Un roman intime, existentiel et romantique sur l'amour toujours possible entre deux adultes d'âge mûr, témoignant et confirmant tout à la fois que de l'Obscurité peut surgir la Lumière.
En mars 2020, Salvador, un enseignant de 58 ans en retraite anticipée à la suite d'un burn-out, quitte Madrid avant le début du confinement. Il se réfugie dans une petite maison perdue dans les montagnes en emportant dans sa valise "
La Bible" et "Don Quichotte", deux livres « parfaits pour affronter la fin du monde ». Lors d'un passage à l'épicerie du village, seule sortie alors autorisée, il fait la connaissance de Montserrat, femme d'une dizaine d'années sa cadette. Entre eux naît un grand amour qu'ils vont construire au fil de leurs rencontres successives. Conscients que leur jeunesse est derrière eux, leurs tête-à-tête sont lumineux, intimes et passionnants, construisant une relation romantique, mûre, idéalisée, mais aussi sensuelle et charnelle.
La lecture de "Don Quichotte" stimule Salvador, lui qui admire la quête de liberté, d'amour et de beauté du « chevalier à la Triste Figure ». Salvador le considère comme un modèle de vie et il s'identifie tellement à son mentor qu'il rebaptise Montserrat en Altisidore, du nom d'un personnage du roman. J'ai aimé comment
Manuel Vilas sublime l'amour en le parant d'une aura de beauté, de transcendance et de rêve. Montserrat est la femme du quotidien, celle qui tient l'épicerie. Quand elle quitte cette condition ordinaire pour devenir amante, elle est Altisidore, une créature merveilleuse.
On a peut-être tendance à oublier que "Don Quichotte" est un roman d'amour. Sans fantasmes érotiques, la vie ne vaut pas la peine d'être vécue. Sans état amoureux, la vie ne vaut rien. C'est le sujet du roman de
Cervantès. La religion de Don Quichotte est l'amour. Et Salvador, qui fuit la laideur et recherche en permanence la beauté, veut vivre cet amour pur, total, entier et absolu avec sa Dulcinée.
La lecture de "Don Quichotte" pousse également Salvador à méditer sur le cours fantasque des événements où la nature prend désormais « les armes contre les humains ». le texte regorge de réflexions très intéressantes sur des thèmes universels. Il contient également de nombreuses critiques très acides envers les politiciens qui gèrent la pandémie, la monarchie, l'ordre établi, etc. J'ai vraiment apprécié les réflexions et l'esprit original, voire rebelle que l'on rencontre tout au long de la lecture. C'est très inspirant. La quantité de sujets de réflexion est impressionnante.
L'érotisme est par exemple un thème central du livre, un lieu de refuge pour nos deux amants au milieu de la crise épidémique mondiale qui les dépasse, un lieu mystérieux où ils trouvent le sens le plus profond de la vie. Salvador et Montserrat redécouvrent le sens du toucher, l'indispensable sensualité. C'est beau à lire. Ils s'interrogent sur la nature des baisers qui sont décrits dans le détail, jamais les mêmes et au goût changeant. « Et dire qu'on s'échine à trouver des sens à la vie qui ne sont pas liés aux transports de l'amour, du baiser, de l'érotisme. Comme s'il y avait quelque chose au-delà d'un baiser. Il n'y a rien. le virus l'a dit : il n'y a rien. »
Manuel Vilas utilise le pouvoir d'observation du regard, décrit chaque sensation comme si ses yeux filmaient le corps de l'autre. « Pourquoi son soutien-gorge est-il aussi incompréhensible à mes yeux ? Ça m'échappe. Je l'examine à plusieurs reprises, comme s'il s'agissait d'un dinosaure, d'une espèce animale inconnue. »
J'ai trouvé que l'auteur décrivait merveilleusement bien l'amour total, intégral, absolu et pur que les deux amants se vouent l'un à l'autre dans un équilibre parfait entre érotisme et tendresse. Il m'a conquis avec sa plume déchaînée et sa façon de raconter les choses comme s'il s'agissait de la dernière fois, du dernier baiser et même du dernier jour.