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René de Ceccatty (Préfacier, etc.)
EAN : 9782234052208
422 pages
Stock (08/03/2000)
4/5   16 notes
Résumé :
4° de couverture :
(Edition source : Presse de la Renaissance - 06/1988)


Elisabeth Gille avait cinq ans lorsque sa mère, la romancière Irène Nemirovky, fut déportée à Auschwitz. Aujourd'hui, elle s'assied à la table d'Irène, et prend la parole en son nom pour en finir avec l'absence, pour que resurgissent les mots, les bruits et les odeurs d'un passé dont elle ignore presque tout. Ainsi transforme-t-elle, en ces "mémoires rêvées", les c... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique

Préface de René de Ceccaty


« Élisabeth Gille attendit d'avoir dépassé cinquante ans pour se mesurer à sa mère. Consacrant son premier livre à la biographie d'Irène Némirovsky et le rédigeant à la première personne, elle montrait, sans détour, que ce qui, jusque-là, avait arrêté sa carrière d'écrivain était bien le sujet central et cette situation difficile : être la fille d'un écrivain. Mais de pas n'importe lequel : d'un écrivain fauché par la haine raciale au faîte de sa gloire.
Il fallait donc aussi pour Élisabeth décider d'affronter le problème de la Shoah. Et il lui fallait enfin accepter l'idée d'avoir survécu à sa mère, mais également d'avoir dépassé l'âge auquel Irène Némirovsky était morte, trente neuf ans ».

Début de l'excellente préface de René de Ceccaty qui me rappelle « le Premier Homme » de Camus où Jacques Cormery, quarante ans, prend conscience, sur la tombe de son père, que ce dernier était plus jeune que lui au moment de sa mort. La filiation n'est pas un lien anodin, elle se transmute selon la vision de l'héritier et pose la question de l'identité. Elle peut devenir un poids comme elle peut devenir un défi à dépasser.

Les injonctions intimidantes transcendées, je peux dire que c'est une réussite. J'ai pris un immense plaisir à la lecture de cette biographie « par procuration ». J'écris par procuration du fait qu'Élisabeth emploie le « je » pour retracer l'histoire d'Irène Némirovsky dont elle trace un portrait plus tendre que ne l'était sa mère dans ses écrits. le sous-titre « mémoires rêvés » est explicite. C'est très bien écrit, l'écriture est fluide, le regard glisse sur les lignes, les mots sont clairs et justes, rien ne vient heurter la lecture.

Élisabeth retrace la vie d'Irène depuis sa plus tendre enfance à Kiev et Odessa. Née dans une famille fortunée de banquiers juifs russes totalement assimilés, athées, allant parfois jusqu'à participer aux fêtes chrétiennes par pure tradition russe, Irène a vécu dans un monde de luxe, entourée d'un père aimant et d'une mère défaillante et détestable.

L'auteure nous immerge dans cette Russie du début du XXème siècle. Pour celles et ceux dont les origines sont issues de ces deux villes, c'est un plongeon dans l'ambiance de cette époque avec les conditions de vie imposées aux juifs russes. IL y a les nantis, éduqués, intégrés mais soumis néanmoins à des interdits et les pauvres hères, miséreux, totalement paralysés par le religieux et son dogmatisme, dont la vue effraie Irène. Deux mondes qui n'ont rien en commun si ce n'est qu'ils sont issus du même peuple. Viennent ensuite les évènements liés à la Révolution, les pogromes, toute une succession de bouleversements qui vont entraîner le départ de la famille Némirovsky et leur arrivée en France jusqu'à la déportation d'Irène, en passant par le Morvan où elle va vivre avec sa famille, exclue, reniée, oubliée de tous et surtout du milieu littéraire. Ce milieu littéraire est lui aussi examiné à la loupe : superficiel, intéressé, hypocrite, Irène a tardé à en prendre conscience ce qu'elle va payer au prix fort. Néanmoins, l'auteure rend un grand hommage à Albin Michel, Robert Esménard, André Sabatier et Francis Esménard qui ne l'ont jamais laissée tomber.

