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EAN : 9782234074736
152 pages
Stock (18/03/2015)
3.58/5   30 notes
Résumé :
Lorsque la mère de Benjamin Stora est décédée en 2000, il a découvert, au fond du tiroir de sa table de nuit, les clés de leur appartement de Constantine, quitté en 1962. Ces clés retrouvées ouvrent aussi les portes de la mémoire.
La guerre est un bruit de fond qui s’amplifie soudain. Quand, en août 1955, des soldats installent une mitrailleuse dans la chambre du petit Stora pour tirer sur des Algériens qui s’enfuient en contrebas, il a quatre ans et demi et ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Une babeliaute m'a permis de découvrir le livre de Benjamin Stora Les clés retrouvées – Une enfance juive à Constantine. Mille fois merci.
Le sujet me concerne et l'auteur m'intéresse. Benjamin né dans une famille juive en 1950, quitte l'Algérie le 16 juin 1962. Moi, né en 1952 dans une famille espagnole, je quitte l'Algérie le 13 juin 1962.
Beaucoup de réminiscences, de clins d'oeil, de situations vécues, de personnages, de vocabulaire, de postures, résonnent avec ce qu'enfant, j'ai vécu et ressenti.
Comment ne pas s'émouvoir en lisant que la mère de Benjamin Stora avait emmené les clés de sa maison de Constantine, geste qui fut celui de ma Grand-Mère Damiana lorsqu'elle quitta son village de Vera en Espagne pour migrer vers l'Algérie, et que ma mère reproduira en quittant l'Algérie où sa mère l'avait fait naître…
Je fus donc un lecteur attentif, soucieux de retrouver dans les mots de Benjamin Stora le reflet de ma propre expérience.
Vue de l'extérieur, on a parfois du mal à comprendre la société algérienne d'avant 1954. Elle s'est construite autour de plusieurs communautés ayant chacune leur histoire, leur religion, et leur parcours migratoire – les « indigènes » - ce terme à lui seul est explicite, les espagnols migrants du XIXème siècle et réfugiés de 1936, italiens, les Maltais – eux-mêmes se qualifiant d'Européens par opposition aux indigènes ; les petits colons français enfants de la commune pour certains et migrants obligés pour d'autres ; les vrais colons agriculteurs français, le plus souvent viticulteurs - externalisant leurs investissements nationaux en Algérie ; les fonctionnaires français investis de leur pouvoir…au nombre de ceux-ci l'armée française, la police et la gendarmerie.
En temps normal…- en prononçant ces trois mots toutes les précautions oratoires que l'on peut imaginer, ces communautés vivent ensemble ou plutôt coexistent mais peuvent s'ignorer, ou pas, fraternisent parfois, fréquentent les mêmes lieux ou pas.
Mais ce sont là des histoires d'adultes. L'enfant, et c'est l'intérêt de le faire parler, ne se soucie pas de ces frontières communautaires…il joue avec ses semblables, jusqu'à un certain point.
Benjamin est né dans cette partie de Constantine que le guide Hachette de 1950 décrit avec un tact tout relatif :
« La partie entre la rue du sergent Paul Atlan et le ravin du Rummel renferme encore de curieux quartiers indigènes, arabes et juifs, qui subsistent à peu près intacts »
Notez les termes suivants : curieux, indigènes, arabes, juifs. Ce sont là des termes utilisés par les « français de la Métropole » pour qualifier les habitants de ce curieux pays dans lequel ils sont venus travailler, pacifier, éduquer, défendre….
Mais, écoutons Benjamin :
« J'ai vécu une enfance heureuse de petit citadin qui ignore les joies de la campagne, dans cette vieille cité, bâtie sur un rocher, d'accès difficile, assez impénétrable, si ce n'est par ces ponts. »
« L'aspect citadin contredit un certain nombre de stéréotypes. On croit ainsi que les enfants d'européens d'Algérie étaient des fils de colons. Ce n'est évidemment pas vrai. »
Il fréquente les cinémas de Constantine,
le Vox, l'ABC, le Nuñez, le Versailles, le Casino, se promène sur la place de la Brèche via la rue Caraman – «..Un paseo très méditerranéen, en Italie, en Espagne, les gens en font de même…là les potins pouvaient se propager très facilement… »
« C'est aussi l'existence de nombreux petits métiers : le repasseur de couteaux…les vitriers, les rempailleurs de chaises… »
« Dans le vieux quartier juif de Constantine, juifs et musulmans vivaient imbriqués les uns dans les autres, et séparés du quartier dit « européen ». Deux villes se juxtaposaient ainsi dans la ville : la judéo-arabe, la vieille cité de Constantine où s'entassait une population extrêmement nombreuse et complètement mêlée ; et l'européenne qui se trouvait à Saint-Jean, de l'autre côté. »
