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Nathalie Castagné (Traducteur)
EAN : 9782370550453
235 pages
Le Tripode (19/03/2015)
3.87/5   58 notes
Résumé :
Le dernier volet du cycle autobiographique de l'auteure. Elle raconte sa relation passionnelle avec la jeune Roberta, son ancienne codétenue et militante radicale. Ensemble, elles parcourent de long en large la Rome des années 1980, ville déchirée entre son histoire et un consumérisme en plein essor.
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Dans ce troisième volume de l'Autobiographie des contradictions, qui fait suite à L'université de Rebibbia, je retrouve avec bonheur l'écriture et la pensée si particulières de ma chère Goliarda. Son bref séjour, volontaire, en prison lui avait permis de nouer des liens très forts avec d'autres détenues. En particulier, avec Roberta, bien plus jeune qu'elle, et qui a déjà passé de nombreuses années derrière les barreaux, pour ses activités révolutionnaires. Ce livre est la narration de sa relation avec Roberta. Relation fluctuante, difficile, incertaine, en mouvement, et qui vaut ce titre en forme d'oxymore.
Ce qui est extraordinaire dans l'écriture de Goliarda Sapienza, et qui dut être extraordinaire dans son existence, c'est sa capacité d'attention permanente à tout ce qui constitue le flux de la vie, des sentiments, des pensées. Elle est capable de donner une plénitude à chaque instant décrit, à l'enrichir d'une gamme infinie de perceptions et de réflexions. Alors la lecture de cet opus est un vrai régal de justesse dans la recherche de soi et des autres.
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Rédigé en 1980-81 et publié en 1987, Les Certitudes du doute est le dernier ouvrage autobiographique de l'autrice italienne. Il relate l'histoire de sa passion amoureuse pour Roberta, une jeune militante des Brigades Rouges rencontrée lors de leur séjour en prison, et retrouvée en liberté une fois sa peine purgée. Au départ, les retrouvailles entre les deux femmes qu'un différence d'âge d'une génération sépare ressemblent à un jeu de cache-cache motivé par les doutes et les réticences mutuelles : Roberta n'a-t-elle représenté pour Goliarda qu'un simple égarement durant la réclusion et ses privations, et réciproquement ? N'est-elle pas désormais, elle parmi d'autres anciennes détenues libérées qu'elles s'empressent de revoir ensemble, le reflet de cette nostalgie de la chaleur des relations humaines entre condamnées – entre femmes – dans ce milieu carcéral protecteur et intellectuellement stimulant, notamment par la présence des « politiques » aux côtés des « [prisonniers de] droit commun » ? Est-elle d'emblée destinée à devenir le personnage d'une oeuvre littéraire, dont l'écriture prolongera la vie, de même que celle de la narratrice ? Et d'autre part, pour Roberta, Goliarda n'est-elle pas une infiltrée qui essaie d'être mise en contact avec les cadres des Brigades Rouges pour le compte de la police ? Ou bien une simple écrivaine, « voleuse » de l'histoire des gens pour les fins de sa création ?
Mais au fil des rencontres et des rendez-vous dans des lieux inhospitaliers de Rome – bars de gare, de stations de métro, banlieues éloignées et glauques, lieux de réunions semi-clandestines, sans oublier l'improbable salle de bain, arrière-boutique de la parfumerie d'une ancienne codétenue, où les trois se retrouvent nues... – les incertitudes se dissipent et, avec une précision impeccable, l'évolution des sentiments amoureux entre les deux protagonistes est décrite jusqu'à des sommets émotionnels impressionnants. de ce fait, nous avons là le récit d'un amour lesbien chez deux bisexuelles assez avant-gardiste pour le début des années 80 ; de manière beaucoup plus allusive mais non moins intéressante, le paysage intellectuel de la gauche radicale italienne des « années de plomb » se développe, représenté par les deux générations – Goliarda plaçant le militantisme « terroriste » de Roberta en rapport antagoniste avec sa propre expérience de la Résistance. Enfin, le personnage de Roberta est complexifié et apparaît plus mystérieux et insaisissable à Goliarda, et par conséquent au lecteur, à cause de l'addiction de la jeune femme à l'héroïne, qui inspire une horreur et une compassion « maternelle » à l'autrice. La passion est là, avec son sentiment de communion en profondeur, mais la compréhension réciproque est douteuse voire illusoire, et la lucidité de l'autrice ne s'en cache pas.
Le texte résulte donc riche et complexe, rendu par une langue soignée et raffinée, attentive aux sauts de registre, aux nuances dialectales et aux disparités du parlé entre classes sociales – la traductrice a fait preuve d'un remarquable talent pour faire ressentir, avec beaucoup de modernité, les aspérités et rugosités de cette langue dans toute sa finesse.
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Sortie depuis peu de l'Atelier Noir de Annie Ernaux, hanté par les interrogations auxquelles elle confronte son écriture, j'ai pensé d'abord, face au titre de Sapienza Goliarda « Les certitudes du doute » me retrouver devant le même type de questionnement.
