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EAN : 9791097160586
256 pages
Massot éditions (14/02/2019)
4.64/5   7 notes
Résumé :
Un collectif d'écrivains réfugiés et reconnus dans le monde écrivant sur la vie des réfugiés.

Les Déplacés est une série de témoignages d'écrivains qui ont été, à un moment de leur vie, des réfugiés.

Vietnamien, Afghan, Chilien, Iranien, Ukrainien ou Éthiopien d'origine, tous relatent le traumatisme de l'exil, l'inévitable fracture familiale, l'improbable voyage vers l'inconnu, pour fuir la guerre, la persécution, la misère, mais aussi ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique

Vingt récits d'écrivains, en comptant la préface de Viet Thanh Nguyen, connu pour son roman le Sympathisant. Même si l'on choisit de lire, comme je l'ai fait, dans le désordre les différents témoignages, selon les connaissances que je pouvais avoir de tel ou tel écrivain, selon les affinités aussi - Marina Lewicka, dont j'avais déjà lu un roman, dont les origines ne sont pas si différentes de celle de mon père - il est indispensable à mes yeux de commencer par ce que l'on saute souvent : la préface. Il nous rappelle des faits, des évidences que l'on oublie trop souvent : Enfermer des hommes et des femmes dans un camp, c'est les punir, quand leur seul crime est de vouloir sauver leur vie et celle de leurs proches.
Aucun témoignage n'est une redite du précédent, non seulement parce que chaque cas est unique (évidence) mais parce que l'on en finit pas d'envisager les diverses conséquences d'avoir été déplacé. Prenez Chris Abani, le tout dernier témoignage. Il ne se souvient pas, il était trop petit. Cependant, il se met à la place de son frère qui a dû subir une lourde responsabilité : porter le bébé qu'il était sur des kilomètres. Il a donc une perception différente de ses enfants qu'il voit dans les reportages, à la télévision. Il n'est pas le seul à évoquer le sort des enfants, qui plus que d'autres ont dû sur-vivre, devenir des guerriers parfois, qui ont eu une enfance différente de celle de leurs aînés ou de leurs cadets. Il y a l'après aussi : le nouveau pays et l'obligation de "gratitude", ou plutôt ce qui est jugé être "l'ingratitude" du réfugié, qui devrait passer sa vie à remercier, à se montrer digne de l'accueil qu'il a reçu. (Dina Nayeri) Gratitude est d'ailleurs le titre d'un roman de Joseph Kertes. Dans son texte, il nous parle de l'espoir, mais aussi de ce (ceux) que les réfugiés laissent derrière eux. A moins d'avoir perdu toute sa famille, le réfugié laisse derrière lui des proches, qui pensent que, peut-être, plus jamais ils n'auront de ses nouvelles (voir "Quand l'histoire se répète" de Vu Tran). Cela peut vouloir dire aussi rester, un moment, pendant que d'autres sont partis et qu'il faudra du temps pour les rejoindre.
Il n'est pas facile de lire tous ces récits, qui sont tous d'une forte charge émotionnelle. Cela ne veut pas dire que l'on tire vers le pathos, non, le but n'est pas de faire pleurer dans les chaumières, mais de rendre compte de ce que signifie être exilé, être déplacé, être loin du pays que l'on a aimé, même si les personnes qui sont en face de vous ne comprennent pas, ne veulent même pas savoir que vous avez aimé ce pays parce qu'ils ont la tête emplie de clichés sur lui.
Les déplacés est un recueil riche, prenant, qui ne peut pas laisser indifférent.
Merci à Babelio et aux éditions Massot pour ce partenariat : parmi tous mes choix de la précédente Masse critique, c'est vraiment ce livre qui me plaisait le plus.
Lien : https://deslivresetsharon.wo..
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Ce n'est pas la première fois que Masse Critique est à la base d'une drôle de coïncidence.