Connait ses premiers émois,
« La proximité des garçons avec les femmes dans les appartements ou les hammams favorisait l'éveil à la sensualité, au désir. »
Mesure ce qui le rend différent,
« La France lointaine m'apparaissait comme le monde du silence, de la verdure et de la fraicheur. Je voyais l'Algérie en jaune et la France en vert, pâturage… »
« Je suis donc né en France dans un département français d'Algérie, comme d'autres sont nés dans le Cantal. »
« Enfant, la France c'était l'école et mon institutrice. Elle était blonde aux yeux pâles, distinguée….Une image qui contrastait fortement avec celle plutôt agitée, bruyante et noiraude de nos famille. »
« le dimanche midi, par exemple, on avait droit au sauté de veau aux petits légumes, aux bouchées à la reine. Mais le shabbat, on mangeait la t'fina traditionnelle, ou le couscous et les boulettes… »
Et puis, à partir de 1957, la guerre, larvée jusqu'alors s'est imposée aux yeux de tous, on ne pouvait plus l'ignorer,
« La France en Algérie existait par la démonstration (…) de sa force militaire. Celle-ci s'est accrue à partir de 1957 avec l'arrivée du contingent, des jeunes métropolitains, quasiment des enfants, totalement perdus dans ce pays qui les surprenait… »
Des « événements » jugés mineurs par les familles Zaoui et Stora, l'avait précédé, l'insurrection de novembre 1954 avec l'apparition du FLN, et cette manifestation à Constantine du 20 août 1955, pourtant jugée comme « le début des temps difficiles ».
« C'était donc ma première image de guerre que cette entrée soudaine dans l'appartement de militaires français. »
Les premières lignes du prologue sont consacrées à cet événement :
« C'était le 20 août 1955. J'avais quatre ans et demi. Il faisait très chaud ce jour-là dans notre petit appartement (…). Et puis, brusquement, des soldats sont entrés. Ils ont ouvert la fenêtre, installée un sorte de trépied, et posé une mitrailleuse dessus. Ils ont tiré. le bruit était épouvantable. Les douilles sautaient, et une odeur âcre a envahi ma petite chambre. »
« Une autre image de la guerre qui me revient, ce sont les « rues barrées » par l'autorité militaire. (…) Je me rappelle les barbelés, les barrages, les chicanes…»
Il fallait partir,
Les événements d'Algérie sont vécus par la communauté juive au prisme de la solidarité du monde arable avec la lutte du peuple algérien. Les juifs deviennent une cible : « un attentat au Casino de la Corniche, lieu de rendez-vous de la jeunesse juive algérienne (…) un homme âgé de soixante-cinq ans, David Chiche, fut arrosé d'essence par un groupe de jeunes musulmans (…) une grenade (…) lancée dans la synagogue de Boghari (…) »
« Les promesses d'une Algérie fraternelle et égalitaire semblent s'évanouir. La guerre avait durci tous les comportements. »
Le 22 juin 1961, le chef d'orchestre Raymond Leyris est tué « (…) d'une balle de 9 mm tirée dans la nuque. (…) La mort de M Leyris (…) a jeté (…) la consternation dans les milieux musulmans et israélites. »
Le choix du départ, le 12 juin 1962, s'impose à la famille Stora « vingt jours seulement avant la proclamation de l'indépendance algérienne. Nous sommes donc partis parmi les derniers de notre quartier, dans la précipitation. ».
Le livre de Benjamin Stora tente, pour autant que cela soit possible, d'objectiver les facteurs qui ont conduit à l'abandon du rêve d'une société algérienne « fraternelle et égalitaire », au triomphe des « ultras » sur les partisans du « vivre ensemble ». La page 109 illustre de façon parfaite le processus qui conduit chaque algérien à se dire : « (…) il fallait désormais être dans un camp ou dans l'autre (…)
J'ai personnellement retrouvé beaucoup de points communs entre mon père, Espagnol catholique, je le rappelle, et celui de Benjamin Stora : la volonté de partir le plus tard possible motivée par une croyance indéfectible en l'homme, plus que dans les organisations ; cette rencontre avec des responsables locaux du FLN qui assurent le père de Benjamin qu'il n'aura rien à craindre dans l'Algérie indépendante…mais qui le conduit à conclure : « cette fois nous partons en France. » (Page 115)
Seul bémol à la lecture, le fait que parfois, voire souvent, la voix de l'enfant Benjamin – celui des années 1955-1962- se perde dans celle de l'historien Benjamin Stora. Au moment où l'enfant se confie, parle de ses émois, de ses analyses approximatives, subjectives, l'historien intervient pour compléter par une référence, un contrepoint, un souvenir différent, l'apport d'un événement historique avéré…c'est quelquefois gênant.