J'ai terminé la lecture de ce récit autobiographique avec la certitude d'avoir retrouvé dans ces lignes, la virtuosité qui m'avait déjà frappée à la découverte de « L'Art de la joie » ou encore de « Retour à Positano », Sapienza Goliarda écrit au plus près de ses émotions, dans une forme littéraire qui place le « je » dans son vécu le plus intime, elle choisit de donner vie à sa propre réalité au plus près de ses passions.
Contrairement à Annie Ernaux, la distance entre « je » et le contexte, importe peu. Sapienza Goliada parle de l'endroit où sa passion pour Roberta prend forme, les choses de la vie sont évoquées en marge, comme un décor qui a peu de prise sur l'essentiel : son admiration pour la jeune femme, le regard qu'elle a sur elle.
La prison de Rebibbia occupe néanmoins une place essentielle dans le récit, elle évoque très rapidement le vol qui l'y a conduit, toutefois, de ces années d'emprisonnement, ce n'est pas la souffrance de l'enfermement qui ressort mais la chaleur humaine, la complicité partagée avec les codétenues, la Rebibbia fait figure d'une matrice protectrice, d'un lieu porteur d'échanges et de rencontres, c'est là qu'elle a connu Roberta, engagée dans les groupes d'une gauche extrême, qui dans ces années de braise déclinait par la violence ses convictions révolutionnaires. Après sa sortie de prison elle croise Roberta dans les rues de Rome, la ville devient au fil des pages, le théâtre de leurs rencontres. L'amour pour Roberta que Goliarda Sapienza met en scène dans son récit, se décline de café en café, au fil des discussions, des rencontres, la rue de Rome, sert d'écrin à la relation magnétique qui la lie à Roberta. Aucune scène d'amour, un érotisme d'une très grande finesse, suspendu à la courbure d'un cou, la finesse d'une cheville. La réflexion que nous livre l'auteure est tout entière contenue dans la surprise que l'exploration du sentiment amoureux lui permet de découvrir, surprise d'observer l'autre, de deviner ses réactions, d'y trouver souvent comme un prolongement de soi. Dans sa relation à Roberta, c'est elle-même qu'elle retrouve, Roberta est un miroir, à travers les dialogues partagés, l'auteur aborde ainsi ce qu'est l'écriture pour elle, dans une forme différente elle rejoint Annie Ernaux dans son rapport à l'écriture, prolongement indispensable de la vie vécue.
« Pour moi, ce que nous appelons vie ne prend de la consistance que si j'arrive à la traduire en écriture » (p148)
Tout entier contenu dans le mystère de l'attirance de Sapienza pour Roberta, le livre donne forme à toutes les questions et les interrogations que cet amour génère, ce sont les doutes que l'auteur exprime, son écriture leur donne vie et les transforme en certitude.
Une écriture vibrante.
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Ma lecture tant appréciée de L'Université de Rebbibia est un peu trop ancienne pour renouer facilement avec les amitiés carcérales de Goliarda.
Deux ans après un vol de bijoux, Goliarda est arrêtée et envoyée à la prison de femmes de Rebbibia, une volonté d'écrivain de plonger dans ce monde marginal. Elle y noue des amitiés inoubliables.
Dans ce texte autobiographique, Goliarda évoque ses retrouvailles avec Roberta dans le Rome des années 80.
Le titre affirme que nous sommes dans le cycle de l'autobiographie des contradictions et le fond confirme cette ambiance.
Attirance et méfiance, violence et tendresse, liberté et regret de l'univers carcéral, jeunesse et vieillesse, droit commun et politique. Toutes les relations entre les deux femmes soufflent le froid et le chaud avec toutefois une amitié inaltérable qui lie tous ceux qui ont connu la prison.
Goliarda s'interroge sur ses sentiments. « Est-ce qu'être attaché à quelqu'un qui vous est si profondément nécessaire ne rentrerait pas dans les catégories de l'amour? »
Qu'est-ce qui l'attire vers Roberta? L'attirance de la jeunesse pour cette gamine de vingt quatre ans qui pourrait être la fille qu'elle n'a jamais pu avoir. Cette sensation que Roberta est sa lune noire, sa jumelle, une autre si semblable à elle-même. Ce regret nostalgique de l'univers carcéral où le temps et les frontières n'existent plus.
» Parce qu'elle y a grandi, dans la réclusion, sur ce damier sans fin d'heures coupées jusqu'à l'insupportable en minutes et secondes, et peut-être en quelques mesures temporelles qui nous sont encore plus imperceptibles, à nous gens du dehors. Roberta a été élevée en prison – depuis qu'elle y est entrée pour la première fois à quatorze ans- comme vous qui lisez avez été élevés chez les soeurs ou à l'école publique ou dans quelque collège huppé d'au-delà des Alpes. »
Roberta est un être insaisissable qui peut passer de la violence aux larmes, opportuniste et dévouée à ses amis de prison. Elle perçoit les hésitations de Goliarda et la guide vers la Rome débauchée qui semble toujours la fasciner, elle la sicilienne rebelle.

