Pour ce que j’en savais, au cours d’une soirée de fête plutôt délirante, ma mère avait bel et bien couché avec trois garçons différents. Elle devait être tellement saoule, ou tellement défoncée, qu’elle ne se souvenait pas plus du premier que du dernier. Un spermatozoïde en folie avait foncé sur un de ses ovules et m’avait projetée dans ce monde. Comme aimait à répéter Grandpa en paraphrasant la Bible : « Les péchés des mères retombent sur la tête des filles. »
Les promesses, c’est souvent comme les ballons. Ils sont très beaux quand on vient de les gonfler, mais presque tous fuient, et ils se retrouvent très vite par terre.
J’en ai assez de vivre avec ma belle-mère qui me dit sans arrêt ce que je dois faire, ce que je dois porter, ce que je dois manger. Mon père ne dit rien, lui, elle en fait ce qu’elle veut. Elle le tient par… je ne te dis pas par quoi.
Peu d’hommes sont prêts à épouser une femme qui a un enfant à charge. Et plus je grandissais, plus cette chance déjà mince devenait problématique.
Beaucoup de gens affirmaient que nous avions l’air d’être sœurs, parce que nous avions les mêmes traits délicats, les mêmes cheveux à reflets roux et les mêmes yeux bleu azur. Rien ne pouvait plaire davantage à maman que ce compliment. Elle ne tenait surtout pas à faire savoir qu’elle était ma mère, ni celle de qui que ce soit, d’ailleurs.