Puisque l’économie fonctionne avec un volume toujours moindre de travail pour une production sans cesse croissante, la question se pose : aspirons-nous à une solution où tous peuvent gagner de mieux en mieux leur vie avec moins de travail – donc réduction générale du temps de travail et redistribution du travail nécessaire entre tous – ou autorisons-nous les multinationales et la « libre » économie de marcher à épuiser les plus productifs dans le travail nécessaire et à laisser sombrer les autres dans les jobs précaires, le chômage, une pauvreté et une exclusion croissantes ?
L’idée de réconciliation de l’homme avec la nature n’est apparue, en Occident au moins, que dans une phase tardive de la modernité. Si on la prend au sérieux et qu’on en fait la base d’une éthique, on aboutit à l’hindouisme ou au bouddhisme, c’est-à-dire aux formes d’une ascèse qui interdit toute intervention dans la nature, y compris tout travail corporel. Pour que la société subsiste, il faut alors que le travail soit pris en charge par des parias qui y sont condamnés de naissance.
Il est impossible de croire au « progrès » en tant que résolution des contradictions, tout comme il est impossible de croire au progrès en tant que domination auto-instituée de la Raison.
Le propre de l’homme est sa capacité illimitée d’apprendre. Il est non naturel par nature. Il ne devient homme que par sa socialisation. Sans elle il n’a pas de capacités naturelles, innées. Il n’est pas génétiquement programmé pour vivre en harmonie avec la nature environnante. Son mode de vie ne deviendra compatible avec l’intégrité de celle-ci que s’il s’interdit certaines interventions dans les cycles naturels dont – à la différences d’autres espèces – la nature elle-même ne lui a pas interdit la possibilité.
La libération ne peut résulter que d’une technique. Elle ne peut être obtenue que par des acteurs sociaux dont elle est le but conscient. Il n’y a pas moyen de faire l’économie de la volonté politique.
Serge Audier
Si l'écologie a pour objectif d'étudier les rapports entre un organisme et le milieu naturel, et se donne à cette fin les outils d'une science, elle ne peut ignorer les facteurs qui influent sur ces rapports complexes, lesquels ne sont pas « naturels » mais tiennent à des données sociales, culturelles, économiques, politiques. Aussi, de l'intersection de l'écologie et des sciences sociales ou économiques, est née l' « écologie politique », terme forgé en 1935 par le physiologiste américain Frank Thone mais utilisé surtout à partir des années 70. Impulsée par les travaux pionniers de l'anthropologue Eric R. Wolf, de Michael J. Watts, de Susanna Hecht, du philosophe Hans Jonas ou, en France, d'André Gorz, l'écologie politique a connu un essor considérable, et a déjà une « histoire ».
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