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Le Livre des Martyrs tome 2 sur 10
EAN : 9791097270247
Leha (16/11/2018)
4.27/5   238 notes
Résumé :
Sur le vaste continent de Sept-Cités, au cœur du Saint-Désert de Raraku, l’oracle Sha’ik rassemble son immense armée. Son objectif : déchaîner le Tourbillon, un soulèvement prophétisé depuis des siècles et qui deviendra l’un des conflits les plus sanglants que le monde ait jamais connus. Dans les mines d’otataral, Félisine rêve de se venger de sa sœur, nouvelle adjointe de l’impératrice Laseen, qui l’a condamnée à l’esclavage. Pour parvenir à ses fins, la jeune fill... >Voir plus
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Tel est pris qui croyait prendre

Malgré un titre qui est la traduction de Deadhouse Gates, second tome du cycle du Livre Malazéen des glorieux défunts, et une couverture française qui signale que ce livre est précisément cela, il ne s'agit en fait que d'une partie du tome 2 de la VO (c'est bon, vous suivez ?). Pour lire la totalité de ce dernier, il vous faudra Les portes de la maison des morts plus La chaîne des chiens, ce dernier étant fort improprement dénommé tome III du cycle par l'éditeur français alors qu'il ne s'agit en fait que du 2.5.

Je ne vais pas revenir sur les (nombreuses) particularités du cycle, si vous voulez vous rafraîchir la mémoire, je vous invite à vous reporter à la critique du tome 1. Mais entrons plutôt dans le vif du sujet (je précise qu'à partir de maintenant, si je parle de tome 2 ou 3, il s'agira de ceux de la VO, je ne compte pas adopter la numérotation de l'éditeur français : pour désigner le tome III de la VF, j'emploierai désormais l'expression tome 2.5).

- Continuité avec le tome 1 ou pas ?

Je savais que le tome 2 ne suivait pas l'intrigue principale du tome 1 (ce sera le cas des événements du tome 3, qui sont au passage supposés se dérouler simultanément par rapport à ceux du tome 2), et j'avais entendu dire qu'on ne retrouvait qu'une minorité de personnages du tome 1. Ce dernier point n'est qu'assez partiellement exact : tout compte fait, on retrouve pas mal de têtes connues : Kalam l'assassin, Crincrin (qui se fait appeler Fiddler, maintenant), Apsalar (ex-Mes Regrets), Crokus (le cambrioleur de Darujhistan), ainsi que Ben le Vif qui est souvent mentionné et surtout les deux soeurs de Ganoes Paran.

Tandis que l'une d'elles, Tavore, est devenue la nouvelle Adjointe de l'Impératrice, l'autre, Felisine, est victime des purges ordonnées par l'Empire Malazéen contre sa propre noblesse. Elle se retrouve esclave, et offre son corps à quiconque peut assurer sa survie ou un meilleur confort non seulement à elle, mais aussi à ses compagnons d'infortune. Seule la perspective d'une vengeance envers sa soeur aînée, qui a assisté sans intervenir à sa déchéance, lui permet d'endurer l'esclavage dans les mines du minerai anti-magie qu'on a déjà pu croiser dans le tome 1, la perte de sa dignité et de sa virginité. N'allez cependant pas croire que le lecteur va la prendre en sympathie : droguée, faisant collusion avec ses « bourreaux » de son plein gré, elle se révélera, même après son inévitable évasion, vicieuse, cruelle, manipulatrice et sans scrupules. C'est de la Dark Fantasy après tout.

Kalam et Fiddler sont supposés ramener Apsalar chez elle, mais on découvrira rapidement que leur véritable but est de s'en prendre à l'Impératrice pour ce qu'elle a fait aux Brûleurs de Ponts, y compris, si nécessaire, en se servant des aptitudes de l'ex-Mes Regrets (qui, bien que n'étant plus possédée par La Corde, a gardé l'écrasante majorité de ses aptitudes d'assassin et de combattante).

Une des caractéristiques les plus marquantes du cycle est le nombre faramineux de personnages, et ce tome 2 n'échappe pas à la règle : outre ces personnages que nous connaissons déjà, un grand nombre de nouveaux personnages débarquent donc. Mais globalement, j'ai trouvé cette première partie de tome 2 bien plus facile à suivre que le tome 1. Certains des petits nouveaux se révèlent passionnants, comme le sympathique mais néanmoins extrêmement redoutable duo formé par Mappo et Icarium, comme Heboric ou encore Baudin (qui a l'air d'être bien plus qu'il n'y paraît de prime abord). D'autre part, certains des personnages déjà connus prennent beaucoup d'envergure, surtout Kalam.

Enfin, au niveau du lieu de l'action, on se trouve sur le continent des Sept Cités, où on visite bien plus d'endroits que dans le tome 1. Il y a une nette dichotomie entre les lieux visités par les divers groupes de personnages, du très sec (la plupart) au très humide (les Marines, Kulp, Felisine, Baudin et Heboric). Enfin, il y a une assez nette différence entre les tomes 1 et 2 : alors que dans le premier, les destinées des divers groupes finissaient par converger au même endroit, ce n'est pas le cas dans le second, où ce serait même plutôt l'inverse. Même si on sent que ça va à nouveau s'inverser dans le tome 2.5.

- C'est la guerre ! (civile)

Comme s'il ne suffisait pas à l'Impératrice de se mettre sa propre noblesse à dos, elle nomme ou laisse en place des Poings (responsables locaux) négligents ou trop confiants dans les Sept Cités occupées, et est particulièrement passive face aux menaces de rébellion. Pire encore, une croisade religieuse est sur le point de se déclencher, et là encore, malgré des signes évidents, personne ne fait rien.

Personne ? Presque. Un nouveau Poing arrive avec ses troupes dans une des sept cités, Hissar : il s'agit du redoutable Coltaine, jadis adversaire des Malazéens qui, après la conquête de ses terres et de son peuple, est désormais devenu un de leurs généraux (ce revirement, qui peut paraître étrange, sera expliqué très logiquement à la fin du livre). Alors que l'ambiance générale est fortement arabisante dans ce tome, un grand nombre de tribus ou peuples, dont celui de Coltaine (les Wickans), évoquent, eux, clairement les indiens d'Amérique.