Toutefois, je recommande ce livre à tous ceux qui veulent avoir une vision claire, précise et sans préjugés de la situation en Algérie dans les années précédant son accession à l'indépendance, du rôle des différentes communautés, de la dégradation de leurs relations du fait de l'irruption de considérants exogènes dans leur vie domestique et sociale.
Je ne puis m'empêcher de citer les dernières lignes du livre :
« Lorsque ma mère est décédé en 2000, j'ai retrouvé au fond du tiroir de sa table de nuit le trousseau de clés. C'était bien celui de l'appartement de Constantine, qu'elle avait toujours conservé. Comme les histoires de Marranes qui emportaient dans le Nouveau Monde les clés de leur maison d'Espagne, de l'Andalousie perdue. »
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Le 20 août 1955, Benjamin Stora a 4 ans et demi et la guerre fait irruption dans sa vie, dans cette ville de Constantine où il a appris les lettres en hébreu, parlant l'arabe avec sa mère… Une vie en harmonie avec un environnement où chacun avait sa place, se termine.
L'auteur replonge dans cette enfance retrouvée avec les clés de leur appartement de Constantine, découvertes en 2000, au fond du tiroir de la table de chevet de sa mère qui vient de décéder.
Elle vivait au foyer pendant que son père vendait de la semoule : « La paix, la santé étaient au-dessus de tout. » Scolarisé à l'école publique, il consacre le jeudi et le dimanche à l'école talmudique dans cette ville d'Algérie bâtie sur un rocher, à 600 m d'altitude, avec ses ponts suspendus au-dessus des gorges du Rummel.
Constantine qui s'appelait Cirta lorsqu'elle était capitale de la Numidie, est une ville chargée d'histoire. C'est « une ville du sud… retranchée derrière ses remparts » où « la vie était laborieuse et fastidieuse, mais aussi entraînante et gaie. »
Après avoir salué la victoire d'Alphonse Halimi, un enfant du pays, Champion du monde des poids coq, le 25 octobre 1960, Benjamin Stora insiste sur le décret Crémieux du 24 août 1870, naturalisant les juifs d'Algérie. Ils ne sont plus des dhimmis protégés mais soumis en terre d'islam, mais des Français.
Dans cette ville, la musique tient une place importante avec le maalouf aux sonorités arabo-andalouses. Au cours de ses études, l'historien qu'est devenu Benjamin Stora découvre que les juifs d'Algérie, malgré quelques racines espagnoles, sont presque tous des Berbères, « les véritables indigènes de ces terres. »
L'abrogation du décret Crémieux, par le régime de Vichy, en octobre 1940, fut un véritable traumatisme : « les juifs n'étaient plus des citoyens français mais des juifs indigènes algériens. » Ce décret est rétabli en 1943 mais deux courants se sont créés : ceux qui croient en le socialisme représenté par l'Urss et ceux qui soutiennent Israël et le sionisme. Sur place, l'auteur constate une réelle coupure entre les européens et les juifs qui ne vivent pas dans les mêmes quartiers.
À partir de 1957, les appelés du contingent sont là et il les voit comme « des touristes en uniforme kaki » dans Constantine. Comme les autres, les Stora et les Zaoui, la famille de sa mère, ne se doutent pas de ce qui va advenir. La mort se rapproche et la peur, l'angoisse augmentent.
Le 22 juin 1961, Raymond Leyris, « Cheikh Raymond », le musicien juif chantant en arabe le plus célèbre d'Algérie, est abattu sur le marché et cela déclenche une émotion considérable à Constantine où une foule énorme suit son enterrement.
À l'école, c'en est fini de la convivialité entre juifs et musulmans. Les départs sont massifs vers la France. Pour ses parents, cela était impensable mais il faut s'y résoudre le 12 juin 1962 et ressentir, à Paris ou dans sa banlieue, « un sentiment d'inquiétude et de solitude. »
L'auteur détaille toutes les difficultés rencontrées : « la solitude, le mépris, le fait d'être mal considéré, mal accepté. » Cette mémoire reste vive et douloureuse et Benjamin Stora (photo ci-jointe) a bien fait de faire revivre tout ce passé en peu trop vite mis sous l'éteignoir, l'histoire de « ces juifs d'Algérie qui se sont voulus simplement des « pieds-noirs », jetés dans l'exode de l'été 1962. »
Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Comme les marranes chassés d’Espagne avaient emporté en exil les clés de leur maison, Benjamin Stora retrouve, dans les affaires de sa mère décédée en 2000, les clés de leur appartement de Constantine, qu’elle avait soigneusement conservées avant le grand départ de la famille pour la Métropole le 16 juin 1962.

