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EAN : 9791092444926
288 pages
l'Atelier contemporain (10/05/2019)
4.5/5   2 notes
Résumé :
Le Livre de la présence est un ouvrage qui se propose d’étudier, dans la littérature et la peinture modernes, la notion de présence telle qu’elle s’énonce à travers la plupart des poétiques et des esthétiques du XIXe et du XXe siècles. D’innombrables œuvres et critiques en font état, mais aucune recherche synthétique n’a encore été menée à ce sujet : le travail s’imposait donc, comme la publication d’un livre sur le sujet. Le projet consiste à interroger la notion d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce professeur de littérature comparée est l'auteur de « Noli me intellegere. Une Histoire de l'incompréhensible dans la littérature et la pensée occidentales ». Nous voilà prévenus. L'émerveillement, le livre, est une brillante réflexion sur l'être et la présence dans la poésie et l'art modernes : « Face à la présence se trouve entièrement mobilisée ce qu'on appellera notre vigilance à être. Et tout le reste est de trop — autant le supprimer. Non que l'on en sorte diminué : la coupure fortifie. Aucune ontologie de l'Art moderne ne peut se dispenser de réfléchir au problème du minimum. En vertu du principe que là où l'oeuvre émonde le sens abonde, tout se passe comme si la diminution de quantité (picturale, textuelle) favorisait, au terme d'un patient travail éliminatoire, l'éclosion de l'essentiel » (p 74). La précision et la densité de la pensée, comme l'aisance verbale, rappellent Yves Bonnefoy dans son magistral « Giacometti : biographie d'une oeuvre » par exemple. Mais il ne s'agit pas ici d'une monographie.

Dethurens brode une anthologie autour d'une centaine d'oeuvres — poèmes, tableaux ou sculptures — parfois avec l'habileté et le flou redondant du rhéteur, mais le plus souvent avec la sincérité émerveillée de l'expérience personnelle : « La première expérience de la présence dans la peinture, la plus immédiate, correspond à ce que l'on pourrait appeler une halte devant l'être. Face à un objet, un paysage, tout paraît soudain suspendu. le monde, ce monde où palpite le vivant, le voici tout d'un coup arrêté. Brutalement les choses se sont mises à ne plus bouger ; et nous, pauvres ensorcelés, nous voici comme frappés de paralysie contemplative, pétrifiés un instant pour toujours. Alors se fait sentir la grande respiration de l'être, ce calme retrouvé de la condition humaine, comme une clairière s'ouvrant dans la forêt » (p 21). « Pour toute connaissance l'énumération délectable des choses, pour toute durée le mûrissement opulent des fruits, et pour toute lumière le rayonnement solaire du jour. Profusion de la présence : tout ce qui est autour de nous, c'est nous » (p 43). « Jubilons, car nous sommes immergés dans notre obscurité admirable. Notre dernière béatitude » (p 101). « Dans l'extase je m'ignore, revenu à mon innocence, cessant de m'appartenir, enfin disponible à l'accident. Tout peut donc commencer : non plus moi, qui ai disparu, pas même un nouveau moi pris dans un cycle de métamorphose, mais moi dans la dissolution de la présence. L'extase devant la présence me rend à mon humilité non connaissante. Moi qui suis enfin bienheureusement englouti, oublié de moi-même, me voici faisant encore avec ce que je ne suis pas, ex-tasié dans la réalité de l'autre » (p 140). L'expérience de la présence a une dimension mystique : « Il y a bien de quoi trembler, devant la présence, elle qui fait naître et renaître à chaque instant, et nous laisse, pantois, incrédules, sidérés – seuls avec l'indéniable. Être là, présents à l'existence, relève peut-être de la gratuité le plus inexplicable, et incite à nous perdre dans les labyrinthes de l'improbable. Quelle importance… » (p 152). Est-il légitime de se complaire à la jubilation ? Question accessoire, hors de propos, ouverte à toutes les réponses. Dans le domaine de l'extase et de « La mystique sauvage », Michel Hulin rappelait l'échange de lettres entre Romain Rolland et Sigmund Freud à propos du « sentiment océanique », enthousiasme et sentiment ineffable pour le premier, résurgence d'un narcissisme primitif pour le second.

Et les exemples ? Des artistes peu connus ou des oeuvres peu connues de peintres célèbres, des poèmes souvent étrangers et donc traduits. Leur ensemble constitue une splendide anthologie graphique et verbale. le seul regret, concernant les images, est la petite taille des illustrations et l'absence de mention du lieu où on peut les admirer.

Sa place vis-à-vis du livre de Michael Edwards, « De l'émerveillement » ? Ce dernier traite de l'histoire de l'idée comme mode de connaissance, depuis Platon jusqu'à Jaccottet, et ses exemples sont principalement littéraires. Mais il manifeste aussi la surprise d'une présence au monde, subite et inexplicable : « Ne voyons-nous pas tout à coup, devant quelque chose de sublime ou de quotidien, de poétique ou de banal, que le monde tel que nous l'avons construit afin de le promener dans notre conscience de jour en jour est inadéquat, et qu'il existe, surtout, une autre façon de vivre ? Voilà, me semble-t-il, la finalité, le pour quoi, de l'émerveillement : révéler ce que pourrait être le monde si nous vivions à une autre profondeur ». Une intuition qui rejoint le « il y a de quoi trembler » de Dethurens.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
La première expérience de la présence dans la peinture, la plus immédiate, correspond à ce que l’on pourrait appeler une halte devant l’être. Face à un objet, un paysage, tout paraît soudain suspendu. Le monde, ce monde où palpite le vivant, le voici tout d’un coup arrêté. Brutalement les choses se sont mises à ne plus bouger ; et nous, pauvres ensorcelés, nous voici comme frappés de paralysie contemplative, pétrifiés un instant pour toujours. Alors se fait sentir la grande respiration de l’être, ce calme retrouvé de la condition humaine, comme une clairière s’ouvrant dans la forêt.
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