Où j'expliquerai pourquoi j'aime ce livre et comment j'en tire profit en tant qu'autodidacte.
Je n'ai pas choisi ce manuel. Un proche, connaissant mon goût - un peu tardif - pour les langues anciennes m'en a gentiment fait cadeau. Au premier abord, je n'aurais jamais jeté mon dévolu sur lui, étant donné que j'étais habitué jusqu'ici à étudier le latin avec la méthode Orberg, qui est radicalement différente.
Fontanier : de la théorie à la pratique. Orberg : de la pratique à la théorie. Qui plus est, j'avais déjà quelque peu regardé les avis concernant les manuels de cette collection "langues anciennes" sur internet, et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle ne fait pas l'unanimité. Beaucoup d'apprenants autodidactes reprochent aux auteurs (M.
Fontanier est aussi l'auteur du manuel de grec ancien) une difficulté mal calibrée et une approche grammaticale dénuée de tout sens de la pédagogie. Je ne me laisse pas systématiquement influencer par les avis de consommateurs sur internet, mais le nombre de commentaires de cet ordre m'ont sans doute amené à me détourner de cette collection au moment d'acheter mon premier manuel de latin.
Il se trouve toutefois, qu'après quelques semaines d'utilisation en autodidacte de ce manuel, j'en ai tiré quelque profit. Je me donne donc pour objectif dans ce commentaires de rendre justice à ce manuel, et de partager quelques pistes pour ceux qui, comme moi, travaillent seuls leur latin et hésitent à se le procurer, ou bien ont renoncé à s'en servir, ce qui est bien dommage.
Tout d'abord: les défauts. Je dirai que, comme de nombreux manuels, ce livre ne suffit pas à celui qui souhaite apprendre "LE" latin. "
Le latin en 15 leçons" entre dans la catégorie des manuels qui nous apprennent "DU" latin. Je m'explique. En terminant l'étude d'un tel livre, vous saurez parfaitement vos déclinaisons, conjugaisons, vos pronoms, et vous aurez les clés pour déchiffrer des textes d'auteurs originaux. Mais vous ne pourrez pas, si vous vous en tenez rigoureusement à la méthode du professeur
Fontanier, "pénétrer l'esprit de la langue", et la manier ensuite par vous-mêmes. Bien sûr, notre but à tous est d'être capable de lire les textes originaux, mais, habitué à la méthode Orberg (voire aussi à la méthode assimil), j'ai compris qu'en raisonnant moi-même dans la langue cible, je n'en ancrerai que plus facilement dans mon esprit la syntaxe et les locutions stéréotypées que maniaient couramment les grands auteurs de l'antiquité et du moyen-âge. En somme, je reprocherai d'abord à l'auteur de ne pas avoir insisté plus que cela sur l'exercice du thème, fondamental pour la mémorisation, et sur le vocabulaire, dont l'apprentissage est délibérément laissé à la discrétion de l'apprenant. Dans ces conditions, je comprends que des grands commençants autodidactes se découragent et ne prennent pas plaisir à utiliser ce livre. Tant qu'il est question des exercices, je dois dire que je ne suis pas convaincu par l'intérêt cet exercice de commentaire qui suit systématiquement (en première position dans la liste des exercices) la leçon. Bien souvent, et ce dès la première leçon, il s'agit de commenter l'emploi grammatical des termes soulignés dans des textes originaux que bien évidemment, en tant qu'apprenants, nous ne sommes pas capables de lire dans le texte. Même si la traduction est systématiquement proposée en-dessous, je n'ai jamais ressenti un réel intérêt à cette activité. Il s'agit de reproduire un exercice que font tous les professeurs de latin, qui, vous traduisant le texte en direct, s'arrêtent sur certaines formes pour en faire le commentaire. La chose m'étais agréable en cours de latin (j'avoue avoir reçu quelques cours de latin médiéval à la fac, mais après avoir commencé tout seul), mais est un peu fastidieuse à mettre en pratique avec un livre, et ce d'autant plus lorsque l'on est immédiatement confronté à un extrait de
Cicéron ou
Sénèque... Je concède que de telles impressions reposent sur nos habitudes et sur la fonctionnement de notre mémoire, en ce qui me concerne, j'ai une mémoire photographique, et j'ai donc fonctionné beaucoup plus facilement avec les notes marginales et les schémas de
Hans Orberg pour mémoriser vocabulaire et tournures.
Ainsi, le livre de
Jean-Michel Fontanier est plus un guide pratique pour s'orienter dans les méandres des textes de
Suétone,
Cicéron et Martial, en vous apprenant "du" latin, qu'un vrai manuel pour apprendre "le" latin. Cette remarque vaut également pour le "Manuel de latin méldiéval pour les grands commençants", et l'ensemble de ces livres qui ont pour vocation de donner une formation accélérée. C'est une façon de faire, certains s'en contentent, mais, m'étant passionné pour le latin en l'apprenant en master d'histoire médiévale, je me suis fixé un objectif plus élevé que le simple déchiffrage, d'où mes critiques.
Je me dois maintenant de parler des avantages que je lui ai trouvés. Tout d'abord,
Jean-Michel Fontanier fait preuve d'un remarquable esprit de synthèse. Les leçons sont d'une grande clarté, tant elles sont ramassées et réduites à l'essentiel de la langue. En outre, il faut reconnaître la grande expérience de ce professeur qui a particulièrement bien ciblé les difficultés des élèves français, et qui donne de nombreuses astuces et outils mnémotechniques pour surmonter les principales difficultés auxquelles le latiniste débutant est confronté. En cela, il compense très bien la méthode Orberg je trouve. Aussi, tout est fait pour nous aider à mieux nous familiariser avec la concision du latin, moyennant un peu de "par coeur".
Là où "
Le latin en 15 leçons" complète aussi très bien "Lingua Latina", c'est dans le contact avec les textes originaux. J'ai critiqué plus tôt ce contact que je trouve trop prématuré aux textes originaux, mais je pense qu'à l'inverse, le professeur Orberg nous fait trop attendre pour jouir du plaisir des extraits - même courts - d'auteurs antiques dans "Lingua Latina : Familia Romana", ce qui, permettant à l'élève de se voir progresser, l'amènerait à redoubler de motivation (cela dit, le 2ème volume de la méthode comble parfaitement cette lacune). La présence ici d'un bel échantillon de textes de versions sélectionnés selon une difficulté graduée est un vrai plaisir qui m'a bien aidé à franchir le passage difficile des textes adaptés d'Orberg à ceux des auteurs originaux.
En conclusion, j'aime ce manuel, et je le recommande. Mais je crois qu'on en tire profit en l'utilisant comme complément d'une méthode plus fournie, mieux adaptée aux débutants, et qui s'applique à mieux stimuler la motivation de l'apprenant, car il faut bien reconnaître que ce livre est quelque peu austère et qu'un contact trop prématuré avec les auteurs anciens est vite décourageant, d'où l'amas de commentaires dépités sur internet. En somme, je pense qu'il faut dans un premier temps s'orienter vers les méthodes plus "patientes" (
Hans Orberg/
Simone Déléani et d'autres...). L'objectif d'apprentissage accéléré justifié en introduction du manuel est difficilement tenable en autodidacte, et ce d'autant plus que la quasi-absence de l'exercice du thème, et l'abandon de l'enseignement du vocabulaire rend la mémorisation et la progression fastidieuse.
Dès lors, je pense que ce livre est un remarquable complément. Et je rends grâce à
Jean-Michel Fontanier de m'avoir fourni bien des astuces, ainsi que d'avoir levé le voile sur nombre de difficultés.
Vale!