Ce récit est beaucoup moins romanesque que L'université de Rebbibia ( pourtant autobiographique lui aussi) mais il met en évidence la dualité du personnage de l'auteur, sa fragilité. Lorsque Roberta qui pense que l'écriture est une chose personnelle et sacrée demande à Goliarda pourquoi elle écrit…
» Oh, pour deux raisons seulement! Pour me défoncer -exactement comme pour toi l'héroïne- cela seul me fait vivre pleinement la vie. Pour moi, ce que nous appelons vie ne prend de la consistance que si j'arrive à la traduire en écriture….la seconde est une conséquence de la première: raconter aux autres – je ne crois pas qu'on écrive pour soi-même – les visages, les personnes que j'ai aimées et ainsi, je sais que ça peut paraître sentimental et naïf mais je m'en fous, et ainsi-disais-je- prolonger de quelques instants leur existence et peut- être la mienne. »

Avec Les certitudes du doute, Goliarda prolonge quelques instants la vie des personnes qu'elle aime et trace cette manie de se parler à elle- même pour donner une vie à sa part de joie.
Lien : https://surlaroutedejostein...
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Belle découverte que cette auteure inclassable. Si Les certitudes du doute appartiennent à un cycle autobiographique, il se lit également seul et constitue une entité en soi, qui donne, bien entendu, envie d'aller fouiner du côté de cette grande université improbable de Rebibbia.
Ce texte riche, intense et profondément poétique, ne m'a pas laissée insensible. On suit les revirements de Goliarda Sapienza sortie de prison (hélas, serait-on tenté d'ajouter, tant est grande la nostalgie carcérale !). Perdue dans cette vie trop vaste et pleine d'obligations, Goliarda renoue avec ses anciennes compagnes de Rebibbia, et en particulier Roberta, une jeune femme intelligente, dont elle retombe amoureuse.
Cette jeune femme lui apparaît comme son double, son sosie, son autre face, et cette gémellité de l'âme l'attire profondément. Mais, en même temps qu'une jumelle, c'est également une fille, on les prend d'ailleurs constamment pour mère et fille, ce dont joue l'auteure avec humour tout au long du récit. L'ironie est extraordinaire, si intelligente et subtile, comme le personnage insaisissable et fascinant de cette jeune fille révolutionnaire à la sagesse centenaire. Elle a été à bonne école ; la meilleure, celle de la prison de Rebibbia, qui est devenue désormais si réputée que les ex-prisonnières commettent des délits pour y retourner, mais les places sont maintenant chères !
Voilà un récit romancé, poétique, sensible, touchant, qui aborde des thèmes d'une manière très personnelle et originale : l'incarcération, l'amitié entre opprimés, la solidarité. C'est également un portrait vivant de la Rome résistante et souterraine dans les années 80, malgré le désenchantement des utopies.
Un magnifique portrait de femme, et une réflexion sur l'écriture comme témoignage de destinées atypiques (les lettres des prisonniers, un projet littéraire initié par Roberta et poursuivi par Goliarda) et en tant que vocation de l'auteure. Enfin, une relation hors norme, prenant toutes les formes de l'humanité qui peuvent unir deux êtres, en particulier deux femmes.
On plonge dans cet univers avec le désir d'y rester, nous aussi, lecteur, encore et encore…
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