Et moi, peu à peu, après les ouvrages de Michèle Perret et Mokthar Sekhri, je continue à llire pour vouloir mieux comprendre le drame de ces rapatriés qui ne suscitèrent alors, il faut bien l’avouer, pour nous Français de France, qu’indifférence, crainte et mépris, avec surtout le soulagement de la fin d’une coûteuse guerre perdue d’avance.

Benjamin Stora est l’un des principaux historiens de la Guerre d’Algérie. Dans son dernier ouvrage, il nous livre son expérience de jeune juif arraché à son pays natal à l'âge de 12 ans, et précipité dans les tourments d’un exode massif. Et pour percevoir sa détresse, il faut commencer par regarder quelques images de l’extraordinaire site de la ville de Constantine, aux précipices vertigineux et aux multiples passerelles. Comment quitter un tel environnement ?

L’auteur nous explique comment se situe l'antique communauté juive de Constantine : parlant l’arabe mais allant à l’école de la République, très attachée à ses rites et pourtant localement imbriquée dans la ville musulmane, bien séparée d’une population européenne qui lui semble riche et chic mais avec laquelle elle n’a aucun contact. Tiraillée entre deux univers. Ses parents évoquent souvent le traumatisme de la période récente de Vichy avec l’abrogation du décret Crémieux, la perte brutale de la nationalité française accordée en 1870. Au cours du conflit franco-algérien, les juifs d’Algérie sont sollicités des deux côtés : d’abord par le FLN puis par l’OAS. Mal guéris des avanies de Pétain, anxieux de ne pas se dissocier de la France, ils vivent le conflit dans le trouble, parfois même, indique l’auteur, dans la mauvaise conscience.