Coltaine entraîne les troupes Malazéennes locales à la contre-insurrection, au combat de rue et surtout à guider des colonnes de réfugiés lourdement chargés. La suite des événements montrera à quel point ce programme d'entraînement sera visionnaire. Lorsque l'inévitable insurrection, doublée d'une croisade religieuse féroce, se déclenche (en partie à cause de Kalam, d'ailleurs), il le seul gouverneur à entamer une retraite en bon ordre, malgré le fait qu'il soit opposé à des forces écrasantes et fanatisées à l'extrême. Mieux encore, dans la longue retraite (2500 Km) vers des villes restées sous contrôle impérial, plus tard connue sous le nom de Chaîne des chiens (qui donne son nom au tome 2.5 = III de l'édition française), il réussit l'exploit de transformer ce qui ressemble de prime abord à une fuite désespérée en une suite d'embuscades plus meurtrières (pour les insurgés !) les unes que les autres, dans une version suprêmement habile de « tel est pris qui croyait prendre ». Outre les talents stratégiques du général, la très grande qualité de ses troupes tribales de cavalerie y est bien entendu pour quelque chose. Et les dits talents ne s'étendent pas seulement aux tactiques tribales traditionnelles de son peuple : la bataille finale montrera aussi une maîtrise remarquable des techniques de génie militaire les plus avancées de cet univers.

La situation politique est en fait bien plus complexe qu'elle n'en a l'air : il y a des « collaborateurs » chez les natifs de Sept Cités (les Épées Rouges) et des traîtres chez les Malazéens (un des Poings déserte, massacrant une moitié de sa Légion tandis que l'autre abandonne son uniforme et se constitue en une compagnie mercenaire connue sous le nom de Légion du Tourbillon – du nom de la guerre sainte en cours-). de même, les loyautés de Kalam, sans être fluctuantes, sont complexes : bien que Brûleur de Ponts (donc déserteur) et prenant une part décisive dans le déclenchement du Tourbillon, il est aussi préoccupé par le sort des soldats Malazéens et n'hésite pas à tuer tous les croisés qu'il rencontre. Signalons d'ailleurs que les combats sont bien plus longs et mieux décrits que dans le tome 1, un point très positif à mon sens.

Dans le genre « tel est pris qui croyait prendre », Felisine va également faire les frais de sa sous-estimation systématique de la force de caractère des hommes qui l'entourent, et qu'elle croit manipuler à sa guise en usant de ses charmes adolescents. C'est particulièrement visible à partir du moment où le trio arrive sur la plage, où elle se fait damer le pion par un de ses compagnons d'infortune, Baudin, puis par les soldats dont ils croisent la route, et qui sont bien trop expérimentés pour se faire avoir par une telle jouvencelle.

- C'est magique

Le tome 1 était déjà bourré de magie surpuissante et à grand spectacle, mais clairement, dans ce tome 2, on passe encore un cran au-dessus. Si, si, c'est possible. Entre un tout nouveau Labyrinthe, des révélations fracassantes sur le Labyrinthe Jaghut, Heboric et ses tatouages et moignons très particuliers, la super-tempête du Tourbillon, le Mage Fou qui poursuit Kulp, la mort d'un Ascendant, les prêtres-envoûteurs Semks qui canalisent la rage de leur dieu au péril de leur vie, la nécromancie et les esprits de la terre des Wickans (sans compter leurs sorciers réincarnés dans des corps d'enfants…), il y a de quoi faire.

Mais le point le plus marquant en matière de magie est certainement l'introduction de deux races de change-formes, en clair des Lycanthropes très, très particuliers. En clair, la loi de conservation de la masse, c'est pour les fillettes, pourquoi se transformer en un léopard quand un seul change-forme peut en devenir huit ? Pourquoi devenir un ours lorsqu'on peut prendre la forme d'un scolopendre de la taille d'un dragon ? Bref, on est sur du Garou de très, très haut niveau là.

Le minerai anti-magie, l'Otataral, a une place très importante dans l'intrigue, et est en rapport avec un épais mystère entourant Heboric.

- Ambiance, Difficulté de lecture

Si vous avez lu le tome 1 (ou ma critique à son sujet), vous ne serez pas surpris du fait que dès le début, l'auteur ne vous mâche pas le travail en vous présentant le nouveau décor de l'action : il se comporte en fait comme si vous saviez déjà tout, vous déballant des noms de lieux, peuples, langues, etc. Cela contribue, pour moi, à renforcer l'image d'un univers si vaste, ancien et riche que vous, pauvre lecteur, n'en prendrez la mesure qu'au bout d'une longue lecture de l'ensemble du cycle et qu'après de réels efforts.

L'ambiance arabisante, d'autre part, ne plaira peut-être pas à tout le monde. Personnellement, j'adore, et je suis toujours ravi de voir un roman qui laisse la part belle à ce genre d'univers. La fuite (pas si) désespérée des réfugiés Malazéens, escortés par les Wickans et les Épées Rouges (plus ce qui reste de troupes impériales) est vraiment très bien décrite et se révèle très intéressante. Mention spéciale pour finir à une longue bataille finale, criante de vérité, et qui conclut de façon très habile cette première partie du tome 2 de la VO.

- En conclusion

J'avais trouvé le tome 1 fascinant mais exigeant, et j'avais vraiment aimé. J'ai adoré cette première partie de tome 2 : plus facile à suivre, avec un rythme plus constant que le tome 1 , plus riche en scènes d'action, avec de nouveaux personnages flamboyants comme Coltaine et des personnages connus qui prennent de l'envergure (comme Kalam), ce livre est une complète réussite.

