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Janine Matillon (Traducteur)
EAN : 9782226179661
336 pages
Albin Michel (20/08/2008)
3.63/5   35 notes
Résumé :
Le ministère de la douleur est un club bien connu à Amsterdam. Pour survivre, nombre de jeunes étudiants, exilés de l'ancienne Yougoslavie, confectionnent à son intention, comme à celle d'autres établissements fétichistes, toutes sortes d'articles à usage érotique. Ils ont tout perdu, leur maison, leur langue, leur pays. Tout sauf le souvenir torturé de la guerre et de la destruction. C'est précisément pour exorciser leurs fantômes que Tania Lusic, une jeune profess... >Voir plus
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J'ai lu ce roman pour notre Tour du Monde par les livres sur le forum Nota Bene. Cette année, les deux pays au programme sont le Danemark et la Croatie. Trouver de la littérature croate relève du sacerdoce ! Alors lorsque j'ai vu celui-ci, je me suis dit que cela pourrait être sympathique, d'autant plus que la fin de la quatrième de couverture me le laissait espérer :
"Ce nouveau roman de Dubravka Ugresic, écrivain croate dont l'oeuvre est désormais traduite en plus de trente langues, a été unanimement salué à l'étranger pour sa puissance et sa subtilité. Pour cet humour noir aussi, qu'elle distille avec tant d'ironie tout au long d'un voyage aux enfers marqué par la douleur de la perte, l'isolement et la solitude auxquels on ne saurait échapper."

Pourtant, je me suis profondément ennuyée et, pour tout dire, je l'ai même abandonné après m'être forcée à le lire jusqu'à la moitié. Peut-être parce que trop de politique tue la politique. Tous les bouquins croates que j'ai lus y font référence. Cela peut se comprendre - leur Histoire est loin d'être facile - mais attention à l'excès ! Je dois également être honnête en disant que le style ne m'a pas emportée. J'attendais plus, j'attendais mieux...

Bref, je suis certainement passée à côté. Tant pis. Ce sera pour une prochaine fois.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Le ministère de la douleur est un roman de l'écrivain croate Dubravka Ugresic, contrainte à l'exil en 1993 pour ses prises de position antinationalistes.

Le roman, écrit à la première personne du singulier, semble à tout point autobiographique : la narratrice est une jeune femme en exil à Berlin, puis à Amsterdam où on lui offre un poste de professeur de langue slave, et plus précisément de...de quelle langue effectivement ? de serbo-croate ? de serbe ? de croate ? de bosniaque ? Des trois séparément ?
Peu motivée à enseigner dans les règles à ses étudiants, tous issus de l'ancienne Yougoslavie et dont la seule préoccupation est d'obtenir des papiers néerlandais, la professeur leur propose une sorte de programme leur permettant de questionner leur identité et leur mémoire de la guerre qui sévit, sans se douter qu'elle-même est loin d'être en l'état pour supporter ce face à face avec son propre passé.

Les thèmes évoqués par l'auteur sont variés : une grande place est laissée à la langue et à son rapport avec l'identité ; on ressent la difficulté de la narratrice à jongler entre sa propre langue aux déclinaisons multiples et l'anglais et le néerlandais. Cette question de la langue est également intimement liée à la littérature serbo-croate, commune à des peuples qui se déchirent au nom d'une identité différente.

Sans grande surprise, le thème de l'exil est également présent, avec un face à face constant entre le "nous" et le "eux", les compatriotes facilement identifiables et les Néerlandais hypocrites, les exilés et ceux qui sont restés sur place, la mafia qui étend ses réseaux et les criminels de guerre qui courent toujours. On est surpris par le regard très dur porté par la narratrice à la fois sur ses compatriotes demeurés sur place et qui semblent anesthésiés, mais aussi sur les fonctionnaires des ONG, heureux d'avoir enfin un nouveau terrain de jeu fait d'horreurs et d'atrocités à documenter.

Enfin, le traumatisme de la guerre et de la cruauté humaine ne laisse aucun des personnages indemnes ; tous semblent friser la limite de la rupture, et leurs tentatives pour faire leur deuil demeurent vaines, pas vraiment aidées par la proximité du tribunal pénal international de la Haye, si proche.

