Je me suis déjà frotté aux éditions Malpertuis, et l'ouvrage d'
Elodie Serrano n'était donc pas mon premier pas aux côt és de cette petite maison d'édition, orientée fermement vers le fantastique (quelle merveilleuse idée !). C'était avec un recueil de nouvelles, sobrement intitulé "Malpertuis VII" et dans lequel, j'ai découvert ceci récemment, j'avais déjà croisé l'écriture d'
Elodie Serrano (je ne m'en souvenais malheureusement pas !). Ce recueil m'avait laissé globalement pantois, tant l'agréable côtoyait le mauvais (n'ayons pas peur de l'honnêteté), l'intelligent le ridicule, et même le divertissant l'ennuyant. Alors difficile d'évoquer, avant "
Le sort en est jeté", un souvenir tranché de cette maison d'édition.
Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'avec ce recueil, Malpertuis et
Elodie Serrano ne me facilitent pas la tâche non plus. Je vais tenter d'évoquer les différents points qui m'ont marqué, au cours de la lecture. Je suis d'ailleurs assez déçu d'avoir loupé la séance de dédicace de l'auteure à Lyon, j'aurais aimé entendre son point de vue sur ses écrits, et surtout comment elle envisageait la suite.
On va commencer par un des points les plus marquants, avec son pendant positif et négatif. C'est la jolie diversité que nous offre
Elodie Serrano. Ses nouvelles se suivent et ne se ressemblent finalement que peu. Ce qui est très agréable, c'est qu'on se balade dans les frontières rassurantes du fantastique, mais quelle ballade ! Des références, j'en ai repérées des dizaines et des dizaines ! Evidemment, c'était de mon côté, je ne sais pas si l'auteure s'orientait volontairement sur les terres de certains auteurs. Pour citer quelques auteurs et oeuvres: j'ai pensé à certains écrits "softs" de
Sire Cedric ("Au fond du puits"), The Ring ("Muse à vendre, accepte âmes"),
Graham Masterton ("Ceci est mon corps"),
Daryl Gregory même si
Elodie Serrano prend complètement "
Nous allons tous très bien, merci" à contrepied ("Créatures Ratées Anonymes"), Black Sheep (« L'attaque des vaches zombies »),
Stephen King dans « le Marionnettiste »… Que de belles références, n'est-ce pas ? Mais n'allons pas dire ce que je n'ai pas dit, je cite tous ces auteurs ici pour souligner le côté hétéroclite du recueil qui est extrêmement agréable et montre d'une part, qu'
Elodie Serrano est une auteure intéressante, et d'autre part, que l'on ne s'ennuie pas à la lecture de «
le Sort en est jeté ». Si l'on rajoute en plus la brièveté de la plupart des histoires, cela fait de ce recueil une lecture agréable et facile.
La où la grande diversité des thèmes et des univers blesse, c'est dans le manque d'achèvement. Finalement, rares seront les nouvelles qui parviendront à installer un univers cohérent et suffisant au lecteur pour s'y plonger pleinement. On croise pas mal d'univers sympathiques, d'idées alléchantes au-travers de ces pages, mais il manque en permanence de la consistance. Les personnages ne se racontent qu'à-travers l'histoire, n'existent globalement pas en-dehors de la nécessité pour eux d'avancer fatalement vers leur destin. Cette remarque, en revanche, n'est pas valable pour l'intégralité des nouvelles (la première, par exemple).
Et c'est quand même très dommage, puisque visiblement
Elodie Serrano a de bonnes idées. Mais le fait qu'elle ne les développe pas plus donne à la fois une impression de « cheveu sur la soupe » (c'est notamment le cas lorsqu'elle tente de nous décrire une situation visiblement complexe et longue en quelques pages : « Payer pour ses crimes ») et une impression de scénettes déroulées page après page, sans envergure. On passe d'un univers à l'autre avec joie, mais difficile donc de percer la superficialité. Ce qui m'amène à la remarque que je me suis faite le plus souvent à la lecture du bouquin : j'aimerais franchement lire un roman de l'auteur.
J'aimerais effectivement voire comment
Elodie Serrano se débrouillerait avec une certaine profondeur de l'intrigue à gérer, et surtout comment elle combinerait toute cette densité d'univers qu'elle déploie de manière à ce que cela reste agréable et surtout, plausible.
Un autre point positif du recueil, c'est l'ironie déployée par
Elodie Serrano. Une ironie bien souvent mordante, assez drôle parfois. N'en témoigne la nouvelle « Ceci est mon corps » qui, si elle possède les défauts que j'ai précédemment cités, reste pour moi l'une des meilleures du recueil. Déjà parce que dans ces pages, l'auteure parvient à nous glacer le sang (jolie réussite, très malsain), et parce que la chute est juste très drôle (mais attention, c'est un drôle dérangeant, tout de même !).
Pour ce qui est du moins bon, j'ai relevé quelques nouvelles qui m'ont passablement agacé. « Belle » m'a fait penser à un récit initiatique adolescent gnangnan et ultra-téléphoné, de même que « Créatures Ratées Anonymes » qui m'a un peu laissé dubitatif, ne sachant pas avec quel ton
Elodie Serrano souhaitait raconter son histoire. « le Collectionneur d'Etoiles » est du même acabit que « Belle », extrêmement bateau et dégoulinant d'un bon sentiment un peu vomitif puisque bien peu nuancé. « Un capybara, et que ça saute ! » m'a semblé extrêmement vain, tant j'ai eu du mal à comprendre sa place dans le recueil et à nourrir de l'intérêt pour cette histoire.
Enfin, je souhaitais glisser un paragraphe juste pour me faire mal voir, mais qu'y puis-je ? C'est trop tentant ! Chère
Elodie Serrano, je t'en supplie, ne me fais plus jamais ça ! Page 151 : « Tout a commencé il y a dix ans. J'ai rejoint un groupe de militants vegans, « Les Révoltés ». ». Oh la la… Je ne te raconte pas l'impact de cette phrase sur moi : j'ai à la fois perdu la vue à l'oeil gauche suite à un ulcère de cornée foudroyant, ai fait un micro-coma plein de cauchemars, une crise d'angoisse de laquelle je ne me remets pas, j'ai pleuré des heures, et dors depuis en position foetale. Comment, s'il te plait, comment imaginer un monde dominé par des vegans complètement allumés du cigare ? Tu as décidément trouvé la véritable définition de l'horreur.
Mais bref, revenons à des choses plus sérieuses. «
le sort en est jeté » est un livre, in fine, plutôt agréable. Véritable voyage sur la multitude de terres du fantastique, on passe de nouvelle en nouvelle avec un enthousiasme globalement conservé. Si le dernier tiers du livre est celui où les défauts de l'auteure se font le plus sentir, il n'enlève rien à l'intérêt que j'aurai par la suite pour
Elodie Serrano. D'autant plus si c'est pour lire, cette fois-ci, un roman.