Retrouvez une version un peu plus détaillée de cette critique sur mon blog.
Lien : https://lecultedapophis.word..
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Après un premier tome foisonnant mais aussi un peu éprouvant, Steven Erikson poursuit sa désormais célèbre série du « Livre des martyrs », autrefois traduite sous le titre « Le livre malazéen des glorieux défunts », et dont la traduction se poursuit à un rythme impressionnant puisque les éditions Léha viennent d'en sortir le sixième opus, deux ans seulement après la parution du premier. Une suite qui n'en est pas tout à fait une puisqu'on quitte ici le continent de Genabackis pour un autre, celui des Sept-Cités. Ainsi, même si on retrouve effectivement quelques têtes connues, à l'image des Brûleurs-de-Ponts Violain et Kalam, ou encore des jeunes Crokus et Apsalar, la plupart des protagonistes de ce nouveau pan de l'histoire de l'empire malazéen nous est inconnue. Cela implique, comme dans le premier tome, de se familiariser avec un nouvel environnement, de bien cerner les rapports de force qui y sont engagés de même que l'histoire et les traditions qui lui sont attachés. « Les portes de la maison des morts » se révèle, heureusement, bien plus accessible que « Les jardins de la Lune ». D'abord parce qu'on ne repart pas non plus de zéro et qu'on commence à cerner les bases de l'univers d'Erikson, que ce soit en terme de géopolitique ou de magie (même si j'ai bien conscience qu'il reste encore énormément de choses à découvrir). Ensuite parce qu'on y retrouve certains mécanismes du premier tome, et qu'on est donc moins surpris lorsque l'intrigue bascule dans telle ou telle direction (même si l'auteur nous réserve malgré tout un grand nombre de surprises). Il faudra malgré tout vous armer de patience afin de détricoter tous les fils de l'intrigue, de même que pour passer les cent premières pages qui posent un nombre incalculable de jalons dont on peine dans un premier temps à comprendre l'intérêt. Si les différentes trames narratives finissent par effectivement se rejoindre (certaines plus rapidement que d'autres), on est d'abord saisi par la multitude de personnages et d'endroits mis en scènes, la plupart n'ayant rien en commun les uns avec les autres.

Si la situation de l'empire malazéen n'était pas particulièrement au beau fixe sur Genabackis, celle-ci se révèle encore plus explosive dans les Sept-Cités. Implantés depuis longtemps sur le territoire mais sujets à une vivre hostilité de la part des autochtones, les Malazéens se retrouvent finalement face à la révolte qu'ils craignaient depuis tant d'années. Guidés par l'oracle Sha'ik, dont le rôle avait été annoncé par une très ancienne prophétie, les « colonisés » ont donc fait le choix de l'union pour tenter de chasser les étrangers de leur territoire. Une à une, toutes les cités tombent, tandis que les malazéens, personnels dirigeants ou simples citoyens, sont implacablement massacrés. Seul le Poing Coltaine (gouverneur d'une région) est parvenu à quitter la ville avant le massacre, entraînant dans son sillage ce qu'il reste de ses troupes, ainsi que des milliers de réfugiés qui se lancent en sa compagnie sur les routes pour tenter de rallier la cité d'Aren, la seule encore aux mains de l'Empire. Harcelés continuellement sur le chemin et en nette infériorité numérique, les soldats de la 7e compagnie ainsi que les Wickiens qui accompagnent Coltaine multiplient les ruses pour escorter le plus de réfugiés possible en sécurité, le tout sous le regard de l'historien Duiker qui va nous servir de guide et de témoin tout au long de cette éprouvante traversée. En parallèle à cette histoire dont la richesse aurait parfaitement justifié de lui consacrer un roman à elle seule, on suit également le parcours de plusieurs autres protagonistes. Parmi eux un trio composé de la jeune soeur d'une noble passée au service de l'Empire, d'un ancien prêtre du dieu sanglier et d'un truand, tous trois condamnés au bagne dans les mines d'Otaral dont ils ne sont pas censés ressortir. On retrouve également un quatuor constitué du sapeur Violain, de l'assassin Kalam, ainsi que de Crokus et Apsalar, en route pour ramener la jeune femme chez elle et, au passage, tuer l'Impératrice. Enfin, l'auteur introduit un nouveau couple de protagonistes en la personne de Mappo et Icarium, étrange duo arpentant le monde depuis des siècles et qui vont se retrouver mêlés sans le vouloir aux affaires de puissances magiques qui les dépassent.

Le simple fait d'exposer le pitch de base suffit à se rendre compte de la densité du roman qui traitent d'une multitude de sujets et met en scène une quantité impressionnante de personnages. Les enjeux sont toutefois exposés bien plus clairement que dans le tome précédent si bien que, une fois tous les acteurs introduits, on se repère relativement facilement sur la scène. Certaines trames narratives restent toutefois plus passionnantes que d'autres à suivre, si bien qu'on alterne entre moments exaltants et d'une rare intensité, et petits coups de mou qui peinent à maintenir l'intérêt du lecteur éveillé. Très élevée au début, la proportion de ces moments d'ennui va toutefois en décroissant au fil du récit qui se révèle absolument captivant durant toute la seconde moitié (ce qui veut quand même dire qu'il faut accepter de passer quatre cent pages avec des hauts et des bas). L'intrigue la plus intéressante est, sans commune mesure, celle mettant en scène l'historien, Coltaine et les milliers de réfugiés qui le suivent. L'auteur nous livre ici une preuve incontestable de son talent, alternant entre scènes de batailles à couper le souffle, et moments d'intimité et de réflexion à vous briser le coeur. Tous les personnages mis en scène dans cette trame sont marquants, et les épreuves terribles qu'ils ont à endurer, de même que leurs réactions très différentes face à cette situation dramatique ne font que renforcer l'empathie du lecteur qui ne peut rester insensible face à la tragédie qui se joue. Quand bien même ce second tome est loin d'être parfait, les scènes consacrées à cette retraite désespérée constituent à elles seules un motif suffisant pour se lancer dans la lecture tant il s'agit sans aucun doute des pages les plus émouvantes et les plus mémorables qu'il m'ait été donnée de lire. Je me questionnais un peu sur la formidable réputation de la série après ma lecture du premier tome (qui m'avait laissée mi admirative, mi déçue) mais je comprends à présent sans mal pourquoi celle-ci aura marqué tant de lecteurs et suscité tant de critiques dithyrambiques.

