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Pierre Guglielmina (Traducteur)
EAN : 9782232146497
320 pages
Editions Seghers (13/04/2023)
4.68/5   11 notes
Résumé :
Alors qu'il commence la rédaction d'À l'est d'Eden, son roman le plus ouvertement autobiographique et sans doute le plus ambitieux, John Steinbeck se lance dans une longue lettre qu'il écrit quotidiennement à son ami et éditeur, Pat Covici. Pour lui, cette lettre ininterrompue a une triple vocation : elle le prépare physiquement et psychiquement à la rédaction de ses feuillets du jour ; elle offre un laboratoire dans lequel il revient sur les ambitions du chapitre ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Qui aspire à écrire ou peine à le faire devrait impérativement lire ce livre !

En 1951, alors qu'il attaque l'écriture de la Vallée de Salinas - qui deviendra ensuite À l'Est d'Eden - John Steinbeck entreprend de tenir en parallèle le journal de bord de ce qu'il espère être son chef d'oeuvre, par le biais de lettres adressées à son éditeur Pat Covici.

Si la partie droite de son cahier lui servent à coucher les deux pages quotidiennes de l'histoire familiale des Trask et des Hamilton, celles de gauche recueillent ses ambitions, ses doutes, ses colères ou ses petits aléas de la vie quotidienne.

Dans Les lettres d'À l'Est d'Eden, Steinbeck fait passer le lecteur de l'autre côté du miroir, s'échappant presque de lui-même pour s'auto-décrire dans son travail, sans concession ni recherche d'empathie, de compréhension ou d'indulgence.

C'est le making-up d'un grand livre, dans ses dimensions les plus hautes – ambition assumée et retard annoncé - comme les plus anecdotiques du quotidien – affres des crayons qui s'épuisent et se rachètent par quatre douzaines.

« J'espère juste qu'il ne sera pas ennuyeux. Mais s'il devait l'être, qu'il en soit ainsi. Parce que, comme je l'ai déjà dit, le livre va suivre sa propre cadence. Je vais le diriger, mais pas le pousser. »

On découvre Steinbeck très respectueux de son livre qui n'en est pas encore un, soucieux de ne pas en hâter le rythme, mais beaucoup moins de l'accueil qu'il recevra ou des ventes que Pat en prévoit.

« Ce livre devra traverse le même enfer que les autres et pour les mêmes raisons. Ce ne sera pas ce qu'on attend et donc ceux qui attendent ne l'aimeront pas. Et donc jusqu'à ce qu'il parvienne à ceux qui n'en attendent rien et sont prêts à emboiter le pas de l'histoire, personne ne sera susceptible de l'aimer. »

On le voit également tourmenté - « Il y a en moi tant de violence. Parfois je suis horrifié de la quantité. » - ou colérique : « Que Dieu me protège des amateurs. Ils ne savent pas ce qu'ils lisent (…) Ils ont l'autorité de l'ignorance et c'est une chose impossible à combattre, tout simplement. »

On découvre enfin l'auteur côté coulisses, secondé par sa deuxième femme Elaine qu'on sent indispensable, fusionnel avec ses deux fils Tom et John, bricoleur de génie ou étonné de la façon dont le grand Kazan va donner vie au cinéma à son précédent livre.

Ce recueil n'est qu'un de plus sur le travail de l'écrivain. Mais en abordant l'écriture par le savoir-être avec son livre à venir, plus que par le savoir-faire technique déjà traité par tant d'autres, Steinbeck offre un regard différent qui devrait être lu par tous ceux qui se confrontent à ce révélateur de soi-même, dans un livre passionnant du début à la fin et d'une actualité intacte.

« Une étrange affaire mystique, l'écriture. Aucun progrès n'a été fait, pour ainsi dire, depuis qu'elle a été inventée. »
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« Je dois dire une chose - je n'ai jamais pris autant de plaisir à mon travail qu'avec ce livre. Je suis aussi excité que le jour où je l'ai commencé. Mon énergie n'a pas décru. Je continue de penser que c'est LE LIVRE, en ce qui me concerne. Auparavant, j'ai toujours gardé quelque chose en réserve pour plus tard. Ici, je ne retiens plus rien. Ce n'est pas un entraînement pour l'avenir. C'est ce pourquoi je me suis entraîné. »

Du 29 janvier au 1er novembre 1951, Steinbeck écrit quotidiennement à son ami et éditeur Pascal Covici alors qu'il entame la rédaction d'À l'est d'Eden. Sur les mêmes cahiers, il rédige d'un côté la lettre et de l'autre le roman. C'est comme un échauffement avant de se mettre au travail. Il fait part à son ami de ses intentions, de ses doutes, de ses difficultés, de son enthousiasme pour son roman mais partage aussi de nombreux détails de sa vie privé et de son quotidien.