L'auteure a effectué un grand travail de documentation avant de se lancer dans l'aventure « le Mirador ». Élisabeth étant née en 1937, c'est Denise, sa soeur, née en 1929 qui lui a ouvert les portes de sa mémoire.

C'est un livre qui permet de pénétrer l'intimité d'Irène Némirovsky. J'ai lu uniquement « Suite Française » et ce sont les polémiques soulevées par « David Golder » qui m'ont incitée à comprendre les motivations d'Irène dans la description satirique qu'elle fait de son milieu. « le Mirador » est déjà une approche « rêvée » de son enfance, de son parcours et de son milieu familial.

Irène Némirovsky fut une auteure encensée entre la première et la seconde guerre mondiale, reconnue au-delà des frontières, préférée par certains à Colette.

Touchée par sa destinée, émue par l'histoire du manuscrit de « Suite française », interpelée par son rapport à son identité juive, je ressens le besoin de découvrir son oeuvre en commençant par « David Golder » après m'être penchée sur sa personnalité, abondamment commentée sous la plume de Susan Rubin Suleiman.

Élisabeth Gille est née dans le milieu littéraire. Placée sous la tutelle d'Albin Michel, elle sera traductrice, éditrice et écrivaine. Elle est décédée d'un cancer peu de temps après la parution « Un paysage de cendres » ; lequel avait été pressenti pour plusieurs prix littéraires.



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Outre d'être une spécialiste de science-fiction (traduction et édition), l'auteure Elisabeth Gille restera avant tout la fille de la célèbre romancière ukrainienne en Français : Irène Némirovsky (1903-1942).
Il y a une bonne quinzaine d'années que j'ai lu "Le Bal" comme toute première oeuvre de cette écrivaine, publiée initialement en 1929, et qui m'a beaucoup plu. D'autres ouvrages, tels "Chaleur du sang" - sorti à titre posthume et tant d'années après sa mort - ont suivi.

Le couple Michel Epstein et Irène Némirovsky ont eu 2 filles, Denise née à Paris en 1929 et décédée à Toulouse en 2013 et Elisabeth, née en 1937 et décédée en 1996 à Paris, à l'âge de 59 ans.
Les soeurs ont écrit toutes les 2 un ouvrage en hommage à leur mère : Elisabeth "Le mirador" en 1992 et Denise "Survivre et vivre" en 2008.

Elisabeth Gille évoque sa mère comme enfant pour illustrer combien les temps étaient durs à Kiev et Odessa : révolutions, persécutions et pogroms. C'est en faisant une excursion sur la rivière le Dniepr que la petite peut se rendre compte dans quelle mesure l'Ukraine est pauvre et à l'abandon, quand bien même si la famille habite les quartiers résidentiels de Kiev.

La gamine Irène est surtout contente que son père lui accordera une gouvernante française qui ne s'occupera que d'elle. C'est pour une large part grâce à mademoiselle Rose que notre Irina Nemirovskaïa écrira plus tard son oeuvre littéraire essentiellement en Français.

Nous suivons le ménage Némirovsky père, qui s'était lancé dans la grande spéculation après un séjour à la Mer Caspienne et la découverte du pétrole à Bakou. Puis ce sera Paris et Saint-Pétersbourg en 1913, suivi de la Première Guerre mondiale.

Pendant ce temps, nous faisons la connaissance des parents de la grande romancière : Leonid Némirovsky (1868-1932) un "self-made man" bossant dur et aimable avec sa petite princesse et Anna Margolis (1875-1972) d'une riche famille Juive d'Odessa à la Mer Noire, une femme égoïste, superficielle et malhonnête. Pas étonnant que l'écrivaine a réservé à cette dame dans sa littérature ses plus "beaux" rôles tels Gloria Golder, Bella Karol, Jézabel etc.

Il se trouve que le palais du prince Youssoupov, où le moine exemplaire Raspoutine fut tué, est situé tout près de la résidence des Némirovsky. En 1917, c'est l'arrivée de Lénine et la fin des 3 siècles de Romanov. le départ du Premier ministre Alexandre Kerenski signifiait pour notre famille : "Nous étions perdus".
À la maison, l'atmosphère était si lourde qu'Irène multipliait les crises d'asthme.

