrent à lui en lieu et place de ce corps usé et de cette vie d'amertume et de solitude auxquels, par la force des choses, il a dû renoncer ?

Nous avons tous rêvé, un jour ou l'autre, de pouvoir “reprendre nos billes” et tout recommencer, d'avoir une nouvelle chance, une nouvelle vie, tout en conservant le bénéfice de nos expériences et la mémoire de notre vécu. Mais est-ce vraiment une bonne idée ?

Ah ! “si jeunesse savait, si vieillesse pouvait”… Avec le personnage de Louis Vertumne, Georges-Olivier Châteaureynaud expérimente cette hypothèse d'où il ressort, au terme d'une série de péripéties et d'aventures passablement mouvementées (où l'on voit notre héros tenter de se glisser dans la vie et le corps de “l'autre” avec qui il n'a strictement rien en commun et de réaliser dans sa nouvelle existence les rêves avortés de l'ancienne, entre exaltation et pulsions suicidaires, jusqu'à un dénouement assez inattendu), d'où il ressort, donc, que quelles que soient les circonstances, on ne change pas vraiment et que lorsqu'on est fondamentalement médiocre, intellectuellement stérile et foncièrement méprisant… on le reste !

L'écriture est vive, alerte, nerveuse, le roman se lit d'une traite, et j'ai trouvé crédible, bien cerné et attachant, en tant que personnage, cet homme par ailleurs totalement antipathique, enfermé comme dans un carcan dans sa morgue, son égoïsme et son mépris universel. Il n'est d'ailleurs pas impossible que Georges-Olivier Châteaureynaud ait saisi au passage, avec ce personnage de critique arrogant qu'il met habilement au défi de concrétiser ses velléités d'écriture, l'occasion d'égratigner quelque peu l'archétype du critique littéraire, stérile autant qu'imbu de lui-même, enclin à se consoler de sa propre impuissance en détruisant d'un trait de plume le travail de ceux qui prennent le risque de l'écriture. Une douce vengeance, peut-être, d'écrivain…

Une bonne idée de départ, un rythme soutenu, un très beau style (il y a dans ce livre des phrases si belles que je m'y suis attardée, les relisant plusieurs fois pour mieux en savourer la construction et la musique), et au final un très bon roman qui est aussi une réflexion sur l'écriture et le travail du romancier.
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Un vieux réflexe de judéo-chrétien inciterait le lecteur à penser que Louis Vertumne, le critique littéraire à la fois encensé et honni - mais on reconnait que sa méchanceté fait le buzz - mérite ce qui lui arrive dès la page 11* du récit.
Punition divine. Un Dieu païen à n'en pas douter, car le vrai Dieu ne joue pas à ce genre de jeu, il le réserve à ses anges, ses démons et ses Saints.
Or donc, le citoyen Vertumne coutumier des salons luxueux, des femmes vertigineuses, des alcools et des soupers fins, voit, un soir où par exception il emprunte une ruelle déserte et sombre à souhait, son brillantissime esprit bien fait mais pétri de certitudes (nous pensons son âme pour rester dans le divin, mais sait-on jamais !) atterrir dans le corps de Donovan Dubois un skinhead de la pire espèce.
Son problème immédiat est simple, s'il est entré dans ce corps jeune et vigoureux, il ne dispose pas des réflexes pour le conduire encore moins pour le maîtriser.
"Le sort lui avait fait le cadeau de remettre le compteur biologique à zéro mais l'étrangeté de sa situation assombrissait son euphorie."
Cette jeunesse nouvelle, il n'en veut pas. du moins pas tout le temps.
Le récit est bâti sur cette ambiguïté d'un intellectuel reconnu ne pouvant montrer à ceux qui l'écoutent que l'apparence d'un être qui, selon eux, ne peut tenir les discours qu'il tient.
Déclinaison du proverbe selon lequel l'habit ne pas fait le moine en une version plus proche de la réalité, l'habit fait bel et bien le moine, à n'en pas douter...
Les jours passent. Vertumne ne renonce pas à retrouver ce qu'il considère comme sa gloire passée en se convainquant qu'un jour il quittera ce corps.
En attendant, il en profite, notamment sur le plan sexuel, mais sans renoncer à conquérir celles avec lesquelles il avait vécu dans sa vie antérieure.
Le roman explore à sa façon, les thèmes du déterminisme et de l'ostracisme social et révèle les difficultés du transfuge de classe que devient Vertumne malgré lui.
Jamais le lecteur n'est tenté de le plaindre.
Vertumne est seul. Finira-t-il par trouver la porte de sortie ?
L'auteur lui-même n'en semble pas convaincu et c'est par un artifice inattendu qu'il conduira son personnage (je ne dis pas héros) à se conformer au sort que le destin lui a réservé, s'offrant au passage une belle rédemption et accordant une forme de pardon à tous ceux qu'il avait autrefois détestés.
Une belle boucle !




