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Nicolas Véron (Traducteur)
EAN : 9782757805237
473 pages
Points (23/08/2007)
3.72/5   27 notes
Résumé :
"Qu'est-ce qu'un hooligan ? Un déraciné, un non-aligné, un marginal ? Un exilé ?"

L'exil a duré dix ans. Norman Manea revient dans sa Roumanie natale où le communisme s'est effondré, mais où rien n'a vraiment changé. Entre réalité et fiction, le souvenir affleure : sa mère est morte, le communisme s'est effondré et les fantômes du passé voilent son regard. Reste la douleur lancinante d'avoir fui sa patrie véritable : sa langue maternelle.

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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Norman Manea est né en Bucovine (Roumanie) en 1936. le premier voyage qu'il a fait, c'est à 5 ans. Dans un wagon à bestiaux, avec parents et grands parents. Les plus âgés ne reviendront pas. le maréchal Antonescu avait décidé la déportation de tous les juifs dans des camps en Ukraine. Il est revenu 4 ans plus tard. "J'étais un vieillard qui allait avoir 9 ans".

Et à 50 ans, trop tard peut être, il est reparti: " A cinq ans la première fois à cause d'un Dictateur. A cinquante ans, à cause d'un autre Dictateur et d'une idéologie opposée. Quelle blague!".
Oui, enfin, c'est d'un humour désespéré qu'il s'agit là, et c'est au cours d'un bref séjour effectué à contre coeur sur le sol natal qu'il résumera ainsi: " Reste la honte de ne pas être parti à temps, la honte d'être parti quand même, la honte d'être ramené au point de départ."

Avant l'exil, avant l'abandon de sa mère qui le suppliait d'au moins revenir pour son enterrement, le refuge pour lui était l'écriture : " Grâce au dialogue engagé avec des amis virtuels, la littérature allait me sauver de la mutilation imposée par l'Autorité".
Sauver des nouvelles persécutions, de la délation systématique, des tribunaux populaires qui de nouveau transforment son père en "pou" et lui en "fils de pou" à cause d'une anonyme et fausse dénonciation ( pour un crime impardonnable, il aurait offert gratuitement une bicyclette à quelqu'un.......)et l'envoient croupir dans un autre camp.

"La fatalité de la terreur pouvait s'abattre sur n'importe qui, n'importe quand, n'importe où et pour n'importe quelle raison."

Car, pour Manea, l'exil signifiait plus que quitter la terre, c'était quitter la langue. Il se demandait si l'exil, pour un écrivain, n'était pas l'équivalent du suicide. Mais peu à peu ,la réalité l'impose: "Et la mort qui me guettait ici, à domicile? le rétrécissement accéléré de l'existence, la prolifération des dangers rendaient sans objet les inquiétudes quant à la possibilité de renaitre , au seuil de la vieillesse, dans une autre langue et un autre pays."

Alors, avec toujours sur lui ces phrases de Joyce dans Dedalus : " Je ne veux pas servir ce à quoi je ne crois plus , que cela s'appelle mon foyer, ma patrie ou mon Eglise. Je veux essayer de m'exprimer ,sous quelque forme d'existence ou d'art, aussi librement et complètement que possible, en usant pour ma défense des seules armes que je m'autorise: le silence, l'exil, la ruse."Manea va organiser son départ; D'abord vers l'Allemagne, puis les Etats Unis .

Etats Unis où il vit désormais, Etats Unis, pays des exilés de tous lieux, et de Mark Twain , dont les phrases suivantes pourront accompagner celles de Joyce: "Je crois ne pas avoir de préjugés. Je peux affronter n'importe quelle société. Tout ce qui m'importe est de savoir qu'un homme est un être humain -cela me suffit. Il ne peut pas être pire".......

En écoutant James Gray dans le bonus du DVD The Immigrant parler de très belle façon de ses grands-parents , immigrés en 1923 et restés en permanence dans la nostalgie de leur pays,de leur langue car ils n'avaient jamais appris l'anglais et restaient figés , incapables de communiquer, de s'adapter à un environnement si différent ( ce qu'il ne comprenait pas, enfant, car ils y étaient persécutés), j'ai repensé à ce beau portrait et analyse très poussée de ce qu'est un immigré non volontaire ,et de ses souffrances .
Lisant en ce moment la deuxième partie de l'autobiographie de J. M. Coetzee, j'y retrouve la même chose (même s'il n'a pas , lui, le problème de la langue, et qu'il est parti d'Afrique du Sud non pour des raisons..vitales, mais parce qu'il avait honte de son pays, qu'il n'a pas non plus le même passé très lourd à porter), la très grande difficulté pour un écrivain de s'abstraire de ses références culturelles.