Cependant, le processus d’assimilation de la culture française a fait son œuvre depuis plusieurs générations. Le basculement vers l’Algérie française entraîne la séparation avec les Algériens musulmans. La décision du départ interviendra cependant, pour la famille Stora, de façon tardive : fin de la guerre avec les accords d’Evian, incendies de synagogues, lettres de menaces contre les commerçants juifs, assassinat du célèbre musicien maalouf Raymond Leyris, le beau-père d’Enrico Macias ..

Ce sera donc l'exode vers la France pour la plus grande part et non pour Israël que les juifs d'Algérie connaissent mal et parce que nombre d'entre eux sont fonctionnaires, enseignants, et qu’ils souhaitent vivre dans un Etat qui protège la liberté de culte, dans un mouvement ultime d’assimilation.

C’est alors le choc brutal entre la vision d’une France inconnue mais idéalisée et la dure réalité : solitude, déclassement social, précarité, mal-logement, adaptation au salariat comme nouvelle forme de socialisation. En une dizaine d’années, les Juifs d’Algérie vont s’arracher à des siècles de présence en Afrique du Nord – puisqu’ils y sont présents dès la conquête romaine et sans doute avant, parmi les Berbères – et profondément bouleverser le judaïsme français, se sentant à la fois profondément Français et profondément Juifs.

Benjamin Stora raconte comment il s’en est sorti, grâce à de brillantes études puis à l’engagement politique dès mai 68, et à ses recherches universitaires qui nous permettent aujourd’hui, sans remords et sans parti-pris, d’étudier cette étape difficile de notre histoire. Une façon aussi de comprendre la sensibilité ombrageuse à la question de la déchéance de nationalité …

Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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Benjamin Stora est né 6 ans avant moi en Algérie en 1950. Aussi avait-il 12 ans au moment des « événements ». Je n'en avais que 6 lorsque je quittais la Tunisie, comme lui l'Algérie, en 1962.
Une partie de ma famille était pourtant française d'Algérie et ne partit De Bone que le grand âge venant à la fin des années 70. C'est dire l'intérêt que j'ai pris à lire ce récit personnel appuyé sur des témoignages ou des thèses et ouvrages relatant les faits.
Son livre décrit bien la volonté de la communauté juive d'accéder à la paix et à la sécurité mais aussi celle de s'occidentaliser à travers les temps tout en restant fidèle à une France qui l'avait pourtant trahie par deux fois.
Benjamin Stora semble dire que ce choix de la France s'est basé sur une admiration du modèle français, tout en nuançant ses propos. Il est bon d'insister sur cela, moi qui ai toujours de bons amis juifs installés en Israel.
Beaucoup de juifs qui sont arrivés en France n'ont pas eu d'autres choix ne parlant pas l'hébreu, et souvent fonctionnaires de l'Etat français, espérant être vite reclassés sur le continent.

Il décrit très bien aussi la précarité de ceux qui arrivèrent en France, les brimades et la xénophobie ambiante. Traumatismes dont ni sa famille ni la mienne ne se sont vraiment remis .
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Les dimensions intimes de l'histoire d'un « monde perdu »
Mémoire, mémoires, « La guerre d'Algérie était cachée dans les plis de ma mémoire d'enfant » ; la langue, les langues, français, hébreux, arabe « je parlais arabe à la maison, avec ma mère » ; une suite plus biographique au livre Les trois exils Juifs d'Algérie (voir en fin de note)… « L'enfance est comme hors temps, un bloc où tout se mêle »

Une si longue histoire, la présence juive précédant celle des arabes, le statut de dhimmis, les décrets Crémieux en 1870…

Constantine, deux villes, l'une judéo-arabe, l'autre européenne, la séparation communautaire, puis le début de la migration vers l'autre quartier, « un signe avant-coureur d'une transformation de l'espace judéo-arabe »…