* Dans l'édition de poche Libretto
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Louis Vertumne est un vieux con. Depuis des années, il traîne son existence de critique littéraire aigri, méprisant tout le monde (surtout les romanciers), haïssant tout le monde (surtout les romanciers). Les seules personnes qui le supportent encore sont trois femmes : son ex-épouse qui le soutient par habitude, sa femme de ménage qui lui permet quelques caresses furtives et sa secrétaire. Non content d'être un vieux con, Vertumne est un vieux con sur le point de crever. Un soir de Noël où il rentrait tranquillement chez lui, il se fait poignarder par un jeune skinhead, Donovan Dubois. Touché à mort, Vertumne s'effondre, plonge une dernière fois son regard dans celui de son agresseur… Et là – miracle des miracles ! – se retrouve projeté dans l'enveloppe corporelle de son meurtrier. Vertumne occupe donc le corps de Donovan Dubois et si ce corps a l'avantage d'être jeune et vigoureux, il a également de sacrés ennuis, notamment la menace d'être coffré par la police pour le meurtre d'un vieux critique grincheux comme un dogue. Affolé, paniqué, Vertumne fuit dans la nuit, mais rapidement son dégoût et sa terreur font place à une certaine fascination et à un à espoir flageolant : et si ce nouveau corps était l'occasion de recommencer sa vie ? de tout reprendre à zéro ? Peut-être même d'écrire le roman dont il a tant rêvé sans jamais réussir à en taper une ligne ?