Grand écrivain roumain que ce Norman Manea.
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J'ai fait la connaissance de Norman Manea avec l'entretien réalisé auprès de Saul Bellow, l'écrivain américain nobélisé. Ce petit livre m'a donné envie de le découvrir.
Roumain, originaire de Bucovine, il est déporté avec ses parents en 1941, à l'âge de cinq ans, dans un camp de concentration en Transnistrie, puis de retour dans son pays, après la guerre, il devient ingénieur, écrivain, et s'enfuit à Berlin et aux Etats-Unis en 1986.
Le livre est sous-titré Une vie, et c'est cette vie que Norman Manea choisit de nous raconter, à l'occasion d'un voyage de retour dans sa patrie, après dix ans d'exil, une vie dans une famille juive de Bucovine tout d'abord, ce territoire au destin incertain, autrefois austro-hongrois, et bientôt partagé entre la Roumanie et l'Ukraine, une vie marquée par une première dictature qui lui a fait connaître la déportation, puis par celle qui a régné pendant l'ère communiste.
L'auteur, indécis, hésite à retourner dans son pays. Philip Roth l'encourage, Saul Bellow est plus circonspect. C'est le fantôme de sa mère, apparu à New-York, qui l'amènera à prendre la décision. Ce n'est pas le seul fantôme que nous croiserons lors de ce magnifique travail de mémoire, ceux de son enfance, amis et parents, de ses amours, et ceux des grands écrivains qui l'ont accompagné et guidé, Proust, Kafka et Joyce.
Le récit qui nous est offert ici n'est pas linéaire ; c'est plutôt une immersion, en profondeur, dans les couches sédimentées des souvenirs d'un homme profondément meurtri qui s'interroge sur son identité, sur les masques qu'il a dû porter, sur les repères qu'il doit trouver dans les strates des évènements traumatiques.
Sur quelles bases se construire quand on est juif, paria, apatride, exilé, hooligan, opposant ? Des éléments de réponse affleurent durant le récit, la littérature, les mots et surtout la langue roumaine avec laquelle il écrit l'ensemble de ses ouvrages.
Un livre dense, touffu, protéiforme, dans lequel il faut accepter de se couler, de suivre les errements et les questionnements d'un homme attachant, en proie au doute, désorienté dans les méandres de la géographie et de l'histoire individuelle et collective.




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"Hooligan ? Qu'est-ce qu'un hooligan ? Un déraciné, un non-aligné, un marginal ? Un exilé ? 

Un déraciné, un exilé, un dissident : est-ce cela, être un hooligan juif ? Et l'anti-parti, l'extraterritorial, l'apatride
cosmopolite qui te parle, quelle sorte de hooligan est-il ?"

Norman Manea, écrivain roumain, exilé aux Etats Unis depuis 1988, accompagne un ami musicien à Bucarest en 1997 où il n'est jamais retourné. Ce livre s'articule en plusieurs parties, tout d'abord avant le départ, les hésitations de celui qui a fui le régime communiste. Il a écrit un essai critiquant le soutien de  Mircea Eliade  au mouvement nationaliste La Garde de Fer antisémite, a été accusé de blasphème et de trahison par les patriotes locaux  et par la presse de la nouvelle démocratie. Critique aussi de l'écrivain  juif Sebastian qui  ne s'est pas désolidarisé de Mircea Eliade . Les  Hooligans sont justement le titre d'un livre Eliade. Sebastian a aussi  utilisé  le mot "Hooligan"  dans un ses titres Comment je suis devenu un hooligan? Ce livre s'annonce donc comme très littéraire en ce qui concerne la littérature et l'histoire roumaine. Heureusement, j'ai déjà entendu cette histoire dans plusieurs livres (Eugenia de Lionel Duroy et Athénée Palace de Rosie).