L'école, les écoles, les « inégalités juridiques, politiques, sociales et économiques dans l'Algérie coloniale des années 1950 », un monde de « préjugés ancestraux »…

En commun, les langues, les mélopées de prière, les parentés musicales, les traditions culinaires, la vie judéo-musulmane, « Mais je me vivais comme Français »…

Le désir d'émancipation, de conquête d'égalité et l'attachement aux « traditions » dont la pratique de la langue arabe…

Benjamin Stora insiste sur les impacts à court et long terme de la « naturalisation collective » des juifs et juives d'Algérie par le décret Crémieux d'octobre 1870.

L'auteur parle de la double séparation, femmes et hommes, « Juifs et musulmans », de la famille, des traditions, de l'Algérie berbère et juive profondément religieuse, de la France si proche et si lointaine, de l'école de la République comme lieu de permissivité, de l'abrogation du décret Crémieux par le gouvernement de Vichy, de la possible transgression des lois religieuses (savoureuse devanture de la pâtisserie de Jost), du cinéma, des quartiers séparés, de la richesse des Européens enviable et inaccessible, des douceurs culinaires orientales…

La guerre, la non-publication des communiqués du FLN s'adressant à la communauté juive, le choix de la France « émancipatrice » et le refus de partir, la dualité identitaire, le durcissement des comportements, « le basculement irréversible vers l'Algérie française »…

L'accentuation, la confirmation de la séparation, cette séparation commencée antérieurement, du statut au social, la mobilité « paradoxale », l'« occidentalisation sur place »…

L'exil, l'appartement nettoyé et fermé à clé comme pour un départ en vacances, exil mais « ils ne se vivaient pas comme des immigrés, des réfugiés, mais comme des Français jetés dans l'exode », la France, la découverte du salariat comme « nouvelle forme de socialisation », l'assimilation, la dissimulation des origines juives et orientales…

L'élargissement des possibles, l'addition des « racines », l'allégement du poids communautaire, Mai 68, une autre histoire…

Un livre de mémoires, « mémoire vive et douloureuse », les aspects contradictoires de l'insertion sociale juive dans ses milieu judéo-arabe et français. Les identités troublées et mouvantes…

« Lorsque ma mère est décédée en 2000, j'ai retrouvé au fond du tiroir de sa table de nuit le trousseau de clés. C'était bien celui de l'appartement de Constantine, qu'elle avait toujours conservé. Comme les histoires de marranes qui emportaient dans le Nouveau Monde les clés de leur maison d'Espagne, de l'Andalousie perdue ».
Lien : https://entreleslignesentrel..
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critiques presse (2)
Bibliobs
16 juin 2015
On découvre à travers ses yeux d’enfant et au fil de son écriture sensible tout un monde désormais englouti.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Lexpress
23 mars 2015
Dans cet exercice délicat d'ego-histoire, où la sensibilité affleure sans jamais envelopper le propos de l'historien, planent les lourds nuages de la "séparation communautaire" entre "Européens", musulmans et juifs.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
La peur de la dispersion de la famille, de la communauté juive de Constantine, des gens que je connaissais et que mes parents connaissaient dans le quartier. Car une peur naît dans l'arrachement de l'exil, celle que toute une vie antérieure disparaisse, que ce monde de l'Algérie de l'enfance soit englouti.

p. 118
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Lorsque ma mère est décédée en 2000, j’ai retrouvé au fond du tiroir de sa table de nuit le trousseau de clés. C’était bien celui de l’appartement de Constantine, qu’elle avait toujours conservé. Comme les histoires de marranes qui emportaient dans le Nouveau Monde les clés de leur maison d’Espagne, de l’Andalousie perdue
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La guerre d’Algérie était cachée dans les plis de ma mémoire d’enfant
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L’enfance est comme hors temps, un bloc où tout se mêle
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