3. [Goliarda prenant la voix de la narratrice dialoguant avec elle-même :] « Elle a même maigri, constate Goliarda, s'arrêtant un instant, et tout cela en quelques jours, comment est-ce possible ? À cette question, la réponse implacable : la drogue tue envahit son cerveau : ou tu fais quelque chose pour l'aider, ou il est inutile de continuer à la voir... File chez toi et arrête une bonne fois pour toutes de profiter de son amitié en refoulant par commodité son état !... Je vais me tourner vers la sortie bloquée par un détachement de Vikings à demi nus, les visages cuits par le soleil, leurs cheveux de paille voltigeant à l'air, quand une autre pensée plus cruelle que la première m'arrête : cette sensibilité d'infirmière de la Croix Rouge, apparemment humanitaire, cache l'orgueil et la présomption d'être un dieu avec quelques pincées de morale. Chacun n'est-il pas libre, peut-être, de choisir sa mort ? N'ai-je pas joui d'une paix sans limites ces derniers mois justement parce qu'elle, ma Lune Noire, m'a promis de me libérer, en cas de nécessité, de la douleur de vivre ? Honteuse de mon impulsion faussement protectrice, la vieille phrase sacrée : tu dois l'aimer telle qu'elle est, triomphant de l'exécrable habitude de vouloir l'autre semblable à ce qu'on avait imaginé au départ – ce qui signifie en fait : semblable à vous-même (maudite identification, toujours maudite!) –, m'aide à espérer que mon amour trouvera la voie pour lui ouvrir les yeux sur ce qu'elle veut vraiment... » (p. 124)
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— Pourquoi écris-tu, Goliarda ?
— Pour prolonger de quelques instants la vie des personnes que j’aime.
— Et avec la leur, la tienne, hein, renarde rusée ?
— Bien sûr. Qui déteste la vie au point de ne pas résister que la sienne ne soit au moins un peu prolongée ?
— Bien, alors peut-être un jour écriras-tu sur moi.
C’est cela que Roberta voulait de moi ? Renaître littérairement, personnage vivant dans un livre ? Un désarroi nouveau me prend. Parviendrai-je, moi, privée par la marâtre nature de la joie d’enfanter, parviendrai-je à façonner à l’intérieur de moi ce petit cocon informe de chair pour en faire une petite fille, sinon belle et bonne, du moins pas difforme ou ne manquant pas de quelque membre ? Voilà la terreur ancestrale que toutes les femmes éprouvent à chaque fois qu’elles se sentent grandir un être en elles… Serai-je capable de surmonter cette terreur, et prenant papier et stylo, de me mettre à ce dur travail d’accouchement charnel et mental qu’il me faudra pendant des mois et des mois affronter chaque matin et peut-être chaque heure ? Je ne sais pas, — mais j’ n’ai plus qu’à me jeter dans le vide en retournant à elle, la recherchant, me rendant enceinte de son image et la laissant mûrir en moi, la nourrissant constamment jusqu’à ce que, enfin modelée, elle puisse passer des ténèbres à la lumière : Roberta, mon enfant.
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Jamais la proximité charnelle d'une femme, de toutes celles que j'ai aimées mentalement, n'avait réveillé mes sens. Et pourquoi, marâtre Nature, me la mettre sous le nez quand, comblée par l'heureuse rencontre avec un homme (ou c'en est justement la cause?), j'avais remisé mon côté homosexuel dans le recoin tranquille de la sublimation où, en dépit de toutes les modes, il y a aussi du bonheur?
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Ne le sait-on pas depuis longtemps, que la littérature peut être une panacée pour toutes les maladies de l'esprit ?