Si ces trois thèmes sous-jacents sont réellement intéressants pour mieux comprendre une guerre à la fois si proche et si lointaine, la trame narrative de la descente aux enfers de la narratrice et ses circonvolutions incessantes noient le lecteur auquel n'échappe pas les contradictions agaçantes de cette dernière ; le roman prend également un tour curieux dans sa dernière partie, et le face à face entre la narratrice et son élève favori suinte une atmosphère malsaine qui rend difficilement concevable la chute...On s'empresse donc de refermer ce ministère de la douleur insoutenable.
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Que deviennent les réfugiés d'un pays qui n'existe plus ? Peuvent-ils recommencer une vie à l'endroit qui les a accueillis ?
Dubravka Ugresic nous propose un roman magistral, de son regard incisif et mélancolique, à travers le portrait d'une enseignante, Tanja, invitée à l'université d'Amsterdam au département de langues Slaves. Un personnage remarquable, le trait d'union entre le monde disparu, La Yougoslavie, et ses étudiants qui ont fui, comme elle, la guerre. Un regard sans concessions sur cette "Yougoslavie" qui empoisonne les relations entre tous ces personnages.
Un roman brillant sur la littérature slave, balkanique, d'Europe orientale, mais aussi sur la linguistique, arme politique par excellence et composante essentielle de l'identité nationale.
Tanja pourra-t-elle conduire son cours de littérature slave dans une classe composée des nationalités de toute l'ex-yougoslavie alors que ce pays s'entre-déchire encore et que l'on juge à La Haye les criminels de cette guerre fratricide ?
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Dubravka Ugresic écrit ce que c'est que de venir d'un pays disloqué par la guerre, où l'on ne dit pas "dormir comme un enfant" mais "comme un égorgé".
Ce que c'est que de venir de la violence, du coeur de la violence européenne.
Porter cela, cette histoire, ces stigmates, ces souvenirs défaillants, cette incertitude posée sur le passé (est-ce que tout cela a vraiment existé ?), jusqu'aux Pays-Bas. Et donner cours dans cette langue-là, le serbo-croate.
De chapitre en chapitre, les masques de la résilience tombent les uns après les autres, et l'autrice nous laisse voir son personnage au plus nu, au plus défait d'elle-même, au plus douloureux.
Et cette douleur est une haine, mais aussi une jouissance.
C'est sans doute ce qu'il y a de plus troublant dans ce roman, qui évite tout le temps les effets larmoyants, la lourdeur, l'auto-apitoiement, alors même qu'il plonge dans le mal - celui de son héroïne, celui de l'Histoire, celui du quotidien.
Le récit est articulé au fil d'une saison d'enseignement en université : le premier semestre, les vacances, le deuxième semestre, et la fin de l'année. Ugresic orchestre tout selon le rythme de l'institution universitaire, à laquelle l'héroïne se raccroche pour survivre : seule raison pour elle de quitter l'homme avec qui elle vivait et qui ne l'aime plus, de déménager aux Pays-Bas, de parler du passé, de la guerre, de la Yougoslavie, d'habiter une chambre minuscule en sous-sol, de lire de la littérature serbo-croate, et d'éprouver de la compassion pour ses semblables, ses étudiants qui comme elle sont des exilés, et qui portent tous "cette gifle invisible incrustée sur leur visage" ; et donc de la compassion pour elle-même, peut-être, enfin.
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Aujourd'hui, nous partons à Amsterdam dans les années 1990 à la rencontre de Tanja, narratrice de ce roman, originaire d'ex-Yougoslavie, professeure de langues slaves. Avec son mari Goran, elle a fui la guerre ayant déchiré son pays, est arrivée en Allemagne où ils se sont séparés, Goran ayant la possibilité d'aller enseigner au Japon, Tanja refusant de partir. Dans la capitale néerlandaise, Tanja enseigne à sa manière sa langue, désormais scindée en de nouvelles langues qui se ressemblent beaucoup. Ses élèves, pour la plupart arrivés également de ce pays éclaté, sont, comme elle, traumatisés par ce qu'ils ont vécu, et elle tente dès lors de travailler avec eux sur les souvenirs…

C'est un roman sombre, à l'ambiance lourde et pesante, que j'ai terminé là, qui parle d'exilés, qui pour la plupart n'ont pas encore atteint la résilience. Ces personnages, qui ne se sentent plus de là-bas lorsqu'ils y retournent, comme le fait Tanja lorsqu'elle va rendre visite à sa mère, mais pas Néerlandais non plus… ces personnages semblent partir, chacun à sa manière, à la dérive. Certains s'enfoncent dans un cynisme profond, d'autres semblent vouloir reproduire à l'extérieur les déchirures vécues au pays, les ressentis sont anesthésiés, ou l'existence, lorsqu'il s'avère insupportable d'avoir un père qui passe devant le TPI…

La fin elle-même est sombre, Dubravka Ugresic digressant pendant un chapitre sur le peuple de l'est, d'une plume belle et désabusée, désespérée, même, parfois. Les traumatismes vécus, s'ils ne sont pas spécialement nommés, imprègnent chaque page de sang et de noirceur. Tanja et ses compatriotes sont en perte de repères, et nous assistons, sans possibilité d'intervenir, aux choix qu'ils posent pour survivre.