Les autres trames narratives sont loin d'être inintéressantes, mais l'intérêt qu'on leur porte peut se révéler fluctuant en fonction des rebondissements. J'ai personnellement apprécié l'intrigue mettant en scène Félisine et ses compagnons qui ont tous leurs secrets, leurs blessures, et leurs objectifs. le personnage de la jeune femme m'a beaucoup touchée, même si j'ai trouvé un peu gonflé de la part de l'auteur de nous la dépeindre comme une petite capricieuse mesquine et cruelle, alors même qu'il ne s'agit encore que d'une enfant et, qui plus est, qu'il lui fait endurer un marathon d'épreuves qui frise presque le sadisme dans la première partie du roman (si vous n'aimez pas voir les personnages malmenés accrochez-vous, Erikson ne fait pas dans la dentelle, même quand l'héroïne n'a que quatorze ans !). Les aventures des Brûleurs-de-Ponts m'ont dans un premier temps assez peu passionné, même si le chemin pris par Kalam est finalement parvenu à relancer mon intérêt et si le caractère bourru de Violain le rend toujours aussi attachant. Je n'ai en revanche pas du tout été convaincue par le duo Mappo/Icarium dont les aventures ne présentent, à mon sens, que peu d'intérêt mais qui parviennent malgré tout à toucher le lecteur lorsque la nature de leur étrange relation est finalement révélée. Pour ce qui est de l'intrigue en générale, elle se révèle elle aussi plus intelligible que dans le premier tome, essentiellement parce qu'elle fait un peu moins appel à une débauche de magie. Il y en a, bien sûr, et beaucoup, mais son rôle sur les événements est bien moindre que dans le premier tome dans lequel l'auteur se livrait à des duels de mages et des apparitions presque en permanence. Un mot, enfin, sur la plume de l'auteur qui se révèle être d'une richesse et d'une sensibilité incroyable lors de certaines scènes, mais qui pâtit aussi souvent d'une forte tendance à multiplier les sous-entendus et les propos sibyllins, quitte à nuire à la compréhension. J'ai également été (un peu) interpellée par certains choix de traduction, notamment le « yep » utilisé (très fréquemment) par tous les personnages et qui ne collent pas du tout avec certaines ambiances ou certains protagonistes, mais il ne s'agit là que d'un simple détail.

Steven Erikson nous offre avec ce second volume un roman d'une aussi grande richesse que le premier mais qui ne pâtit pas des mêmes défauts. le rythme y est plus constant, les personnages mieux campés, et les enjeux exposés plus clairement. Il s'agit à nouveau d'une lecture exigeante, mais la patience et la persévérance du lecteur se verront récompensées par des scènes qui lui laisseront des souvenirs indélébiles, à commencer par le périple entrepris par ces réfugiés pour échapper à la mort. Les scènes de bataille sont splendides, les épreuves endurées par les personnages déchirantes, et c'est à la mélancolie qui nous assaille une fois la dernière page refermée qu'on prend vraiment conscience qu'on vient de lire quelque chose de vraiment exceptionnel.
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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Le récit est dense, je ne vais pas dire le contraire. Toutefois, la structure narrative permet de suivre le fil avec plus de sérénité. Il y a trois trames principales, qui ne sont pas forcément appelées à se rejoindre dans les moments ultimes.
La voie des mains

La voie des Mains fait partie des légendes des Sept Cités. Deux espèces de bestioles convergent vers un point qui nous est totalement mystérieux; initialement. Ce sont les D'ivers et les solipris, ces deux types de créatures – des changeurs de forme – ont diverses apparences, de l'ours (solipris – se transforme en un être) à la nuée de frelons (D'ivers – se scinde en une multitude), et peuvent s'avérer particulièrement redoutables.

L'impression d'une bande de saumons cherchant à remonter le courant, objectif lié à leur instinct primaire et la promesse d'un renouveau, s'impose à ces moments. Pour les changeurs de forme la promesse est d'une nature un peu similaire car l'Ascendance est la récompense espérée en touchant au but. le vainqueur régnerait alors en divinité immortelle sur l'ensemble des D'ivers et Solipris….

Ah, il ne faut pas croire qu'il n y'a pas d'intelligence derrière ces bestioles.

Pendant, un bon moment – jusqu'aux derniers chapitres – cette trame semble plutôt accessoire au récit global. Ils représentent certes une menace, une entrave sur le chemin de nos courageux aventuriers, mais pour le lecteur, ils demeurent en périphérie de sa vison, jusqu'au moment au ils bondissent dans la tronche… et, là, c'est une autre histoire…
Le Tourbillon

Autre légende, ou plus exactement prophétie des Sept Cités, le Tourbillon né à Raraku (au nord-est de Sialk Oldhan sur la carte) soufflera un vent de rébellion sur le continent pour le libérer de l'envahisseur malazéen.

La première moitié du roman permet une mise en tension, il n'y a pas de réelle personnification du chef de la rébellion qui reste une figure de ralliement fantasmée pour beaucoup. Jusqu'à ce que le sort décide enfin d'une destiné, d'une femme qui sera à leur tête; et, le soulèvement s'imprègne alors d'une large touche de vengeance.

Cette trame est plus visible pour le lecteur, car le sujet est mis sur la table de manière régulière, et nous avons ceux qui vont lutter contre, ceux qui vont lutter pour rejoindre le mouvement, ce qui vont l'avoir sur le chemin, subir les dangers inhérents à la zone. Et finalement, nous apparaît sans l'air d'y toucher une question plus en profondeur sur la figure propre à incarner un mouvement de cette ampleur, sur la légitimité même d'une rébellion (oui, les malazéen ne sont pas des tortionnaires après ces longues années de paix), et sur la légitimité des exactions commises en son nom.

La Chaîne des chiens

Bien que cette trame baigne intégralement dans l'insurrection, je la dissocie de celle du Tourbillon, qui consiste à répondre aux critères d'une prophétie.

La chaine des chiens est un long périple sanglant, émouvant, prenant, qui va conduire les malazéens à traverser tout le territoire de Sept Cités depuis Hissar jusqu'à Aren. Je vous bassine régulièrement avec l'Anabase de Xénophon, mais encore une fois, une retraite de dizaine de millier de combattants en territoire ennemi, font tinter la cloche « Anabase« !

