De 1965 à 1975 environ, nous avons eu droit à un échantillonnage de partisans de cette "Révo. Cul.". Certains, qui se croyaient penseurs, pontifiaient sur "l'homme nouveau" qui allait naître de la tourmente, traitaient de "bourgeois réactionnaires", et bien entendu de "fascistes", ceux qui, après avoir lu la presse officielle chinoise, dénonçaient ce qui se passait. Ils interdisaient de condamner "certain excès", inévitables, sinon indispensables selon eux. Ils invoquaient l'ethnologie, qui leur avait appris que l'on n'avait pas le droit de juger un peuple différent de nous - comme si les Chinois n'étaient pas des hommes comme nous. (...) Les mêmes, une fois leurs illusions expulsées aux latrines, continuèrent à pontifier, sans la moindre honte d'avoir justifié l'horreur.
C'est l'histoire de la Chine, de ses traditions, qui éclaire l'attitude du gouvernement chinois et ses différences, ses particularités, par rapport aux autres traditions sur le reste du globe, car seule une histoire différente marque les hommes qui par ailleurs sont tous des êtres humains et partagent donc l'essentiel. Les morts pèsent comme un cauchemar sur les cerveaux des vivants, comme l'avait bien vu Karl Marx.
Lorsque j'étais étudiant à l'université de Pékin, une grande partie des gens avaient encore l'espoir que le soleil se lèverait un jour sur des lendemains qui chantent. Le mouvement des Cent Fleurs, en 1957, qui invitait les gens à exprimer ouvertement leurs critiques, s'achevait, et il avait déjà fait vaciller pas mal d'illusions. S'était-il agi d'un piège pour que les opposants, pauvres naïfs qui avaient cru pouvoir parler franchement, se dévoilent, et pouvoir ainsi les réprimer, ou les autorités se sont-elles affolées devant une opposition si large jusque-là silencieuse ?