Les mots échangés par Thomas et son père Joseph Campeyral sont âpres, durs, lourds, ils tissent un Eden, sombre et cruel où l'enfance a très vite pris la fuite annonçant les abandons successifs de chacun des membres de la famille Campeyral, la ferme
De Saint -Théodoric, devient peu à peu une ferme fantôme.
C'est pourtant un fantôme qui écrit à Thomas, « je ne suis plus ivre mais presque mort, le temps presse, cette nouvelle j'en suis sûr, te fera plaisir. Signé Joseph Campeyral ».
Bernard Blangenois, aura attendu 27 ans de silences, avant de recevoir cette lettre, comme un appel au secours, ce livre est bien le livre de sa vie il en a le poids, la gravité la beauté.
Très lourd ce corps que Thomas portait dans son lit, ce père violent et tyrannique, quand Thomas le trouvait Ivre mort, bercé par 8 litres de bons vins méticuleusement élevé sur la ferme. Samuel était resté sur la terre algérienne, Elisabeth dès 21ans avait fuit, pour retrouver un jeune saxophoniste, seule la mère aurait pu l'aider, il était si lourd, « une sorte de bloc dur, hostile, infranchissable. »
Sa Haine, le père l'avait fait germer dans la tête de son fils âgé de 10ans, d'un coup d'os prélevé sur son veau camarguais un cadeau du père, le colosse lui avait asséné ce coup pour avoir laisser filer puis perdre l'animal qui avait basculé dans le vide. Sa haine restait intacte, « une haine meurtrière » malgré tout ce temps passé à ruminer un geste de trop, et ses railleries « monsieur le plumitif » .
La mort tragique de sa mère telle une petite fêlure s'insinua dans ses souvenirs, grandit au point de le ramener de plus en plus prêt des Bastides.Térésa combla peu à peu le vide laissé par son enfance meurtrie. L'écriture aida le jeune animal devenu adulte à comprendre sa violence, la lettre de son père l'émeut, il se sentit prêt à l'affronter.
La beauté de ce livre s'invite comme un cadeau de la nature, celle de ces paysages des Alpes du sud au dessus de Gap, les mots de
Blangenois capte les forêts crépues, les milles redounans de Cotignac, les nigrettes rouges sombres, les luques qui donnaient les meilleures huiles, les étoiles brillaient double...
« J'aimerais bien que tu m'appelles papa, de temps en temps », le ton est donné par un Joseph seul qui demande pardon sans le dire. Oui papa , « je posai la main sur son vieux front jaunâtre, tout dégarni. Il était brûlant. La fièvre le calcinait »P202.
Le vieux Joseph ne crèvera pas seul, malgré les mots échangés encore teintés de haine, le vieil homme ouvre les portes une à une, il lui demande pardon pour avoir frappé sa mère, ne veut rien d'autre sinon s'endormir sur un récit de son fils, sur la lecture de son dernier livre, comme pour lui dire enfin qu'il voulait l'écouter.
Le roman de son fils est celui d'un jeune garçon qui ne voulait plus parler!
Rien ne me laissait entrevoir une telle qualité d'écriture chez cet écrivain si peu connu..