Après ces préambules, Manea raconte son histoire et celle de sa famille à Suceava, en Bucovine, histoire d'une famille juive dans les années 30, "années hooliganiques" qui sera déportée en Transnistrie en 1941, et reviendra en 1945 à 9 ans. En même temps que le communisme s'installe en Roumanie, le jeune garçon est enrôlé comme pionnier tandis que son père, comptable dans une sucrerie, se voit offrir la carte du parti et promu directeur du "commerce socialiste". L'utopie  séduisante, tout d'abord, se révèle mortifère. Piégé, son père est condamné aux travaux forcés dans le camp de Periprava. Norman Manea, ingénieur hydraulicien, mène sa carrière d'écrivain et son travail d'ingénieur. La seule solution pour survivre : l'exil. Nombreux sont ceux qui ont émigré, en Israël ou ailleurs. Manea ira aux Etats Unis, accueilli par une université en 1988. 

" Captivité et liberté ne cesseraient jamais, au cours des quarante années suivantes, leurs improbables négociations, leurs compromis et complicités de tous les instants, leurs escapades vers des refuges, des compensations secrètes. L'Initiation se poursuivait, et le prisonnier attaché au pilier de granit socialiste persistait à rêver, comme tous les prisonniers, de délivrance et d'évasion. Mais entre-temps, il s'était lui-même enchaîné, Ulysse immature, à sa table à écrire."

Après avoir fait part de ses doutes, de ses craintes, de ses hésitations, il raconte par le menu son retour, une dizaine de jours du 21 avril au 2 mai 1997. L'écrivain  célèbre est invité à des festivités officielles, au Séder de Pâques de la Communauté juive. Il retrouve ses amis, ses anciens collègues. il voyage à travers le pays. Plus éprouvant, il se rend sur la tombe de sa mère qu'il n'avait pas revue. Et c'est l'occasion de présenter toute une galerie de personnages, intellectuels ou politiques. Occasion aussi de faire le point sur la situation du pays après la chute des Ceausescu. C'est intéressant mais il y a des longueurs pour le lecteur qui ne connaît pas la Roumanie et les arcanes de sa bureaucratie. J'ai préféré la première partie, plus personnelle, plus intime.  

Ce qui me retenait en Roumanie n'était pas la religion ni le nationalisme, mais la langue, et les chimères qu'elle me
faisait entrevoir. Et aussi, naturellement, pour le meilleur et le pire, ma vie entière, dont elles étaient l'essence.

C'est aussi une réflexion sur l'identité. L'écrivain est attaché à la langue roumaine. Religion ou nationalisme ne le concernent pas, écrire en Roumain, entendre parler Roumain constituent le principal de la personnalité de l'auteur.

C'est bien sûr une critique mais critique avec humour!


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A cinq ans, Norman Manea est déporté. Il reviendra 4 ans plus tard, marqué à vie, dans sa patrie devenue communiste. "L'horreur n'avait pas remplacé l'ancienne. Elle s'y était ajoutée : elles allaient main dans la main." Quelques décennies après, en 1986, il décide d'émigrer pour échappe à l'étiquette de "hooligan" qui lui colle la peau, c'est-à-dire le marginal, le non-aligné, l'exclu. Car il ne se laisse pas faire face à la violence idéologique qu'est le communisme, et ne se prive pas de le dire. Vingt ans plus tard, il a l'opportunité de rentrer au pays, dans une Roumanie débarrassée du communisme mais non pas de ses stigmates. C'est ce voyage de retour, truffé de flash-backs, qui est raconté ici.

En plus d'une certaine hostilité, il doit faire face à ses propres sentiments : il se rend compte qu'en vingt ans il était devenu un étranger dans son propre pays, mal à l'aise avec la langue roumaine, qui est pour lui le fondement de son identité. "C'est la langue qui est votre blessure."

Une identité qu'on lui refuse d'ailleurs puisqu'on le classe dans la catégorie des "écrivains juifs de langue roumaine" et non pas "écrivain roumain".

"Je ne savais pas si je voulais éviter de rencontrer là-bas le moi d'autrefois, ou si je redoutais d'être identifié à ma nouvelle image, auréolée des lauriers de l'exil et des malédictions de la Patrie."

Après avoir vécu une non-existence aux États-Unis, l'île de la liberté par rapport à la Roumanie, dans l'anonymat et la transparence, il revient donc sous la lumière des projecteurs, auréolé de son prestige d'écrivain mondialement connu quoique soupçonné d'amitié avec la puissance américaine, vestige de la guerre froide.

"Le crétinisme rayonnait partout, on pouvait difficilement y échapper."

