Une danseuse comme Léontine Beaugrand ne cherche pas à étonner une salle des difficultés qu'elle surmonte, elle ne vise pas à éblouir les spectateurs de ses pirouettes folles ou de ses coups de reins exaspérés. Tout au contraire, elle se préoccupe de mettre de l'aisance en tout ce qu'elle fait, d'équilibrer ses phrases chorégraphiques, de graduer ses effets, de motiver et de moduler l'imprévu. Son principal objet, c'est de bien exprimer le sens des situations, de même que nos anciens compositeurs songeaient, par dessus toute chose, à écrire la mélodie des paroles qu'on leur confiait.
Si Léontine Beaugrand n'avait été qu'une ordinaire ballerine, experte seulement à se déhancher, à tourbillonner sur elle-même, à traverser une scène en quatre bonds, je n'aurais souci d'elle, non plus qu'on n'a souci des vieilles lunes et des roses fanées ; mais son art était différent, et elle a représenté autre chose. Elle reste, à mes yeux, l'incarnation suprême de cette légèreté pudique, de cette grâce choisie, de cette élégance rythmée, qui n'appartiennent qu'à la France, et dont l'expression achevée s'appelle:
la danse française.