C'est grâce aux bonnes relations et vastes moyens du père que la famille a réussi à passer par la Finlande, la Suède et l'Angleterre en France et que les Némirovsky s'installent très confortablement dans un grand appartement de l'avenue du Président-Wilson à Paris.

Irène passe son bac et s'inscrit fin 1920 à la Sorbonne pour des cours de langue, littérature et philologie russe. Selon Elisabeth, la jeune préfère cependant lire et écrire plutôt que de se rendre à l'aula universitaire pour de simples leçons.

Ainsi, à 26 ans, Irène envoie son premier grand roman "David Golder" à un éditeur. Cette initiative donne lieu à une scène assez cocasse dans le livre. L'éditeur Bernard Grasset, qui était enthousiaste pour le manuscrit, ne voyant pas arriver d'auteur, fut obligé de lancer des rappels par les journaux. On peut s'imaginer la stupeur de Grasset lorsque finalement il observa la jeune auteure, lui qui attendait un homme mûr, un banquier à la retraite peut-être.
Il est vrai que l'artiste était enceinte de sa fille aînée, Denise.

Son premier grand roman a été perçu comme un roman fort, dépouillé et très moderne. le critique littéraire le plus respecté et le plus redouté de l'époque, André Thérive, a ouvert son très long article par cette belle phrase : "On n'en saurait douter, "David Golder" est un chef-d'oeuvre".

En 1933, Irène Némirovsky signe avec l'éditeur Albin Michel un contrat d'exclusivité de 20 ans. Il est évident qu'elle a préconisé un minimum de stabilité dans ces temps agités avec Hitler au pouvoir en Allemagne et une France où l'on ne peut plus ignorer un antisémitisme de plus en plus virulent.

Finalement, Irène Némirovsky a été arrêtée le 13 juillet 1942, transportée à Pithiviers et de là expédiée à Auschwitz, où selon des archives allemandes elle serait morte un mois après son arrivée. du typhus d'après certains témoignages. Elle avait 39 ans !

Son mari, Michel Epstein, a été gazé à Auschwitz, le 8 novembre 1942.
Albin Michel sera d'une très grande aide aux enfants Denise et Elisabeth.

Sa plus jeune fille a fait renaître cette mère talentueuse de ses cendres dans un ouvrage très littéraire où la liste d'auteurs mentionnés est très longue et très variée, allant d'Anna Akhmatova et Cholem Aleichem, en passant par Guy de Maupassant et Alexandre Pouchkine, à Oscar Wilde.
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C'est un récit très touchant, très fort. J'ai été un peu déstabilisée par l'écriture au début, car il s'agit d'une biographie à la 1ere personne, de mémoires de la mère écrites par la fille. On se demande forcément si c'est bien le point de vue de la mère, puis on dépasse cela et on admire cette fille qui est arrivée à ce point à recréer la vie de sa mère. J'aime beaucoup le sous-titre "mémoires rêvés". J'ai été gênée aussi au début par le style, des phrases très longues, mais finalement une fois lancée, je me suis habituée et y ai trouvé beaucoup de poésie. le titre me faisait penser à l'évocation des camps de concentration, mais ce n'est pas le sujet du livre. le récit retrace la vie d'Irène Nemirovsky depuis sa petite enfance, dans la grande bourgeoisie russe et son exil en France. L'évocation de la Russie et de la révolution est très réussie et passionnante. Irène évolue dans une grande bourgeoisie qu'on retrouve dans ses livres, dont la conduite décadente est souvent montrée du doigt. La partie sur la France, l'antisémitisme, le fascisme fait aussi bien comprendre la situation et on ressent toute l'incompréhension d'Irène qui se croyait protégée en France.
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Une autobiographie imaginée par la fille cadette de la romancière Irène Nemirovsky.
Se lit comme un livre d'histoire sur la révolution russe, l'exil en France, la naissance d'une romancière, ses rapports auprès des éditeurs, sa vison de son identité(?) juive, ses rapports à ses parents, sa situation dans la France occupée... jusqu'à sa déportation et son assassinat.
C'est aussi une invite à lire ses romans !
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
A propos de "David Golder"