Ce roman résonne de manière très particulière alors que la guerre, à nouveau, fait des ravages près de chez nous… et que ce sont désormais d'autres réfugiés qui doivent vivre ce que Dubravka Ugresic, elle-même professeur de littérature, et qui vit également aux Pays-Bas depuis 1993, écrit si bien. Je ne dirais pas qu'il s'agit d'un coup de coeur, mais d'un coup au coeur, parce que là où le quotidien nous sert à ne pas trop penser à ce qui se déroule actuellement pas très loin, l'auteure nous remet face à l'horreur de la guerre et à ses conséquences pour les humains qui la subissent.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Charles Bukowski, lui aussi, était au rendez-vous : de par son caractère rebelle, il leur en imposait, comme à tant d'autres générations. A leurs yeux, Bokowski était un type "cool", c'était une "pointure", un "mec canon", le représentant de la "vraie" littérature, la littérature qui a "des couilles".
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Nous sommes des barbares. Nous n'avons pas d'écriture, nous laissons notre signature dans le vent. Nous émettons des sons. Nous signons d'un cri, d'un bruit, d'un hurlement ou d'un crachat. C'est ainsi que nous marquons notre territoire. Nos doigts jouent du tambour sur tout ce qu'ils trouvent, les poubelles, les vitres, les tuyaux, le son du tambour proclame notre existence. Nous faisons du vacarme, notre vacarme est douloureux comme un mal de dent. Nous faisons les pleureuses pour les noces et les enterrements, et alors, les voix hululantes de nos femmes explosent en rafales sur les façades de béton. Nous cassons les vitres, l'explosion est notre affaire, les pétards sont notre distraction favorite. Le son est notre écriture, le bruit que nous produisons est la preuve unique de notre existence, les explosions la seule trace que nous laissons derrière nous. Nous sommes comme des chiens, nous aboyons, nous lançons nos aboiements vers le ciel bas et gris qui pèse sur nos crânes.
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La langue était notre traumatisme commun, mais il se manifestait parfois sous une forme tout à fait pervertie. J'avais été bouleversée par le cas de cette jeune Bosniaque qui avait, dit-on, appris par cœur l'histoire de son propre viol et la répétait chaque fois qu'on la lui demandait. Lorsque ces viols de guerre s'étaient retrouvés sous le feu des projecteurs, il s'était avéré qu'elle était la seule capable d'en faire un récit cohérent. Très vite, elle avait donc été assaillie par les journalistes étrangers et les organisations féministes. Les féministes américaines l'avaient même invitée aux Etats-Unis. Là, elle allait de localité en localité, en dévidant la bande de son humiliation. De surcroît, on raconte qu'elle l'avait également apprise en anglais. Elle répétait son histoire, maintenant doublement aliénée de son contenu, telle une pleureuse qu'on engage dans les villages pour égrener les mérites d'un défunt. En contant son histoire affreuse, elle émoussait sa douleur.
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J’observais les voyageurs, j’écoutais ce qu’ils disaient, même si je ne comprenais pas la langue, je flairais leurs odeurs, je laissais mon regard glisser sur leur visage comme sur un écran d’ordinateur et j’engrangeai dans ma mémoire des détails, oui, surtout des détails. Des images saisies par hasard me hantaient, plus ou moins longtemps. J’avais souvent l’impression que ce n’était pas moi qui leur avais ouvert la porte, mais quelqu’un d’autre.
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En nos langues, on égorgeait, on humiliait, on tuait, on violait et on expulsait. C'étaient des langues qui étaient entrées en guerre parce qu'elles se considéraient comme incompatibles, peut-être justement parce qu'elles étaient indissociables.
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Video de Dubravka Ugresic (1) Voir plusAjouter une vidéo

[Dubravka Ugresic : Le ministère de la douleur]
Dans les locaux de la Fondation Deutsch de la Meurthe à la Cité Universitaire Internationale de Paris, Olivier BARROT présente le roman de Dubravka UGRESIC "Le ministère de la douleur". Dans ce livre, l'écrivain croate traite de la question de l'exil et du rapport à la langue maternelle dans un pays étranger.
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