« le corps de l'autre » commençait très bien. La première moitié m'a captivée et l'originalité de l'idée de départ m'a enthousiasmée d'emblée ! Mais voilà… Cet enthousiasme n'a pas survécu aux longues et pesantes déambulations de Vertumne. le principal problème de ce récit, pourtant singulier et fort bien écrit, vient du personnage principal : comme dit plus haut, Vertumne est un vieux con. Indécis, méprisant, mesquin, replié sur lui-même, il n'attire pas du tout la sympathie et son extraordinaire aventure ne semble pas avoir une influence très positive sur son caractère. Même coincé dans la peau d'un jeunot fauché, il reste un écrivain raté reprochant sans cesse aux autres son manque de talent. Il donne rapidement l'impression de tourner en rond – deux pas en avant, trois pas en arrière, deux pas en avant, trois pas en arrière… – et les zigotos qui tournent en rond, ça m'ennuie un peu. Rendant à César ce qui est à César : il y a du bon, voire du très bon, dans « le corps de l'autre », quelques très jolies scènes en dehors du temps, mais aussi trop de longueurs et une histoire qui semble un peu menée à la va-comme-j'te-pousse. Pas mal, mais pas extraordinaire non plus.
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Voilà une histoire fantastique, celle d'un vieux critique littéraire atrabilaire, transmué par le coup de couteau d'un jeune loubard, en un jeune loubard justement.
La pirouette initiale permet donc d'embarquer l'esprit du vieil homme dans le corps de l'autre, ce loubard qui vient de l'assassiner. Point de départ du roman, cette renaissance est un vrai syndrome de Lazare, le héros n'est plus reconnu par les siens, ni ceux d'avant sa mort, ni ceux de sa nouvelle apparence corporelle.
Le roman devient l'histoire des pérégrinations du malheureux héros qui cherche par tous moyens à savoir qui il est vraiment, ce qu'il est vraiment, comment sortir de ce néant où il n'a plus aucun repère, ou au contraire réussir l'impossible synthèse entre son âme inchangée, et son corps qui n'est pas le sien.
Les plus : le prétexte au roman, ce passage dans le corps d'un autre, qu'il fallait imaginer, et une intrigue bien ficelée, l'écriture extraordinaire de G.O. Chateaureynaud, pas seulement sur la forme mais également par un fonds culturel et syntaxique particulièrement riche, l'appui volontaire sur les essentiels de l'existence, la relativité des choses bien exposée.
En moins : parfois le sentiment que les ficelles sont un peu grosses, mais c'est un roman fantastique. le personnage de Poppée, un peu trop caricatural, qui accompagne le lecteur durant de nombreuses pages, puis qui disparaît un peu trop brutalement ou trop facilement, c'est la même chose. On aurait aimé la quitter autrement.
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Inattendu, insolite, et réjouissant ce roman ayant pour départ une transmutation de corps,celui d'un critique littéraire acerbe, septuagénaire,bourgeois,dans celui d'une petite racaille d'une vingtaine d'années,déculturé , quasiment à la rue,sans ressources avouables.
Y aura t'il une rédemption ? Y a t il même une morale ? N'est ce pas le délire d'un fou criminel? L'écrivain nous balade un peu,sa prose est rythmée,alerte,et aussi crédible que peut l'être un roman fantastique. C'est dire qu'il a du talent
Un roman bien agréable à lire,bien écrit,bien structuré, où le doute subsiste à la fin.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Il noircissait chaque jour quelques pages qu'il déchirait chaque soir sans toujours les avoir relues. Il n'avait pas l'impression d'écrire vraiment , ce n'était pas non plus avec un sentiment d'échecs qu'il effaçait l'ardoise quand venait la nuit .il s'était dit qu'il se préparait , qu'il s'accordait comme un instrument. Les comparaisons affluaient dans son esprit l'accordage du violoniste, les échauffements du danseur ou du boxeur.... Il n'avait pas de partition ou de chorégraphie à maîtriser, ni d'adversaire à affronter, il n'avait pas de sujet. Car il voulait écrire un roman et selon lui un roman avait un sujet.
Il avait assez reproché à la bande d'étourneaux des romanciers français de ne pas en avoir, la plupart du temps, de s'élancer sans raison dans les airs et d'y décrire de vaines virevoltes.
Ce sujet qui l'autoriserait à prendre son vol, il le laissait venir à lui sans impatience. Il lui apparaîtrait un jour ou l'autre, d'une façon ou d'une autre, dans un éblouissement ou au contraire à l'issue d'une longue rumination, puisqu'il ne pouvait être que nécessaire .
en attendant, il laissait courir sa plume. Courir... Trotter, trottiner, plutôt .
et encore, souvent elle piétinait, elle se traînait. Au mieux elle flânait. Elle rodaillait dans le passé comme un chien qui renifle des choses au long des rues, comme un badaud qui farfouille dans les caisses d'un brocanteur. Il y découvrait parfois, sinon des merveilles, des brimborions qui l'intriguaient, des sortes de bibelots ou de chromos dont on en saurait quoi faire ni où les accrocher.
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Ce siècle à peine entamé serait-il le dernier qui verrait pulluler l'humanité à la surface du globe? On se le demandait. Entre réchauffement, pollutions et épidémies, crises et pénuries, guerres et menées terroristes, les motifs d'inquiétude étaient légion.
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Il n'en avait au fond jamais douté, et la preuve accablante lui en était aujourd'hui administrée, l'homme arpente sa vie entière un fil tendu sur le vide, avec le seul secours du balancier de ses alliances et de ses habitudes. Quelques visages familiers, quelques obligations triviales lui font, comme à une mule sur un chemin de montagne, des oeillères salvatrices. Ôtez-les, et c'est l'affolement, la chute .Vertumne n'avait plus rien ni personne à qui se raccrocher.
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Il consignait ces aperçus comme on rentre du bois pour l'hiver. Il en ferait des flambées quand il écrirait son roman pour de bon. La formule lui plaisait et l'inquiétait à la fois: écrire pour de bon, pour de vrai.. jusqu'ici, il avait le sentiment d'écrire pour de faux. Quelle trompette intérieur l'avertirait que l'écriture commençait à prendre, tel un plâtre et jusqu'à quand resterait-elle plastique et malléable?
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À ne la voir qu'habillée, on ne se serait pas douté qu'elle était aussi bien faite . Des considération oiseuses sur les femmes passerent par la tête de Vertumne . Certaines étaient mieux nues, d'autres étaient mieux habillées. Elles étaient souvent mieux nues qu'habilléed... Ainsi de Julia: elle était mieux nue ... mais finalement, habillée elle n'était pas mal non plus .aucune classe, mais plutôt jolie.
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28 - Lecture de Georges-Oliver Chateaureynaud
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