Dès le départ, Steinbeck conçoit son futur livre comme son grand roman. Il en est totalement exalté ! Il désire que tout le livre soit en contrastes, en équilibre et souhaite « maintenir une tonalité très basse et laisser le lecteur apporter l'émotion ».
D'un côté tout semble extrêmement maîtrisé et réfléchi et de l'autre le livre semble imposer son propre rythme à l'auteur. Steinbeck se fait gouverner par ce livre qui grandit tout seul et par la nature mouvante de l'histoire.

On découvre que le titre de départ n'était pas celui que nous connaissons. D'abord « La vallée de Salinas » puis « Ma vallée » puis « Le signe de Caïn » avant d'arriver à celui qui s'imposera et restera à la postérité.

Si vous avez lu le roman, vous serez très intéressé par le long et profond questionnement de Steinbeck sur le sens du mot « timshel », sur sa traduction exacte.

On perçoit parfaitement toute la rigueur de l'écrivain. Rigueur qui va se nicher dans les moindres détails comme l'importance du crayon (sa taille, sa longueur) et de l'utilité du taille crayon. On découvre d'ailleurs la quantité astronomique de crayons qu'il use!

Et puis il y a le Steinbeck intime. Celui qui se fait du soucis pour ses deux garçons, celui qui semble parfaitement heureux de partager la vie d'Elaine.
On le découvre aussi bricoleur, constructeur, inventeur, se réjouissant par exemple d'avoir enfin un établi de menuisier.

Une lecture indispensable pour les fans de
Steinbeck qui donne furieusement envie de relire ce chef d'oeuvre avec ce nouvel éclairage sur les intentions de l'auteur.
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Des lettres, écrites par John Steinbeck tout au long de l'écriture de SON roman, adressées à son éditeur et visiblement ami Pascal Covici. Il s'agit plutôt d'un journal de bord, qui flirte un peu parfois avec un journal intime, un peu seulement.

Steinbeck y parle essentiellement de son manuscrit, son avancée en terme de mots, de pages, cela vire à l'obsession par moments. Steinbeck y parle de sa discipline de travail, de ses difficultés d'écriture, de ses intentions, de ses réussites.

Steinbeck envisage ces dialogues, qu'il conduit seul, comme des lettres destinées à être lues un an après ; je suppose qu'il évoque la le temps d'écrire son roman. Mais il transmet son manuscrit au fur et à mesure à son éditeur en plusieurs morceaux. Est-ce qu'il transmet en même temps ces lettres-journal ? Elles sont écrites sur les pages de gauche d'un cahier, les pages de droite recueillant le manuscrit. Il y a un aspect matériel qui m'a échappé mais c'est un détail.

C'est une lecture assez émouvante car on perçoit la personnalité de Steinbeck au travers des nombreuses répétitions entre autres. Par exemple une certaine obsession pour ses crayons, qu'il doit bien choisir, bien tailler. Cela dit c'est un outil qu'il peut utiliser six ou sept heures par jour (il faudra que j'en parle à mes élèves de collège qui se plaignent et se massent la main au bout de dix minutes d'écriture même pas intensive). Ses préoccupations au sujet de ses fils, l'un d'eux en particulier. Son regard sur sa santé mentale et sa tendance dépressive.
"C'est probablement un de ces curieux cycles qui, chez la femme, résultent de la menstruation et, chez l'homme, provoquent ces plongées dans la dépression, à la limite de la folie."

Ses réflexions sur ses personnages sur lesquels il veut garder le contrôle.
"Ce serait une très bonne plaisanterie à faire aux personnages de mon livre de les laisser en plan, à m'attendre. S'ils essaient de m'intimider et de faire ce qu'ils veulent, je vais les mettre dans une situation impossible. Ils ne peuvent pas bouger tant que je n'ai pas un crayon en main. Ils sont frigorifiés, fixés dans la glace, un pied en l'air, avec le sourire qu'ils affichaient hier quand j'ai terminé."

Très intéressant de se trouver plongé dans le processus d'écriture d'un grand écrivain - prix nobel de littérature, très intéressant d'avoir accès à ses pensées quotidiennes.
"Quand je travaille à ce point sur un livre et avec cette concentration, cela signifie que je vis une autre vie. A mesure qu'il progresse, je donne, de façon croissante, plus à cette seconde vie qu'à la première. Je dois donc être très difficile à vivre dans la vie réelle, non parce que je suis méchant mais parce que je suis flou. Les choses faites de façon ordinaire sont oubliées. Mon expression doit être celle d'une stupidité brumeuse - mes réponses, lentes. C'est pendant ce temps qu'une femme devient tout d'abord agitée, puis mal à l'aise et enfin furieuse. Je ne sais que faire a ce sujet, mais voilà. Et un livre comme celui-là dure longtemps. Ce doit être une corvée terrible de vivre avec si tu ne l'écris pas."