La rébellion s'est déclenchée et se déchaine (sorry pour ce vilain jeu de mot), les malazéens ne peuvent pas tenir Hissar et doivent donc rejoindre un endroit plus aisé à défendre. le gros hic : des milliers de réfugiés à escorter…et un centaine de milliers de dissidents…

La tâche est dévolue au Poing Coltaine et ses wickiens, avec les gars de la 7° Armée. S'ensuit une épopée d'une intensité folle qui atteint un sommet remarquable et inoubliable à la fin du roman. Je ne vous cache pas que c'est rugueux, sans concession pour les âmes sensibles. Il y a de la tripe, des morts et la guerre ne revêt aucun atours romantique. C'est parfois dur à lire, vous pleurerez lors de ce crescendo émotionnel, partition de bravoure et de sacrifice. Ah! Coltaine, tu as brisé mon coeur!

Quel voyage!!!

Un beau pavé avec une illustration de Simonetti. Quelques coquilles parsèment l'ensemble, rien de grave cependant (la/le inversé, un w qui traîne tout seul). La traduction est perfectible. Il y a des phrases que j'ai du relire car, elles sont mal tournées, et un nombre incalculable de « yep« .

Quant à la question de « garenne » pour « warren », le choix me semble adéquat, surtout quand même Erikson parle de lapins et de rats en référence à ce « passage » magique.

Nonobstant, cette légère réserve, La Porte de la Maison des Morts est un incontournable de la Fantasy. Plus profond, plus travaillé que Games of Thorne, il offre une richesse, une créativité, une mythologie rarement atteinte, sauf peut-être par Tolkien. A LIRE!

critique bien plus complète sur mon blog
Lien : https://albdoblog.com/2019/0..
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Quel plaisir de continuer la chronique de cette grande saga que j'ai découverte cette année. le livre des Martyrs ou Malazan Book of the Fallen dans son titre original, est une décalogie écrite par Steven Erikson. Depuis 2018, Leha s'est lancé dans l'édition et la traduction de cette oeuvre après deux échecs de publication chez buchet Chastel et Calmann Levy, ce dernier avait d'ailleurs découpé le livre que je vais chroniquer aujourd'hui en deux parties. C'était un choix d'édition qui ne me paraît pas judicieux avec le recul tant cette histoire mérite d'être racontée en un seul tome. Pour ceux qui n'auraient pas entendu parler de la série, je vous renvoie à mon premier article sur le tome 1 Les jardins de la Lune. Cette fois-ci nous quittons le continent de Genabackis et laissons les personnages que nous connaissons bien, exceptés quelques-uns, pour rejoindre le continent de Sept-Cités où couve une rébellion.

Au départ, ce tome devait être le troisième mais il se trouve que Steven Erikson perdit la carte mémoire avec les 350 premières pages de Les souvenirs de la Glace suite directe des jardins de la Lune, qui devait être le deuxième tome de la saga. Il choisit donc d'abandonner ce projet et de se consacrer à la rédaction du tome suivant qui finalement deviendra le 2e : Les Portes de la Maison des Morts. Et quel choix judicieux dans la conception de la saga, car croiser les trames scénaristiques de son histoire aussi tôt dans la globalité de son récit crée une intensité émotionnelle qu'il n'aurait peut-être pas atteinte si Les souvenirs de la Glaces avait été le deuxième tome.
La structure du récit est peut-être plus facile à suivre que dans le premier tome. le style est assez différent du premier roman, peut-être est-ce dû à la traduction assurée cette fois par Nicolas Merrien, mais plus probablement parce que celui-ci a été écrit 8 ans après le premier et que le style de l'auteur a évolué. Nous allons suivre une fois de plus plusieurs groupes de personnages, amenés parfois à se retrouver en fin de volume. Je n'en ai pas parlé dans la chronique précédente mais les romans se découpent en plusieurs parties (Livre). Chacune va se centrer sur des événements bien précis.
Nous quittons donc Genabackis le continent du premier tome pour nous rendre en Sept-Cités, un continent sous l'emprise malazéenne dont nous avons entendu parler dans le premier tome. La rébellion gronde. Nouveaux décors, nouveaux personnages, nouveaux dramas, Steven Erikson nous régale comme toujours avec ses poèmes en début de chapitres qui, d'après la dernière interview que j'ai écouté, sont écrit avant le chapitre, une manière pour lui de placer le thème de ce dernier, et de se remémorer le but qu'il se fixe dans celui-ci. Car il le dit lui-même, il n'écrit aucune phrase au hasard. Chaque mot, chaque élément, est réfléchi. Et pour ceux qui pensent qu'il cherche une nouvelle idée à chaque nouveau tome et bien non, nous ne sommes pas comme dans certaines séries que l'on rallongent artificiellement pour le bénéfice financier à réaliser. On sent bien que le premier roman n'était finalement qu'une entrée en matière, la partie visible de l'iceberg, et, bien que chaque livre se suffise à lui-même, c'est à dire qu'ils ont chacun leur trame principale et leur dénouement, l'auteur nous incite à vouloir en savoir plus sur son univers. Quelles sont donc ces races fondatrices ? qu'ont-elles fait ? Qui sont les Ascendants ? et les Dieux d'où viennent-ils ? Les Ascendants et les Dieux sont-ils identiques ? Pourquoi Ombretrône et La Corde dans le tome précédent souhaitaient la mort de l'Impératrice? Autant de question qui vont trouver en partie réponse dans ce nouveau livre, bien sûr pas toutes, sinon ce serait trop facile et on le sait Steven Erikson déteste la facilité.
Nous allons donc suivre de nouveaux héros, comme Mapo et Icarium qui arpentent le monde depuis très longtemps. On sent qu'ils sont source de savoirs et en même temps, paradoxe incroyable, Icarium ne possède plus aucun souvenir de son passé. D'autres également comme Félisine la jeune soeur de Ganoes Paran, rencontré dans le premier tome, qui va malheureusement subir les conséquences de la politique malazéenne alors que Tavore sa soeur ainée vient de devenir l'adjointe de l'Impératrice. Félisine m'a personnellement tapé sur les nerfs les 3/4 du roman, mais je pense que c'est voulu par l'auteur. L'histoire de la jeune Paran prend de l'importance au fil des pages, et une chose est sûre, Erikson est sans complaisance avec ses personnages, encore moins pour ses lecteurs. A l'instar d'un GRR Martin, il n'hésite pas à prendre le contre-pied de ce que nous pensons être la suite logique. Cela est le cas avec cette partie du récit mais le sera d'autant plus avec le plus gros morceau de l'histoire de ce tome, j'y reviendrai plus tard.

