L'expression « Malgré-nous » désigne les Alsaciens et Mosellans incorporés de force dans la Wehrmacht, l'armée régulière allemande, durant la Seconde Guerre mondiale, que ce soit dans la Heer (armée de terre), dans la Luftwaffe (armée de l'air), dans la Kriegsmarine (marine de guerre), ou encore dans la Waffen-SS.
Marcel Grob est de ceux-là : jeune alsacien de 17 ans, il a été enrôlé contre sa volonté dans la Waffen-SS en juin 1944, a combattu avec les soldats allemands et a notamment participé au massacre de Marzabotto.
Le 11 octobre 2009, Marcel, alors âgé de 83 ans, est arrêté et placé devant un juge d'instruction. Ce dernier lui tend son livret militaire, c'est-à-dire son livret de solde dans l'armée allemande, preuve de son passé SS. Il est temps pour Marcel de raconter cette période tragique de son passé, afin de démontrer qu'il a été un SS malgré lui...
S'il avait choisi le maquis, le suicide ou la désertion, ce sont ses parents et son petit frère qui auraient été punis de la trahison de Marcel. Alors Marcel se rend à la convocation des Boches, il n'a pas vraiment le choix... Les souvenirs remontent à la surface et il raconte...
Son incorporation. Son affectation à la Reichsfürher. le massacre de Marzabotto. Ses performances au football qui lui ont valu son transfert chez les Sapeurs. La rancune de son camarade Antoine. Son attachement pour son supérieur. Une opération de reconnaissance qui tourne au drame. Son hospitalisation. L'arrivée des Alliés au Lac de Garde...
On est au coeur même des horreurs de la guerre. Marcel se livre comme jamais, avec son coeur, avec ses convictions qui ne l'ont jamais quitté, avec son âme, un peu comme s'il était l'heure du jugement dernier. C'est une histoire qui retourne l'estomac, surtout quand on pense qu'il a à peine 18 ans quand la guerre prend fin.
Philippe Collin et
Sébastien Goethals ne lésinent pas non plus sur la dimension humaine malgré les horreurs relatées, ce qui rend le récit encore plus poignant.
Les graphismes sont superbes, fins et minutieux, très réalistes, avec une colorisation terne en corrélation avec les circonstances et les faits relatés. La seule chose que je pourrais leur reprocher, c'est qu'on a parfois du mal à distinguer les personnages entre eux qui, par moments, se ressemblent beaucoup.
Ce n'est qu'à la fin qu'on apprend que Marcel Grob était le grand-oncle de
Philippe Collin. On comprend mieux pourquoi cette histoire lui tenait à coeur, pourquoi également il prend sa "défense", tout en laissant le choix au lecteur de le condamner ou pas, de prendre la mesure de sa culpabilité dans cette histoire. Pour ma part, je ne le jugerai pas, je ne sais ce que j'aurais fait à sa place. le maquis ou l'enrôlement forcé ? Prendre le risque de voir mes parents arrêtés et déportés en camp de concentration (ou pire, fusillés sur place) ou les savoir en sécurité à la maison pendant qu'on tente de m'endoctriner et qu'on m'oblige à prendre part aux pires atrocités ?
Gros plus pour le dossier historique en fin d'ouvrage qui vient compléter et expliquer certains éléments du récit.
C'est dans l'ensemble un très beau roman graphique, qui nous interroge autant qu'il est instructif. Un récit utile et nécessaire si l'on veut comprendre ce qu'ont pu vivre les "Malgré-nous".