Même Grasset n'imaginait sans doute pas le triomphe que fut la publication du roman. Je crois n'avoir jamais connu de choc comparable à celui que je reçus en ouvrant "Le Temps du 10 janvier 1930" et en lisant sous la plume d'André Thérive, le critique littéraire le plus respecté et le plus redouté de l'époque, la phrase qui ouvrait son très long article : "On n'en saurait douter, David Golder est un chef-d'œuvre..".
Le 31, c'était au tour de Pawlowski dans "Les lettres" et il n'y allait pas non plus de main morte ; "Voici un très beau livre qui vient de s'épanouir comme un bel arbre dans la forêt littéraire. Il a sa place, solide et bien vivant, auprès du noir cyprès que nous laissa Léon Tolstoï, "La mort d'Ivan Ilitch" et du saule funèbre de Dostoïevski "Krotkaïa".
Entre-temps, d'autres critiques étaient allés jusqu'à parler de Balzac et de son "Père Goriot"".

page 294

Cher Harry Baur! Maintenant les autorités, me dit-on, lui cherchent noise : on le soupçonnerait d'être juif, peut-être parce qu'il incarnait si bien le personnage de David Golder. Faites mon Dieu, qu'il ne lui arrive rien et surtout pas par ma faute ! J'ai déjà des instants de vertige où je me repens de l'avoir écrit, ce livre, où je me demande si, en fustigeant ce milieu qui était le mien et que je détestais tellement, je n'ai pas fourni des arguments aux antisémites, si je n'ai pas fait preuve d'une légèreté, d'une inconscience suicidaire.

Page 300 - Harry Baur fut le comédien qui interpréta David Golder en 1931 dans le film de Julien Duvivier d'après l'oeuvre d'Irène Némirowsky.
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Tout à coup un groupe de jeunes gens sortit en courant de la lourde bâtisse qui abritait les locaux de l'Université. Les boutons de leurs vareuses et la boucle de leurs ceinturons rutilaient au soleil. Tous portaient un brassard noir. Ils n'étaient pas plutôt apparus qu'un détachement de gendarmes à cheval déboucha de la rue qui faisait l'angle Vladimirskaïa, et les dispersa. Ma tante Assia me saisit par la main et me plaqua contre les grilles du square Nicolas-1er juste à temps pour m'éviter de rouler sous les sabots d'une bête : je sentis la chaude odeur poivrée de sa robe en sueur, l'éperon de son cavalier me frôla, son sabre accrocha la lumière. Puis tout rentra dans l'ordre.

Une fois notre peur calmée, elle s'assit avec moi sur un banc et m'expliqua que ces étudiants avaient tenté de manifester leur chagrin, malgré l'interdiction, à cause de la mort du comte Léon Tolstoï dont on avait appris le décès le matin même. Si je n'avais encore rien lu de celui que les Russes tenaient pour le plus grand romancier de tous les temps (j'étais sûre qu'il ne pouvait dépasser Dickens ni surtout Hugo dont Mademoiselle Rose me lisait en ce moment même "Les Misérables") et que l'Eglise orthodoxe, soutenue par le gouvernement, avait excommunié pour ses écrits subversifs, je savais que son nom faisait depuis une semaine les titres de tous les journaux et le sujet de toutes les conversations.
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La troïka s'ébranlait sur les pavés de bois. Nous traversions des bourgades maladives dont l'unique rue nous présentait ses rares boutiques signalées par des enseignes d'autrefois : images naïves peintes sur tôle - botte géante, grand pain doré, coupe-chou de barbier, ciseaux énormes ouverts sur le vide - destinées à une population illettrée. Des gamins se jetaient à notre poursuite pour nous réclamer une aumône, quelques-uns parvenaient à se hisser sur le grand coffre disposé à l'arrière et le cocher les cinglait de son long fouet pour les obliger à descendre. Je me serrais contre mon père. Des moujiks en sandales d'écorce de tilleul et en chemises déchirées, des femmes hirsutes portant sous le bras de gros ballots de linge se retournaient pour nous regarder passer d'un air hébété. Tout exprimait la misère, la décrépitude, l'abandon.

Page 49
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