Au crédit des personnages déjà connus, nous retrouvons Violain, Kalam, Crokus et Apsalar, seuls personnages issus du tome 1. Les anciens Brûleurs de Ponts ont décidé de ramener Apsalar, anciennement Mes Regrets, chez elle en Ikto Kan, Violain et Kalam, profitant juste du prétexte pour avoir une explication avec l'impératrice sur les événements qui se sont produits en Genabackis. Un vrai plaisir de retrouver l'assassin ancien membre de la Griffe, plus mortel et perspicace que jamais. Nous découvrons un peu plus Violain dans ce tome, alors que nous l'avions à peine croisé dans le premier, et il s'avère être un soldat plutôt astucieux. Seul Crokus au milieu de tout cela m'a paru un peu inutile, en amoureux transi. Mais avec Erikson toujours se méfier de ce que peuvent devenir les personnages…

Oh, Coltaine…

Evidemment à ce stade d'exposition on se demande bien comment l'auteur va réussir à nouer toutes ces ficelles, et comme si cela ne suffisait pas, il choisit de faire éclater la rébellion (grâce à un petit coup de pouce du destin) au beau milieu des vacances en Sept-Cités de nos Brûleurs de Ponts. Au coeur d'une ambiance arabisante que Prince of Persia n'aurait pas renié, Steven Erikson choisi alors de mettre en place le drame le plus puissant que je n'ai jamais lu : La Chaîne des Chiens de Coltaine et sa 7e Armée. Oh… Mon Dieu… Que dire sans vous spoiler? Tout d'abord que Calmann Levy lors de sa publication avait fait une sacrée erreur de séparer cette trame scénaristique du reste, car je pense que relié ainsi à l'histoire complète, l'émotion n'en est que plus grande. Un grand merci aux Editions Leha qui encore une fois fait les bons choix éditoriaux afin de respecter la qualité initiale du livre. La rébellion a poussé des milliers de réfugiés fidèles à l'Empire sur les routes et Coltaine le poing de la 7e Armée, doit effectuer une retraite de plusieurs centaines de kilomètre à travers le désert escortant les civiles. Voilà le pitch pourrait-on dire, or cela parait dès le début désespéré tant la distance à parcourir et la masse concernée sont grandes. Et pourtant chaque page qui passe, l'espoir s'allume, un espoir de fou que nous vivont au travers des yeux de l'historien impérial Duiker, membres du cortège, la mort est partout, les héros aussi, les légendes s'écrivent. Chaque chapitre qui passe loin de Coltaine et de sa Chaîne des Chiens, nous interroge, nous pousse en avant. Un récit d'une poignante émotion. le plan humain, comme l'aspect militaire, sont magnifiquement traités, la justesse des descriptions et des événements qui composent cette histoire sont tous simplement incroyables, jusqu'à la dernière ligne du livre. Je dois l'avouer, pour la première fois depuis une éternité, j'ai pleuré sur mon livre lors du dénouement et mon coeur sera à jamais au milieu de ces dernières pages du livre, avec la 7e Armée.

Le reste du livre est également d'une grande qualité et les révélations sont nombreuses, de celles qui vous laissent les yeux grands ouverts, la bouche en forme de O, et qui vous obligent à relire plusieurs fois le passage pour être sûr que vous ne rêvez pas. L'univers se met en place, toujours aussi lentement mais de façon implacable, l'auteur ne facilite toujours pas le travail, mais donne quelques pièces supplémentaires du puzzle. Et qu'il est gratifiant pour le lecteur de tenter de les assembler et parfois d'y parvenir, dévoilant un peu plus le délicat canevas tissé avec précision qui nous sert de toile de fond. Chaque révélation entraîne invariablement d'autres interrogations, mais n'est-ce pas ce que nous souhaitons quand nous lisons ? Nous questionner et tenter d'y apporter des réponses? Et en terme de réflexion, notamment d'ordre philosophique, Erikson n'est pas en reste. Son récit, bien qu'étant un monde de fiction est un excellent reflet de la complexité humaine, vu sous différentes facettes. Ici pas de noir ou de blanc, pas de bien ou mal, juste des personnages qui suivent leurs morales, leurs motivations, ou du moins qui essayent, pris dans un tourbillon de sable jaune aveuglant qui peut ressembler au destin…
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Les Portes de la Maison des Morts est un livre que j'ai trouvé sublime ! le genre de texte qui parvient à susciter bon nombre d'images, d'émotions et réflexions qui restent longtemps en mémoire.

L'arc Coltaine/Duiker/Chaîne des chiens, narrant le voyage désespérée d'une caravane de réfugiés malazéens pris au piège au milieu d'un soulèvement contre l'empire Malazéen, est tout simplement incroyable. le talent de conteur d'Erikson sur ces chapitres m'a clairement impressionné. Il arrive à nous faire ressentir la folie, l'horreur et le chaos du champ de bataille et de cette interminable fuite, comme si nous étions au coude à coude avec ses protagonistes.
C'est beau et terrible à la fois. D'autant plus que l'on assiste à la destruction mentale des personnages au fur et à mesure de leur avancée. le personnage de Duiker étant vraiment très touchant, . Quand à Coltaine, Erikson parvient à en faire un personnage légendaire et inoubliable.

