(Merci à Babelio Masse Critique et aux éditions Wombat, collection "Les intempestifs" de m'avoir envoyé ce livre en échange d'une critique.)
J'ai reçu de l'éditeur, et de
Cavanna posthume, un livre fabuleux, une sorte d'anthologie, une encyclopédie de toutes les personnes d'une époque, sous forme de nécrologie. La bonne blague ! Nous livrer une anthologie sous forme de nécros ! Et surtout, quelle richesse ! Tous ces gens qu'on apprécie (ou justement pas), rassemblés sous la plume de
Cavanna ! On peut même rechercher son père, ou un ami, quelqu'un qui a été célèbre, un pape ou un pigeon, une orangue-outangue. le taureau, pardonnez-moi, je l'ai sauté, hé oui, même si c'est très joliment écrit (ou peut-être justement à cause de cela) je n'ai pas eu le coeur de lire plus que le premier paragraphe. Et la dernière phrase, bien prévisible… Je l'ai donc sauté, le taureau, par amour, et je pense qu'il a préféré ça à ce que les autres lui font, les salauds.
Ce livre, c'est aussi la nécro de toute une époque.
Cavanna nous fait entrer dans ce monde, il décrit comment cela se passait à Hara-Kiri et
Charlie Hebdo. Il ne parle pas toujours beaucoup des morts, mais d'autres choses aussi, ou de ses idées sur certains sujets.
Et puis il y a la mort de Hara-Kiri, de L'Hebdo Hara-Kiri, après quoi il y avait l'après… l'après, pour
Charlie Hebdo. J'appréhendais de devoir lire toutes les nécros d'après les attentats, pour m'apercevoir que la vie de
Cavanna avait pris fin en janvier 2014. Dommage que nous ne pouvons pas lire ce qu'il aurait écrit sur le sujet et les victimes. Pour lui, de ne pas l'avoir vécu, je ne sais pas si c'est dommage. Car il en aurait été malade à en mourir.
Sa nécro de toute une époque nous fait rire, elle nous fait chaud au coeur. Pourtant, il y a parfois ce regard dans les yeux du lecteur qui réfléchit à la connerie de l'être humain, et qui rêve à la possibilité d'un monde sans cons.
J'ai aussi remarqué la différence de style entre la première partie du livre et la seconde, les nécros parues dans Hara-Kiri et celles dans
Charlie Hebdo. Hara-Kiri se voulait «
bête et méchant » et le style l'est, à merveille. Parfois, nous avons besoin de cet humour. L'humour
bête et méchant (mais beau et original !) est parfois le seul moyen d'attirer l'attention tout en mettant le doigt sur la plaie. le lecteur voit la justesse. Il rigole mais il réfléchit aussi. Et qu'est-ce que ça fait du bien de savoir qu'il y en a d'autres qui pensent comme nous ! Qui le disent, mieux, qui osent le publier et font vaillamment face à la censure.
L'autre style est celui de
Charlie Hebdo. Dans
Charlie Hebdo, plus trop de mots comme « cons », « salauds », « merde » ou « putain », pas de cul, un langage plus journalistique - je préfère l'appeler littéraire car il est vraiment bien ficelé -, toujours rigolo, percutant et gentil, mais sans gueuler. Cela n'enlève rien à la saveur, au raisonnement.
Choisir entre les deux styles est difficile. Je suis heureuse que les deux existent. Tous deux visent la vérité, sans jamais perdre la chaleur humaine, détruire qui ou quoi que ce soit entièrement (pour preuve la nécro de Bin Laden 😉). Les deux styles sont nécessaires, selon le public, selon la situation.
Pour terminer, il faut passer à l'immortel (« L'éternel », comme disait Rimbaud). Sa chronique sur l'immortalité est bête mais une ode à la vie. A cause de cela justement, elle pose la question d'un monde, d'une vie sans cons. Un monde où le concept même de la vie et de la mort, du temps, serait quelque chose d'entièrement différent. Un monde pour lequel chaque individu doit aller au bout du bout du déconditionnement, faire table rase, même du soi. Et comme
Cavanna le dit si bien : « ça veut dire apprendre à penser juste. Ca veut dire commencer par faire table rase de tous les automatismes. Ca veut dire se déconditionner. » (J'ajoute un conseil personnel : ne faites pas ça un par un, vous n'en finirez pas, car il y en a des conditionnements ! Aller à la racine, le soi, et le rejeter 100%, et puis... ne rien faire et voir ce qui se passe. Bonne aventure.)
Cavanna ne me voit pas ni ne me lit mais je me fais un petit plaisir en m'adressant directement à lui : merci pour tout,
Cavanna.