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EAN : 9782080814500
399 pages
Flammarion (10/11/1999)
2.8/5   5 notes
Résumé :
Le mot et la chose est sans contexte l'ouvrage central de la philosophie analytique au XXe siècle. Quine y expose de façon claire et provocantes des thèses qui ont transformé l'héritage du positivisme logique et révolutionné la philosophie des sciences, de la logique et du langage :
- la sous-détermination des théories [...]
- l'indétermination de la traduction [...]
- la naturalisation [...]
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Quine n'est pas sceptique. Dans un monde d'une infinité de gens sceptiques, il resterait, même si l'on augmentait pendant l'éternité ce nombre infini de gens sceptiques, le plus sceptique de tous les sceptiques. A ce niveau de scepticisme, on évolue dans une autre réalité.

Tout d'abord, ou plutôt deuxièmement - gardons le premièrement pour la fin - les phrases sont intraduisibles. Pas la peine de chercher on vous dit que ce n'est pas la même chose et que synonyme n'est pas français (ou anglais). Partant de là, aucune phrase ne peut être paraphrasée et donc comprise autrement que la manière dont elle apparaît. Comme les mots et les syntaxes sont bourrés de contradictions/imperfections/approximations/imprécisions et compagnie, il s'ensuit que les énoncés valides se comptent sur les doigts d'une main. Et encore, les nombres et les doigts aussi sont trompeurs.

Comme les traductions/transpositions/équivalences et tutti quanti n'existent pas, les identités non plus. Une chose ne peut pas être identique à une autre puisque, par définition, elle est une autre. Et si par hasard il se trouvait dans l'univers une autre chose qui ait les mêmes propriétés que la première, elle n'aurait pas la propriété d'être à la même place. Donc elle est autre. Et si elle se trouve à la même place, on se demande bien pourquoi on s'intéresserait à dire qu'une chose est identique à elle-même. Et si l'identité, c'est la permanence, alors c'est la permanence, ce n'est pas l'identité qui, elle, n'existe pas. Ne confondons pas tout.

On est encore ici dans les énoncés simples, mais on peut compliquer. Quand on dit que "Tom croit que Lise dort", il faut bien savoir que l'on a affaire à une structure opaque, c'est-à-dire qu'il est logiquement impossible de déduire que Lise existe en aucune manière. Quant à ce que croit Tom, on s'en fiche. Tom est un fait, un objet physique qui occupe un volume dans les quatre dimensions, une proposition sémantique ("Tom") dont la valeur de vérité reste à évaluer. Tom croit que, la table se tient, la pierre tombe. Quelle différence. Il ne manquerait plus qu'on ait l'impudence de croire que Tom croie quoi que ce soit et puis, tiens, pourquoi pas qu'il existe. Il faut pas exagérer, c'est bien là tout le problème.

Pour les noms propres, c'est la même chose. Ils voudraient nous faire croire qu'ils désignent une entité singulière, à l'exception de toutes les autres. Ne les croyons plus désormais, car nous savons qu'il est possible de reconstruire les noms propres en voyant en eux des termes généraux, comme pommes, à la différence que Socrate n'est pas composé de pommes, mais de bras, de jambes, de sang, bref de toutes sortes de choses qui se trouvent précisément là, à cet endroit où l'on dit que se trouve Socrate. Que nous étions naïfs. Il est vrai cependant qu'à ce stade, on ne sait plus très bien de quoi on parle.

Si, tout de même, avant de revenir au premièrement, ajoutons qu'il est normal que nous ayons davantage confiance dans l'existence des choses que des idées, car ces dernières sont arrivées après dans notre tête. C'est la raison essentielle de ce fait que tout le monde reconnaît pour son étrangeté. Néanmoins, un certain nombre d'objets abstraits, qu'il reste à déterminer, mais Quine le sent bien comme ça, existent cependant, à côté des objets concrets s'entend.

Pour démontrer toutes ces idées lumineuses, Quine propose une notation canonique universelle qui, en général, comme on peut le remarquer, a tendance à tout embrouiller. En revanche, elle est très pratique, on peut écrire "x+y2" en dix-huit caractères seulement, là où le langage mathématique en requiert quatre. C'est beaucoup plus simple, et c'est plus clair, mais on se demande tout de même combien il faudrait de caractère dans cette notation pour écrire les équation de Schrödinger et de Maxwell et surtout, combien de temps il aurait fallu à ces deux physiciences pour arriver à leurs résultats dans cette notation magique.

Si bien que, enfin, en attendant que tout ce travail de décorticage de la langue qui visera à établir, une bonne fois pour toutes, une vérité vraie dans un langage clair et précis, on vivra dans les mythes, ceux de la science qui pipote à mort en attendant une nouvelle théorie qui pipotera à son tour en attendant que.