Le reste du livre ne démérite pas pour autant. L'amitié tragique de Mappo et Icarium offre de très beaux moments.
Le chemin de croix de Félisine est en définitive assez surprenant, tout comme l'écriture de ce personnage et de ses compagnons.
Je trouve d'ailleurs qu'Erikson arrive vraiment à dépeindre des personnages très intéressants, toujours en multiples nuances, bourrés de contradictions qui les rendent très humains et toujours plus complexes qu'ils ne le semblent (Baudin est un bel exemple de ça, ).
Enfin Kalam et Violain, les deux brûleurs de pont déjà présent dans la tome 1, sont toujours aussi bons. Tout particulièrement Violain qui gagne pas mal en profondeur.

De plus, non content d'avoir une histoire et des personnages captivants, le livre parvient en plus à susciter des réflexions passionnantes que ce soit sur les civilisations, la place et l'impact des individus en leur sein, l'insignifiance des hommes face à l'immensité du temps, leur propension à la cruauté, la complexité de l'histoire opposée à la vision caricaturale et simpliste que nous pouvons en avoir , la façon dont un homme peut devenir mythe et infuser son peuple , etc, et cela en utilisant souvent les artifices de la fantasy comme métaphore, plutôt qu'en énonçant platement les choses.

Pour le moment, je trouve que ce cycle réussit parfaitement à croiser une dark fantasy plus crue et « réaliste » (même si je n'aime pas ce mot) avec une fantasy complètement décomplexée en terme de merveilleux, de magie, de situations et de personnages tout en démesure. Ce qui rend le tout souvent surprenant et rafraichissant.

Cela reste cependant une lecture relativement exigeante et, surtout, qui ne fait aucun effort pour rattraper le lecteur qui aurait du mal.

Personnellement, je trouve que c'est un parti pris hyper ludique. le livre nous oblige à être un lecteur actif, d'être attentif et d'essayer de comprendre cet univers par nous même, de faire les liens et donc de participer à sa construction, ce qui le rend encore plus tangible (et quel univers !). La lecture devient un voyage fait de souvenirs car l'on a exploré le livre et son monde au fur et à mesure, sans avoir toutes les clés dès le départ.

Je comprends tout à fait que ça ne plaise pas à tout le monde mais, à mon sens, quand c'est bien fait et que l'on y est réceptif, cela enrichi l'expérience de lecture de bien des façons.

Pour moi c'est bien simple, les deux premiers tomes du Livre des Martyrs font non seulement partie de mes meilleures lectures de 2018, mais également des meilleurs livres de high fantasy que j'ai pu lire (jusqu'à présent) ! C'est peu dire que j'ai pris une claque magistrale doublée d'un plaisir de lecture constant.
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critiques presse (2)
SciFiUniverse
10 décembre 2018
Les secrets du monde et sa magie se dévoilent progressivement. Les intrigues politiques se mêlent aux stratégies guerrières et aux quêtes personnelles. Le style reste grandiose voire parfois grandiloquent et les personnages complexes. Un must have de la fantasy !
Lire la critique sur le site : SciFiUniverse
Elbakin.net
19 novembre 2018
Un livre très riche avec une écriture recherchée qui a instantanément constitué un coup de cœur au sein de mes lectures comme l’avait fait la Roue du temps de Robert Jordan en son temps. A recommander sans réserve aux amateurs de High Fantasy mais aussi à tous ceux qui aiment les scénarios complexes aux multiples retournements de situation et aux personnages forts et attachants.
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
Citations et extraits (33) Voir plus Ajouter une citation
Je ne reprendrai jamais ma Liste des Morts aux Champs d’Honneur, car je sais désormais qu’un soldat anonyme est une bénédiction. Le soldat dont l’identité est connue - mort, de la cire fondue - exige une réponse des vivants… une réponse que nul ne peut fournir. Les noms ne nous sont d’aucun réconfort, ils sont un appel à parer ce qui est imparable. Pourquoi est-elle morte et pas lui ? Pourquoi les survivants demeurent-ils privés de nom, comme maudits, alors que les morts se voient révérés ? Pourquoi faut-il que nous nous accrochions à ce que nous avons perdu tandis que nous ignorons ce que nous possédons encore ? Nous ne devons pas nommer ceux qui tombent au combat, car ils se tiennent à notre place et y restent jusqu’à la fin de nos jours. Que ma mort ne charrie nulle gloire, que l’on me laisse mourir dans l’oubli et l’anonymat. Qu’on ne dise pas de moi que j’étais parmi les morts afin d’en accuser les vivants. 
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— Une petite faim ? Yep.
— Serviteur va nous préparer à manger.
— Peut-il me servir dans la bibliothèque ?
Le Grand Prêtre fronça les sourcils.
— L’étiquette choit. Mais si tu insistes.
Le Trell se remit debout.
— Où est la bibliothèque ?
— Tourne à droite, avance de trente-quatre pas, tourne encore à droite, douze pas, puis la porte de droite, trente-cinq pas, encore onze pas sous l’arche à droite, tourne une dernière fois à droite, quinze pas, puis c’est la porte de droite.
Mappo dévisagea Iskaral Pust.
Le Grand Prêtre gigota nerveusement.
— Ou bien, fit le Trell les yeux plissés, je tourne à gauche et je fais dix-neuf pas.
— Yep, marmotta Iskaral.
Mappo se dirigea d’un pas vif vers la porte.
— Je prendrai donc le chemin le plus court.
— S’il le faut, grommela le Grand Prêtre tout en se ployant afin d’examiner l’extrémité hirsute de son balai.