Il avait suffit que je commence à visionner la troisième saison de Twin Peaks pour que Babelio ne me propose l'espace du rêve, l'autobiographie de David Lynch. Et cette fois, j'étais en pleine lecture du Sympathisant de Viet Thanh Nguyen lorsque l'opération Masse Critique me propose ce livre qu'il a supervisé. En fait, je l'avais coché avant même de remarquer le nom sur la couverture.

La thématique de la migration et des réfugiés me touche tout particulièrement, surtout depuis que je me suis engagé dans l'hébergement d'urgence de demandeurs d'asile. La question des réfugiés n'est donc pas pour moi un sujet théorique. C'est une réalité à laquelle je suis confronté par l'entremise de O, A, T, G, Z, K et de nombreux autres que j'ai croisé au fil du temps.

Pour ce ivre, Viet Thanh Nguyen a compilé les textes de 19 auteurs, auquel il a ajouté un texte de son cru. Tous ont connu la migration, non pas choisie, mais subie. La fuite d'un pays en guerre, des persécutions, de la misère... A chacun sa raison. Certains sont partis adultes. Beaucoup étaient enfants.

Tous sont des réfugiés.

Dans son texte introductif, Viet Thanh Nguyen explique que même s'il a quitté le Vietnam lorsqu'il n'avait que 5 ans; même s'il est depuis un modèle d'intégration, un citoyen "modèle", un écrivain récompensé du prestigieux prix Pulitzer, il reste un réfugié. Il lui serait facile de se définir comme immigré. Pourtant, comment occulter le fait que sa famille fut contrainte de fuir leur pays et que de ce jour, ils ont été privé de leur statut d'homme. Ils sont devenus des réfugiés. Une masse anonyme, une mer de visages. Viet Thanh Nguyen pense que le rôle d'un écrivain est d'entendre les voix des oubliés et les faire résonner dans le monde. En ouvrant ces pages, il permet à 19 auteurs, dont l'identité littéraire et humaine a été marquée par l'exil, de faire résonner des voix oubliées.

Chaque texte explore donc une voix, une expérience. La première conclusion est qu'il est illusoire de tenter de délivrer un portrait robot du réfugié. Chaque destin est unique. Chacun porte ses fantômes, sa souffrance, ses espoirs, son bagage.

Certains véhiculent cette rage les oblige à atteindre l'excellence, de montrer qu'ils ont mérité leur place, quitte parfois à changer de nom en espérant mieux se réinventer dans cette nouvelle vie, comme Joseph Azam. A contrario, dans le très beau texte "l'ingratitude du réfugié", Dina Nayeri insiste sur cette équation impossible que le réfugié doit résoudre: l'injonction à réussir comme pour justifier le fait d'avoir été accueilli. Et pourtant il reste cette l'obligation de rester "en retrait", de ne pas donner l'impression de pouvoir faire aussi bien, voire mieux que nous. Être réfugié induirait de rester "sous contrôle", de ne pas s'émanciper à notre détriment. L'équilibre est compliqué: ni trop, ni trop peu. Ni veule, ni avide. Cette demande paradoxale aboutit à des constats surprenants, comme lorsque David Bezmozgiz estime que beaucoup de réfugiés de la génération de ses parents soutiennent désormais Trump ou la folie xénophobe qui agite l'Angleterre du Brexit.

Il est de fait peu question d'actualité dans ce livre. Son sujet est ailleurs. Sur la manière dont l'identité des réfugiés est profondément altérée, les condamnant à un entre-deux permanent. Ni vraiment d'ici, ni de là-bas. Certains considèrent que la condition de réfugié est une question de temporalité, d'autres de géographie, voire d'un soubresaut de l'espace temps. Lev Golinkin, qui raconte avoir passé des heures avec son père dans les musées viennois, où on ne lésinait pas sur le chauffage et où les réfugiés se fondre dans e décors, comme des fantômes, la définit comme la transition entre "quand est-ce qu'on manger" à "quand va-t-on nous nourrir". Non pas comme une marque d'assistanat, mais comme ce moment où on n'est tellement plus maître de son destin, que l'on perd jusqu'à sa qualité d'humain. On devient une chose qui (mal)traite.