Ah, et donc, le premièrement, et bien c'est que tout cela est dû à la manière dont nous apprenons les mots "maman", "lapin" et "éléphant" quand nous sommes enfants, car les stimuli génèrent en nous des mots-phrases qui diffusent dans notre être jusqu'à former une arche de phrases qui s'appellent les unes les autres lorsque de nouveaux stimuli de la matière nous atteignent. Tout cela est sans doute symbolique car nous sommes dans une autre arche dont il faut remplacer les planches pendant qu'elle vogue, et c'est pas facile.

Le plus amusant est bien sûr que Quine, au contraire de Wittgenstein, déploie, sous prétexte d'user un langage courant qui s'adapte à la vie de tous les jours et tombe sous le coup de l'évidence, une langue qui coule comme un fleuve (l'Amazone au moins) et qui fait des remous un peu partout... Appliquer une paraphrase en notation canonique universelle pour vérifier la véracité des propos de Quine est sans doute un non-sens... le mot et la chose incite à la contradiction à chaque ligne, mais il faut bien des efforts pour le synthétiser... Humour ou supercherie, quel type de culture peut bien qualifier tout cela de "philosophie" ? (il est vrai que j'ai eu accès au texte dans une version traduite...) A lire comme un roman d'humour... Ce second degré vaut bien deux étoiles.
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Quine, qui n'apprécie pas la distinction entre les énoncés analytiques et les synthétiques (au sens de la logique propositionnelle), entend paraphraser les phrases de la langue ordinaire en langage canonique dans un projet classique de philosophie analytique. le but : se débarrasser des termes singuliers, c'est-à-dire des sujets particuliers du langage ordinaire ou de la logique classique, et de les transformer en termes généraux, lesquels sont initialement les termes qui se prédiquent (dans "le chien est rouge" rouge est un terme général : ici "chien" peut devenir un terme général dans "un objet rouge est un chien"). Cela permet de concevoir des phrases éternelles sans modalité (le temps devient une simple échelle, par exemple). Ainsi on paraphrasera "un animal est de compagnie" par : (quelque x) (x est un animal et x est de compagnie), avec x une variable et "animal" et "de compagnie" des termes. C'est ainsi que Quine entend éviter les attributs et les classes au sens classique (qui peuvent être trop polyvalentes). C'est ainsi que Quine entend clarifier des paradoxes analogues à celui du menteur. C'est ainsi que Quine entend éviter les ambiguïtés référentielles (ex: quel un ?) et l'opacité des phrases intentionnelles (que A croit b n'implique pas qu'il croit en c si b=c; il n'y a pas de "substitution" envisageable mais citation à faire et opacité de la référence dans la phrase initiale). Cependant une telle paraphrase n'est pas une synonymie : voilà une réserve importante qui contraste avec les naïfs espoirs d'un Carnap. Quine n'entend pas détruire la langue naturelle. D'ailleurs, la traduction est indéterminée du fait de la genese du langage par stimulation. À la fin Quine réfute le nominalisme sur la base de sa paraphrase- il n'accepte pas le dédoublement du sens de l'existence qu'implique l'opposition entre les termes abstraits et les termes concrets. C'est un réaliste formel : épistémologie naturalisée.


Un ouvrage qui entame des perspectives de réconciliations déjà tentées par Strawson. Pour le reste son utilité est plus scientifique qu'absolument normative.
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Si, par le moyen de quelque oracle, le physicien pouvait identifier d’emblée toutes les vérités qui peuvent être dites avec les termes de sens commun renvoyant à des choses ordinaires, la distinction qu’il fait entre les phrases vraies et fausses concernant les molécules resterait cependant fort mal tracées. Nous pouvons imaginer qu’il tracera cette ligne de démarcation en appliquant ce qu’on appelle de façon vague la méthode scientifique : en considérant la simplicité de la théorie englobant les molécules et les choses ordinaires […] Et c’est tant mieux, naturellement, pour les molécules
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Le caractère de la réalité, c'est l'affaire de l'homme de science, au sens le plus large du terme, de la conjecturer laborieusement.
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La méthode des hypothèses analytiques est une façon de se catapulter soi-même dans le langage de la jungle par la vitesse acquise du langage domestique. C’est une manière de se greffer des greffons exotiques sur le vieux buissons familier jusqu’à ce que seuls les greffons exotiques frappent la vue.
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Plusieurs individus élevés dans le même milieu linguistique se ressemblent entre eux comme ces arbustes qu'on taille en forme d'éléphants.
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Nos souvenirs actuels sont, le plus souvent, non des trace de sensations passées, mais des traces de conceptualisations ou de verbalisations passées.
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