*

Et il ne s'agit pas seulement (…) du danger négligeable de retourner en la fréquentant, pour la seconde fois en prison, mais de la certitude que continuer à la suivre, comme je suis en train de le faire, signifiera bientôt pour moi affronter encore une fois la destruction complète de ce que je suis, aujourd'hui 10 avril 1980, et la résurrection consécutive qui malheureusement suit toujours (comme il est plus facile de mourir une fois pour toutes !) les petites morts par amour qui nous assaillent sans relâche, nous misérables mortels.

*

Car on peut tout enlever à l'homme, peut-être, mais pas la pulsion du départ, du voyage, avec ce qui les accompagne, la découverte de nouveaux mondes à explorer.

*

Tu le sais très bien. Syndrome carcéral. Pourquoi le refuser ? C'est doux d'avoir le regret de quelque chose.

*

(…) raconter aux autres - je ne crois pas qu'on écrive pour soi-même - les visages, les personnes que j'ai aimées et ainsi, je sais que ça peut paraître sentimental et naïf mais je m'en fous, et ainsi - disais-je - prolonger de quelques instants leur existence et peut-être aussi la mienne. J'aime beaucoup la vie ! Traite-moi de connasse ringarde, mais pour moi c'est ainsi !

*

"Tu as déjà perdu des amis à cause de ce bonheur ?"
"Oui"
"Toujours la même histoire ! Tout le monde est prêt à t'être proche si on te sait seule et qu'il ne t'arrive rien de nouveau. Mais dès que tu rencontres quelqu'un ou quelqu'une qui te donne du bonheur, tout le monde est contre toi. (…) Que perdent-ils ou que croient-ils perdre ? Ca m'est arrivé à moi aussi, j'en souffre encore.

*

"Pourquoi écris-tu Goliarda ?"
"Pour prolonger de quelques instants la vie des personnes que j'aime."
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2. « Et puis, où trouver une place, dans mon organisme préindustriel forgé à "l'honorabilité", pour le ridicule – oh, pas aux yeux des autres – du spectacle d'un réveil des sens si tardif qu'il fait suspecter une brusque sénilité ? Jamais la proximité charnelle d'une femme, de toutes celles que j'ai aimées mentalement, n'avait réveillé mes sens. Et pourquoi, marâtre Nature, me la mettre sous le nez juste quand, comblée par l'heureuse rencontre avec un homme (ou c'en est justement la cause?), j'avais remisé mon côté homosexuel dans le recoin tranquille de la sublimation où, en dépit de toutes les modes, il y a aussi du bonheur ?
Pourquoi, surtout, faire incarner ce réveil par une gamine toute jeune qui pourrait être ma fille ? J'exagère, peut-être ? me demandé-je, retournant pour la énième fois à cet après-midi avec l'espoir de trouver un petit chemin d'ironie à emprunter (je me suis si souvent sauvée de cette façon). Non, ce n'est pas de l'exagération. L'écho plein de frissons exaltants que ces bras et ces lèvres charnues ont imprimé en moi, me faisant perdre la notion de moi-même et toute faim, en est un signe indubitable. Aucune femme jusque-là ne m'avait fait perdre l'appétit. » (pp. 106-107)
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Vidéo de Goliarda Sapienza
Par Marie Vialle Dans le cadre du festival Italissimo 2024
Liberté, désir et rébellion. Dans Moi, Jean Gabin, Goliarda Sapienza retrace l'histoire d'une enfance insoumise dans la Sicile des années Trente. À une époque où le fascisme étouffe la société italienne, une enfant de Catane, captivée par les images du film Pépé le Moko, ne rêve plus que de devenir Jean Gabin, symbole d'une vie libre et passionnante. Par l'auteure de L'Art de la joie, Moi, Jean Gabin est l'un des plus beaux textes de Goliarda Sapienza, à la fois roman autobiographique et testament philosophique qui célèbre la liberté et les rêves. À l'occasion du centenaire de la naissance de l'écrivaine, Marie Vialle met son talent et sa virtuosité au service d'une histoire magnifique.
À lire – Goliarda Sapienza, Moi, Jean Gabin, trad. de l'italien par Nathalie Castagné, le Tripode, 2012
Lumière par Hannah Droulin Son par Alain Garceau Direction technique par Guillaume Parra Captation par Marilyn Mugot
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