Roman autobiographique atypique, le retour du hooligan est un véritable pêle-mêle dans lequel il est difficile parfois de se retrouver : l'auteur évoque l'Histoire à chaque ligne et il n'est pas toujours facile de comprendre à quoi ou à qui il fait allusion. Mais malgré ces difficultés, je n'ai pas pu faire autrement d'aller jusqu'au bout de cette lecture qui nous envoûte malgré nous, tant on est plongé au coeur d'un maelström d'émotions que l'auteur sait parfaitement rendre : "La honte secrète, farcie de furoncles purulents. La honte de n'être pas parti à temps, la honte d'être parti quand même, la honte d'être ramené au point de départ". Tout se mélange et suinte le mal-être, la peur, la désorientation d'un homme qui a perdu ses racines. La littérature fut donc – et est toujours – le seul refuge possible contre ces sentiments, rempart qui peut paraître dérisoire face à la violence de l'exil, mais qui l'a sauvé.
Lien : http://missbouquinaix.wordpr..
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Il s'agit d'un récit autobiographique. L'auteur y parle de son expérience de déporté dans un camps pour juifs en Ukraine par le régime fascisant d'Antonescu avec sa famille, il connaît par la suite les affres du communisme roumain. Puis à 50 ans choisi l'exil. A l'occasion d'un bref voyage en Roumanie après la démocratisation il revit en quelques sortes les étapes de son parcours.

J'ai eu du mal à rentrer dans ce livre, qui recourt massivement à la répétition, à une écriture bien particulière. Les événements sont ressassés, reviennent plusieurs fois, parfois quasiment du copié-collé. On comprend qu'il s'agit d'éléments traumatiques, que l'auteur n'arrive pas à liquider dans son passé, mais il faut accepter de rentrer dans ce rythme. J'y suis arrivé par moments, par moments j'ai trouvé cela un peu fastidieux. Globalement le récit est touchant, et le livre intéressant à plus d'un titre. Il y des observations très fines sur certaines personnes, façons de vivre, qui font vraiment mouche, surtout que l'humour est présent. Mais j'ai été par moments un petit peu agacée par la personnalité de l'auteur, qui forcement est importante dans un récit autobiographique. Il manifeste un petit peu de complaisance vis à vis de lui-même, même si ce sont les autres qui parlent, évoquer le Nobel qu'il pourrait recevoir, ou se qualifier de plus grand écrivain roumain vivant a un petit côté prétentieux. Je serais intéressée par la lecture d'autres livres, peut être de fiction pour voir ce que cela donne.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Etait-ce un privilège que de vivre, en quelques années seulement, et à un âge encore jeune, une expérience que d'autres ont prolongée jusqu'à la vieillesse ? Réunions, exclusions, délations. Les rituels : la dilatation intense de l'ego dominateur, puis sa contraction dans le corps massifié de la collectivité. Les nominations, la technique du secret, la vanité des honneurs : d'autres ont connu tout cela plus largement et plus profondément, à des degrés infiniment plus glorieux ou plus tragiques. Le moment que j'ai vécu dans cette salle que je dominais depuis la tribune rouge, tous les participants de ce grand jeu utopique devenu inquisitorial l'ont aussi vécu. On est immuablement mis en demeure de choisir entre les identités qui vous composent et se disputent votre moi, non seulement le moi qu'exige l'ultimatum de l'instant, mais encore celui que l'on est vraiment. L'être humain continue, bien au-delà de l'enfance, de la puberté, de l'adolescence, à éprouver sa multiplicité potentielle.
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Il ne me restait plus qu’à emporter ma langue avec moi, comme une maison. La maison de l’escargot. Sur quelque rivage que j’échoue, elle serait pour moi, je le savais, le refuge infantile de la survie.

(p. 246)
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La profession d’ingénieur ne pouvait me protéger de rien et ne me convenait en rien, mais à vingt-trois ans ce ne sont ni les déceptions, ni les confusions, ni l’insondable ennui qui dictent leur loi au calendrier. La rue, les chambres, les visages dissimulés dans le mystère du quotidien, les femmes, les livres, les amis, intensifient le champ magnétique de l’être en devenir que nous sommes.

( p. 129)
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Je ne savais pas si je voulais éviter de rencontrer là-bas le moi d'autrefois, ou si je redoutais d'être identifié à ma nouvelle image, auréolée des lauriers de l'exil et des malédictions de la Patrie.
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"Je ne savais pas si je voulais éviter de rencontrer là-bas le moi d'autrefois, ou si je redoutais d'être identifié à ma nouvelle image, auréolée des lauriers de l'exil et des malédictions de la Patrie."
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