Le début de quelque chose

Troisième Jallon, peut-être encore plus saisissant de beauté diaphane et glaçante que les précédents.

Publié en 2011, le troisième roman d'Hugues Jallon poursuit son exceptionnel travail sur le lien étroit, mais souvent presque invisible, entre le langage - notre langage -, ses pièges et ses subversions, et les composantes souvent les moins glorieuses et parfois les plus discrètement délétères de notre environnement.

Après les paradis fiscaux offshore de "La Base", et son ton de rapport officieux de quelque officine secrète, après le développement personnel cotonneux et menaçant à la fois de "Zone de combat", c'est le volontaire endoctrinement du tourisme de masse (et même de "moins" masse que ça) qui fournit ici l'objet de ces 150 pages subtiles, aériennes, presque diaphanes, dans lesquelles un groupe de voyageurs, après son arrivée dans quelque hôtel flambant neuf (voire pas tout à fait terminé) d'une Tunisie imaginaire, soleil éclatant et mer grand bleu, fait l'objet à son insu d'une minutieuse étude comportementale par des narrateurs et un lecteur que l'on jurerait émargeant chez les assembleurs du "Dossier 51" de Gilles Perrault ou chez les quêteurs de lumière corporate du si troublant "CLEER" de L.L. Kloetzer, en attendant de s'enrôler, plus tard peut-être, au service des concepteurs du Bunker Palace Hotel d'Enki BIlal...

Extrême précision du langage comme dans les deux romans précédents, pour véhiculer ces sensations ténues, fugaces, obsédantes et totalement effrayantes en réalité. du très grand art, et une réflexion sous-jacente toujours discrète, et toujours extrêmement solide.

Dans ce club de vacances on se doute que quelque chose se trame, mais quoi? Les vacanciers n'ont pas d'identité propre, c'est une masse qui s'exprime d'une voix unique et par clichés. Ils sont observés par des personnes dont on ne sait ni qui elles sont et ni ce qu'elles fabriquent. Il devient vite clair que rien n'est normal et le malaise s'insinue peu à peu: à quoi assiste t-on? On a l'impression que la masse de moutons qui débarque confiante dans un décor de rêve se transforme peu à peu en rats de laboratoire et le club ressemble de plus en plus à un univers concentrationnaire. Voilà un court roman extrêmement étrange et dérangeant qui peut se lire à plusieurs niveaux. L'écriture est inhabituelle, les phrases sont très courtes et sèches accentuant la sensation de malaise. Je ne sais pas dire si j'ai aimé ou non mais j'ai été surprise.

Angoissant farniente.

Le troisième roman d’Hugues Jallon, publié en 2011 aux éditions Verticales, plonge le lecteur dès le premier chapitre dans le malaise et la sauvagerie, avec une scène de traque d’une horde de sangliers, précipités dans le vide du haut d’une falaise.

«Tout l’après-midi, avec les autres membres de l’équipe, j’ai regardé les hommes traîner les cadavres sur le rivage, j’ai respiré l’odeur des entrailles qui débordaient de la peau luisante et déchirée, j’ai vu les longues trainées rose pâle d’eau et de sang qui s’échappaient de leurs corps et se répandaient sur le sable, au milieu des algues.
Je sentais bien.
Si vous aviez vu ça.
Sous ce ciel magnifique.
Oui, c’était le début de quelque chose.»

Le début de quoi ? Un groupe est en route vers un club de vacances. Vers un séjour qui s’annonce passif et insouciant, dans ce qui a l’apparence d’un centre hôtelier idyllique au bord d’une magnifique mer bleue. Cependant un malaise flottant s’installe d’emblée, à cause d’éléments du décor, initialement avec ces zones envahies par la misère et les sacs plastiques que l’on traverse avant d’arriver dans cet univers de sodas glacés, de cures d’algues marines et de relaxation au bord de la piscine.

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Une masse de vacanciers débarquent sur un site idyllique mais très vite quelques petits événements clochent, une ambiance s'installe, on suit leur sort en voyeur, caché comme les narrateurs qui observe avec détachement cette masse grouillante. Ces touristes ne se doutent de rien et nous, nous assistons au début de quelque chose.


Si vous avez aimé ce livre, je vous conseille sur le même thème de vacanciers l'excellente nouvelle de J.G. Ballard "Des vacances formidables" paru dans le recueil Nouvelles complètes, volume 3 (1972-1996) aux éditions Tristram.