Un livre richement illustré d'affiches du Front national. Une histoire centrée sur des slogans, des « Français d'abord » à la « préférence nationale », en passant par diverses thématiques au centre des campagnes de ce parti d'extrême-droite.
Une histoire aussi de la viralité des discours, de leur expansion à droite, « la propagation de la sémantique frontiste au sein de la famille des droites françaises », mais malheureusement pas seulement, voire les débats autour des questions identitaires ou des « valeurs » soit-disantes françaises-républicaines…
Valérie Igounet aborde le « nous » séparé du « eux », l'opposition binaire entre français-e-s et immigré-e-s, la réorientation de la rhétorique frontiste au fil du temps dans la préservation de ses principaux thèmes dont la lutte contre l'immigration, la « préférence nationale » rebaptisée « priorité nationale », l'islamophobie et la relégation du traditionnel antisémitisme, le ciblage des discours… « L'histoire du Front national à travers ses principaux slogans propose un décryptage des positionnements du parti en s'appuyant sur quelques mots qui font sens ».
L'auteure précise que les évolutions concernent avant tout le contexte et non le parti, parle de mise en adéquation avec les enjeux sociétaux plutôt que de rupture. L'enveloppe peut changer mais reste un « produit xénophobe quasiment identique ». Elle souligne aussi la récupération et l'appropriation de termes et de concepts, l'accolement de la question identitaire à celle de l'immigration…
Propagande. Adhérent-e-s, discipline et hiérarchie, embrigadement, valorisation de l'action militante de terrain, la flamme et le logo, graphisme néofasciste modernisé…
Slogans. « Etre français ça se mérite », nationalisme et identité nationale, discours d'exclusion et xénophobie, protectionisme identitaire, nation comme entité a-historique et « pure », parallèle entre insécurité et immigration, « préférence nationale », remise en cause du droit du sol… « Halte au chômage, le travail aux français », lien fantasmatique entre chômage et immigration, invention d'une « colonisation » du territoire oublieuse des politiques coloniales et néocolonialistes (sans oublier le silence sur ces français-e-s qui travaillent à l'étranger mais non considéré-e-s comme des immigré-e-s)… « 1 million de chômeurs, c'est 1 millions d'immigrés de trop ! La France et les français d'abord ! », islamophobie et thématique de l'invasion, « Ils ont tout cassé », « Stop à la subversion migratoire », le terrible « Nous sommes chez nous » et ce deux fois nous d'autant plus exclusif qu'il ne peut être défini, thématique du « grand remplacement », slogans directs et violents, l'insupportable visibilité des « autres », l'anti-républicanisme supposé de ces mêmes « autres »…
Avortement comme « guerre d'extermination contre le peuple français », dénatalité, défense de la « cellule familiale », femmes assignées à la procréation et à la mère gardienne du foyer, IVG décrite comme de « confort », les député-e-s européen-ne-s votent toujours contre les avancées dans l'égalité femme-homme, aujourd'hui le FN ne parle « que » de déremboursement, invente un ersatz de « féminisme » culturel alibi et camouflage des thématiques xénophobes…
Défense d'un amas de cellule rebaptisé enfant, dans le mépris des droits des femmes et revendication de la peine de mort pour les terroristes et les assassins d'enfant… Silence absolue sur ces milliers d'enfants et de femmes battu-e-s, violé-e-s, tué-e-s par des si proches dans les familles tant glorifiées…
« Ni droite ni gauche : Français ! », camp social, verbiage revendicatif et défense de l'arbitraire (les « droits ») du patronat…
« Mains propres et tête haute », entre recel d'abus de biens sociaux et de complicité d'escroquerie, financement illégal de parti, sans oublier l'héritage Lambert… le peuple, « avec nous », les affiches non signées, mensonges et racisme…
Viralité.
Valérie Igounet analyse l'« histoire d'une contamination politique », la « dédiabolisation », la porosité entre la droite et l'extrême-droite et vice versa, la dépendance et l'adaptation politique de la droite, la reprise de la sémantique de l'extrême par la droite, la fantasmatique « identité nationale », les rapprochements rhétoriques, le mimétisme dans le vocabulaire, l'appropriation des termes. Elle termine sur le masque électoral frontiste pour avancer vers la conquête du « pouvoir »…
Surmonter le dégout provoqué par cette haine étalée, pour comprendre les changements dans la continuité, les évolutions sémantiques et politiques, les mots et slogans, les contours de la propagande de l'extrême-droite, le « mimétisme sémantique pratiqué par la droite sur les thématiques frontistes », sans oublier la reprise par une partie de la gauche de la « thématique identitaire » ou la défense d'un « récit national » largement imaginaire.
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