Le gout secret du passé

D’un côté, il y avait des liens étroits et constants entre le gouvernement d’Hassan II et la CIA, qui avait aidé le roi à réorganiser les forces de sécurité du Maroc en 1960 – et Glenn n’avait pas oublié ses relations compliquées avec les autorités américaines. De l’autre, Hassan, craignant l’opposition, avait instauré une répression sans merci, les années de plomb ou Zaman al-Rusas, comme les appelaient les types plus politisés dans les cafés du coin. Les dissidents avaient été arrêtés, exécutés, ou ils avaient « disparu » mystérieusement. Des journaux furent supprimés, certains livres interdits ou brûlés. L’opposition politique était une activité dangereuse durant les moments les plus noirs de ces années de plomb. Les dissidents étaient systématiquement harcelés et plusieurs activistes antigouvernementaux furent emprisonnés, torturés et moururent dans des circonstances douteuses.

Des tas d’autres jeunes comme lui faisaient le voyage, on pouvait obtenir toutes les informations nécessaires dans la presse clandestine. Il n’avait pas l’impression d’être un touriste, bien que d’une certaine façon il en fût sans doute un, et il adorait entendre d’autres langues, voir de nouveaux endroits, apprendre à connaître d’autres cultures, se réveiller tous les matins dans une ville différente… c’était une vraie libération. Même les choses les plus familières semblaient étranges et intéressantes, comme s’il les voyait pour la toute première fois. Voyager. Il fallait être fou pour ne pas aimer voyager.

Et il se mit à l’embrasser. L’embrasser vraiment. La bouche, les lèvres, la langue. Elle retrouva son goût, son odeur, qui lui étaient si chers, si familiers. Elle sentit quelque chose se déverrouiller en elle et se remettre en place. À une place différente. Elle l’étreignit avec passion, peut-être née du désespoir, mais pourtant bien réelle. Quelques secondes plus tard, il arrachait ses vêtements, elle arrachait les siens, ressentant tous deux le besoin d’être peau contre peau. Elle voulait le sentir à côté d’elle, sur elle, en elle. Faisant partie d’elle.

Quand on a l’esprit d’équipe, on ne reste pas obstinément silencieux lorsque l’un des membres a besoin de savoir quelque chose.

Elle n’était qu’une distraction pour lui, elle lui offrait un peu d’amusement et d’amitié, rien de plus. Et il était une diversion pour elle, un moyen de se persuader qu’elle avait sa vie sous contrôle, que tout allait bien. Pourquoi aurait-elle besoin d’un homme dans sa vie alors que c’était sa carrière qui la passionnait ? Elle n’avait pas besoin de quelqu’un qui prendrait le contrôle de sa vie, aurait des exigences, menacerait sa propre identité.