La faillite de l’étiquette apparut de façon manifeste lorsque Mappo entra dans la bibliothèque et qu’il constata que la petite pièce tenait également lieu de cuisine. Icarium était assis à une robuste table noire située à quelques pas du Trell sur sa droite, tandis que Serviteur était penché sur un chaudron suspendu par une chaîne au-dessus de feu à un pas sur la gauche de Mappo. La tête du compagnon d’Iskaral Pust était presque invisible, perdue au milieu d’un nuage de vapeur, trempée d’une condensation qui dégoulinait dans la marmite tandis qu’il effectuait de grands cercles bouillonnants à l’aide d’une louche en bois.
— Je crois que je me passerai de soupe, observa Mappo.
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Dès le début de ce second tome, l'ambiance est terrible :
"La brutalité excessive des arrestations de minuit – les portes abattues, les familles tirées de leur lit au milieu des serviteurs gémissants – constituait la première strate de choc. Sonnés par la privation de sommeil, les nobles avaient été ligotés et mis aux fers, forcés de se tenir devant un magistrat ivre et un jury de mendiants que l’on avait fait quérir dans la rue. C’était cette acerbe et évidente parodie de justice qui avait annihilé les derniers espoirs de conduite courtoise, qui avait annihilé la civilisation elle-même, ne laissant place qu’au chaos de la sauvagerie." (...) Des individus pour la plupart vêtus de tenues de nuit, immondes de crasse après avoir séjourné dans les fosses, dépouillés de l’armure sociale même que représentaient leurs habits habituels. Des chevelures ébouriffées, des expressions hébétées, des postures brisées… tout ce que la foule massée autour du rond-point se languissait de voir, de lacérer à mains nues…" (...) " Les gardes ouvrirent la porte est deux cents pas plus loin, là où était arrivée la tête de la ligne de chaînes. Un rugissement déferla par cet ancien passage surmonté d’une voûte, une vague sonore qui secoua soldats comme prisonniers, rebondissant sur les hautes murailles et provoquant un brusque envol de pigeons qui, terrifiés, avaient abandonné les avant-toits les plus haut situés. Le son de leurs ailes prises de panique se déploya lentement, telle une salve d’applaudissements polis (...)"
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Kulp avait l’impression d’être prisonnier dans une vaste chambre surpeuplée d’ogres, tel un rat que des ombres auraient mis en cage et sur le point de se faire écraser sous quelque gigantesque pied. Jamais auparavant la Garenne de Meanas ne s’était révélée aussi… périlleuse à explorer.
Il y avait des étrangers, des intrus, des forces si inamicales envers ce domaine que l’atmosphère elle-même semblait se brider. L’essence du Mage, ayant réussi à se faufiler entre les fils de la trame, se réduisait à une créature contrainte de se tapir, de s’accroupir. Là-dessus, il n’avait été capable de sentir qu’une série d’incursions horrifiantes, quelques sillages en mouvement marquant les chemins que les importuns avaient empruntés. Ses sens lui hurlaient que, pour le moment tout du moins, il était seul, et que le panorama brunâtre qui s’offrait à son regard était dépourvu du moindre signe de vie.
Et cependant, il tremblait de terreur.
Dans son esprit, il tendit une main spectrale derrière lui et put se rassurer en touchant l’endroit où son corps était resté, la masse liquide de son sang s’écoulant par soubresauts dans ses veines telle de la neige fondue, le poids ferme de sa chair et de ses os. Il était assis en tailleur dans la cabine du capitaine de la Silanda, observé du coin de l’œil par un Héboric circonspect et inquiet tandis que les autres patientaient sur le pont, le regard sans cesse rivé à cet horizon intact, implacablement plat qui s’étendait à perte de vue.
Ils devaient trouver un moyen de sortir de là. L’Ancienne Garenne dans laquelle ils avaient atterri avait été inondée et se résumait à une mer aux eaux épaisses et peu profondes. Les rameurs pouvaient bien faire avancer la Silanda pendant mille ans, jusqu’à ce que le bois se mette à pourrir entre leurs mains, que les manches se brisent, jusqu’à ce que le navire commence à se désintégrer autour d’eux, le tambour ne cesserait jamais de battre ni les échines de fléchir. Et nous serons morts depuis longtemps à ce moment-là, rien de plus que de la poussière moisie. Pour s’échapper de cet endroit, ils devaient trouver un moyen de changer de Garenne.
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La tache grise était un essaim de mouches-tiques. Les insectes voraces attendaient qu’une tempête comme celle-ci se lève, puis bravaient le vent en quête d’une proie. Le pire, c’est qu’il n’était pas possible de les voir de face ; on ne pouvait les apercevoir qu’en les abordant par le côté.
Lorsque l’essaim les eut dépassés, la tempête s’abattit sur eux.
L’étalon chancela au moment où le mur roula sur lui. Le monde disparut au sein d’un voile fauve qui ne cessait de tourbillonner et de hurler. Ils furent bombardés de cailloux et de graviers qui faisaient tressaillir l’étalon et grogner de douleur Kalam. L’assassin encapuchonné baissa la tête sous les assauts du vent. À travers les fentes de son chèche-telaba, il regarda devant lui, les yeux plissés, puis, d’un petit coup de rênes, ordonna à sa monture de se mettre au pas.
Il s’llongea sur le cou de l’animal, tendit le bras et pressa sa main gantée sur l’œil gauche de l’étalon afin de le protéger des pierres volantes. L’assassin lui devait bien ça.
Ils poursuivirent leur route pendant encore dix minutes sans rien voir à travers le manteau de sable en mouvement. Des grincements et des craquements se faisaient entendre sous eux. Kalam baissa les yeux. Des os, de toutes parts. La tempête avait mis à nu un cimetière, ce qui arrivait assez fréquemment. L’assassin reprit le contrôle de sa monture, puis tenta de percer la pénombre ocre. Le débarcadère de Ladro ne devait plus être très loin, mais il ne voyait toujours rien. Il fit avancer doucement son cheval, l’animal évitant gracieusement les amas d’ossements.
La route côtière lui apparut, droit devant, ainsi que les guérites qui flanquaient ce qui lui semblait être un pont. Le village devait se trouver à sa droite – si cette maudite tempête ne n’a pas emporté. Une fois passé le pont, il tomberait sur le donjon de Ladro.
Les guérites, construites chacune pour accueillir un seul garde, étaient aussi vides que béantes, telles les orbites creuses d’un gigantesque crâne.
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Vidéo de Steven Erikson
Le livre des martyrs de Steven Erikson, trad. Emmanuel Chastellière, chez Editions Leha https://editions-leha.com/catalogue-details/martyrs-t1-les-jardins-de-la-lune/ plus d'informations : https://www.actualitte.com/article/livres/epique-ambitieux-eclatant-ainsi-s-ouvre-le-livre-des-martyrs/88929
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