Les Simpson, tome 34 : La main dans le sac

"- Ah mais oui, c'est vrai, ça existe en BD !"
Voilà bien ma réflexion, il y a peu, lorsqu'à la bibliothèque, je vois passer un mioche, même pas adolescent, un mouflet arrogant avec une houppette sur le front, six bouquins sous le bras, enlacés comme un trésor pirate. Un coq. Fier comme Artaban. Exécrable. Et moi subitement jaloux. Je me dis mince, la houppette, dans ma jeunesse, c'était ringard au possible, pas de quoi fanfaronner de la sorte, à moins que sa lecture ne soit vraiment digne de Jean Bart ou Barbe Noire...

Myope d'un oeil ou deux, je m'approche du gamin, zieute vaguement son magot, impossible de discerner les titres d'ouvrages avec tous ces doigts boudinés devant. Qu'à cela ne tienne, je mènerai l'enquête jusqu'à la mort, le pactole sera mien ou ne sera pas ! (oui, j'ai l'héroïsme facile en milieu urbain).

Avec la grâce du vieux loulou de mer, je poursuis en toute discrétion le moutard qui rejoint deux autres mômes, du gel plein les cheveux et la morgue des brigands. La même ! Une pile de livres sous une forteresse de bras, infranchissable. Et surtout illisibles pour oeil-de-lynx. "- Ils vont bien les lâcher, à un moment donné, leurs albums, les poulbots !" que je me dis, curieux, mais fâché.

Je suis la marmaille jusqu'à la borne d'emprunt, en douce, tel l'inspecteur Gadget en planque, mais sans l'imperméable. Quand là, la révélation fuse : la menotte du chiard lâche le volume sous mes yeux ébahis. "- Ah mais oui, c'est vrai, ça existe en BD !" Les Simpson font encore des émules.

Mais pourquoi ranger ça au rayon jeunesse ? Dénature-t-on une série d'exception qui fait référence ? Je m'interroge. J'emprunte l'unique exemplaire qui reste (merci les gars, c'est bien aimable). Je rentre en courant, au pas de gazelle (j'ai le mollet fin). Pour lire. Derrière des lunettes somme toute pratiques.

Divisé en deux histoires indépendantes (aux auteurs distincts), l'album est tout public. La première histoire est tout à fait mature, la deuxième plus jeune. Une belle lecture à offrir à nos nourrissons, certes, à leurs parents également. On l'oublie parfois, mais le fond de commerce des Simpson reste la critique contemporaine. le fond cynique. La satire sociale. Or, dans cet ouvrage sur fond de clonage, grèves et luttes de classes, on est servi.

Ça manque un peu de tournures de phrases, de bons mots, est-ce la traduction qui veut ça ? L'ensemble reste en tout cas de bonne facture, caustique, fourni en références, généreux et drôle. Les repères sont là, c'est sympa, pas le chef d'oeuvre de l'année, mais divertissant. Je comprends la suffisance des forbans croisés la veille, projette de me faire une crête huileuse très prochainement sur le haut du crâne pour rejoindre leur bande de coqs éclairés, et surtout, de me pencher encore sur le trésor de mes camarades de gloriole. Parole de flibustier !