Très intéressant et j'ai trouvé ça passionnant. Je recommande donc vivement.
"Je me demande parfois si je ne suis pas tous les gens que j'écris. Et, mon Dieu, ils sont tellement nombreux, je dois être des centaines."

Merci à Babelio d'organiser masse critique et aux éditions Seghers d'y participer.
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Alors qu'à l'est d'Éden n'est encore qu'une esquisse dans sa tête, il entame la rédaction de lettres à son éditeur et ami (à gauche de son carnet) avant d'écrire (à droite de ce carnet) le roman tel qu'il sera ensuite retravaillé. On y découvre ses doutes, ses avancées, sa vie privée, ses amitiés. J'y ai retrouvé la force de l'écrivain qui sait ce qu'il veut écrire et la liberté des personnages qui n'en font qu'à leur tête et lui échappent totalement : j'avais assisté il y a quelques années, à un atelier d'écriture avec un écrivain qui nous avait soutenu que ça n'existait pas, des personnages qui vous échappent, que c'était un mensonge d'auteurs. Comme j'aurais aimé avoir déjà lu ce livre pour lui montrer que "mais si ça existe". Non qu'il soit obligatoire que cela se passe ainsi, c'était sa certitude qui m'avait heurtée.

Chaque jour, Steinbeck écrit une lettre qui ressemble davantage à un journal intime, il s'agit d'une véritable plongée dans les profondeurs de l'acte d'écrire, mais aussi de vivre sans que cette vie ne teinte le roman (de sa tristesse ou de ce qu'il vit). Et parce qu'il s'agit avant tout d'un acte répété d'une optique inchangée, il arrive que la lecture le soit aussi, répétitive. Mais c'est cela justement qui fait la richesse de cette intimité improbable qui nous est offerte.

Merci infiniment pour ce cadeau à travers le temps, qui arrive ainsi jusqu'à nous.
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La fabrique d'un chef d'oeuvre.
Au cours de l'écriture de A l'Est d'Eden, Steinbeck eu pour habitude d'écrire une lettre par jour à son éditeur, dans un carnet qu'il lui remettrai en même temps que son roman fini.
C'est un très beau complément au roman qui nous en donne un nouveau regard, tout en nous plongeant dans la tête de son auteur. Tout y est inscrit, son humeur, ses angoisses, ses idées...
Je conseille de le lire tout en se replongeant dans A L'est d'Eden, il aide à approfondir sa lecture et son rapport au récit... N'hésitez pas a sauter quelques passages, étant une sorte de journal intime (pas destiné à la publication), il y a parfois des moments mous ou répétitif.
Merci aux éditions Seghers, qui n'arrêtent pas de me surprendre pour cette publication!
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Il faut avouer que ma deuxième journée de travail est un fiasco pour ce qui est de se mettre à écrire. Je souffre comme toujours de la peur d'écrire la première ligne. C'est étonnant d'être assailli par les terreurs, les choses magiques, les prières, la timidité qui raidit. Comme si les mots étaient non seulement indélébiles, mais qu'en plus ils se diluaient, telle la teinture dans l'eau, et coloraient tout ce qui les entoure. Une étrange affaire mystique, l'écriture. Aucun progrès n'a été fait, pour ainsi dire, depuis qu'elle a été inventée.
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Peut-être que la connaissance est réservée à la maturité et que peu de gens, finalement, y parviennent. Il leur suffit de s'épanouir et de se reproduire. C'est tout ce que la nature exige d'eux. Mais parfois, la conscience émerge chez un homme ou une femme - pas très souvent et toujours de façon inexplicable. Il n'y a pas de mots pour décrire cela, parce qu'il n'y a jamais eu personne pour les dire. C'est un secret non pas gardé, mais un secret enfermé dans une absence de mots. Le métier ou l'art d'écrire est la tentative de trouver des symboles pour combler cette absence de mots. Dans une solitude absolue, un écrivain tente d'expliquer l'inexplicable.
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On peut s'entraîner à quelque chose toute sa vie avec un résultat décevant parce qu'on s'est précipité au moment de finir.
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Ces dernières années ont été pénibles. Je ne sais si elles m'ont blessé de façon définitive ou non.
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(...) je crois que je déteste les amateurs dans n'importe quel domaine. Ils ont l'autorité de l'ignorance et c'est une chose impossible à combattre.
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