Cette incapacité à définir de manière unanime ce que signifie "être réfugié" et comment cela affecte la personne démontre la violence qu'ils ont dû subir. Et pourtant, tous les textes sont le fait d'intellectuels, de personnes qui ont "réussi", que l'ont pourrait considérer comme "ayant dépassé leur statut de réfugié". Si cette souffrance transparaît encore chez eux, qu'en est-il des autres ? Les non-intégrés, les dés-intégrés ?

Ce livre interroge et bat en brèche certaines idées reçues, simplement parce qu'il a écouté les voix des oubliés. La voix des déplacés.
Lien : https://labdmemmerde.blogspo..
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Plonger dans ces récits réunis et préfacés par l'écrivain Viet Thanh Nguyen, c'est approcher un peu le chemin de l'exil. Un chemin aux mille facettes, marqué par la perte, l'adaptation, l'accueil, la rencontre, le rapport à l'autre, le rejet, la reconstruction d'une vie, d'une identité. Etre réfugié, c'est être habité par la perte et trouver comment l'accepter, c'est (re)naître à l'ombre de son ancienne histoire à l'image de Joseph Azam dans Noms et prénoms. C'est devenir l'autre, l'étranger, celui que l'on ne voit pas, celui que l'on voit trop, celui par qui le malheur arrive quand tout est déjà fragile autour. Mais arriver dans un nouveau pays, c'est aussi trouver protection et sécurité comme le raconte Kim Thùy avec Dans les bras des géants.
On traverse, dans ces récits, l'horreur et la souffrance bien sûr, celles des guerres, des soulèvements, des persécutions mais aussi une forme de douceur parfois, celle d'un nouveau foyer, d'une paix retrouvée, quand on peut enfin souffler, laisser le coeur s'apaiser et commencer à rêver d'avenir. Car si l'exil, c'est le renoncement nécessaire c'est aussi l'envie de croire que vivre est encore envisageable, c'est oser et lutter pour espérer offrir à ses enfants un nouveau champ des possibles. Des récits intenses qui disent l'exil dans toute sa pluralité, qui racontent aussi la diversité du monde et de l'homme.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Le petit Mark, 8 ans, suit une longue traînée de réfugiés, son petit frère dans les bras. Moi. Cette image me hante. Elle hante notre relation. Le poids de ce corps de bébé s'ajoute au traumatisme de la guerre qui nous a déplacés, devenant pour mon frère un fardeau qu'il ne peut poser, de crainte de le laisser mourir et, avec ce bébé, une part importante de lui-même. Comment a-t-il réussi à porter son petit frère à pied sur des dizaines de kilomètres, avec la peur de tomber de fatigue, de le lâcher, terrorisé par les balles et par la mort, une menace qui, bien que réelle, reste inimaginable dans l'esprit d'un enfant de 8 ans ?
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Enfermer des hommes et des femmes dans un camp, c'est les punir, quand leur seul crime est de vouloir sauver leur vie et celle de leurs proches. Les camps de réfugiés appartiennent à la même catégorie inhumaine que les centres de rétention, les camps de concentration et les camps de la mort. (Viet Thanh Nguyen, p. 16)
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Enfermer des hommes et des femmes dans un camp, c'est les punir, quand leur seul crime est de vouloir sauver leur vie et celle de leurs proche. Les camps de réfugiés appartiennent à la même catégorie inhumaine que les centres de rétention, les camps de concentration et les camps de la mort.
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Telle était la clé de notre intégration au sein de cette ville, une communauté qui estimait nous avoir sauvés, mais ne voulait rien savoir de notre passé.
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Il fallait nous imaginer jouer les traducteurs dans les réunions parents-professeurs et aider nos parents à tenir leru commerce le week-end. Nous étions tous visibles, et vulnérables, à notre manière.
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