Sortie depuis peu de l'Atelier Noir de
Annie Ernaux, hanté par les interrogations auxquelles elle confronte son écriture, j'ai pensé d'abord, face au titre de
Sapienza Goliarda «
Les certitudes du doute » me retrouver devant le même type de questionnement.
J'ai terminé la lecture de ce récit autobiographique avec la certitude d'avoir retrouvé dans ces lignes, la virtuosité qui m'avait déjà frappée à la découverte de «
L'Art de la joie » ou encore de « Retour à Positano »,
Sapienza Goliarda écrit au plus près de ses émotions, dans une forme littéraire qui place le « je » dans son vécu le plus intime, elle choisit de donner vie à sa propre réalité au plus près de ses passions.
Contrairement à
Annie Ernaux, la distance entre « je » et le contexte, importe peu. Sapienza Goliada parle de l'endroit où sa passion pour Roberta prend forme, les choses de la vie sont évoquées en marge, comme un décor qui a peu de prise sur l'essentiel : son admiration pour la je
une femme, le regard qu'elle a sur elle.
La prison de Rebibbia occupe néanmoins une place essentielle dans le récit, elle évoque très rapidement le vol qui l'y a conduit, toutefois, de ces années d'emprisonnement, ce n'est pas la souffrance de l'enfermement qui ressort mais la chaleur humaine, la complicité partagée avec les codétenues, la Rebibbia fait figure d'une matrice protectrice, d'un lieu porteur d'échanges et de rencontres, c'est là qu'elle a connu Roberta, engagée dans les groupes d'une gauche extrême, qui dans ces années de braise déclinait par la violence ses convictions révolutionnaires. Après sa sortie de prison elle croise Roberta dans les rues de Rome, la ville devient au fil des pages, le théâtre de leurs rencontres. L'amour pour Roberta que
Goliarda Sapienza met en scène dans son récit, se décline de café en café, au fil des discussions, des rencontres, la rue de Rome, sert d'écrin à la relation magnétique qui la lie à Roberta. Aucune scène d'amour, un érotisme d'une très grande finesse, suspendu à la courbure d'un cou, la finesse d'une cheville. La réflexion que nous livre l'auteure est tout entière contenue dans la surprise que l'exploration du sentiment amoureux lui permet de découvrir, surprise d'observer l'autre, de deviner ses réactions, d'y trouver souvent comme un prolongement de soi. Dans sa relation à Roberta, c'est elle-même qu'elle retrouve, Roberta est un miroir, à travers les dialogues partagés, l'auteur aborde ainsi ce qu'est l'écriture pour elle, dans une forme différente elle rejoint
Annie Ernaux dans son rapport à l'écriture, prolongement indispensable de la vie vécue.
« Pour moi, ce que nous appelons vie ne prend de la consistance que si j'arrive à la traduire en écriture » (p148)
Tout entier contenu dans le mystère de l'attirance de Sapienza pour Roberta, le livre donne forme à toutes les questions et les interrogations que cet amour génère, ce sont les doutes que l'auteur exprime, son écriture leur donne vie et les transforme en certitude.
Une écriture vibrante.