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Sophie Benech (Traducteur)Aleksej Mihailovic Remizov (Illustrateur)
EAN : 9782909589015
115 pages
Interférences (11/08/2003)
4/5   10 notes
Résumé :
Moscou, 1919.
Sur les décombres d'une Russie meurtrie par la guerre civile et la révolution, on brûle les livres pour se chauffer, on les troque contre de la farine et des harengs. À l'instigation de Mikhaïl Ossorguine, journaliste et romancier, une poignée d'intellectuels va pourtant fonder une librairie qui deviendra légendaire. Gardiens des livres passés et à venir, ils recueillent patiemment les débris des bibliothèques éparpillées ou pillées, ils diffuse... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Un petit trésor absolu... à lire et relire, pour dire et redire la nécessité de la culture, de la protection vitale des livres, de la liberté de penser, de rêver, de
s'instruire, cette magie des échanges humains à travers les époques, les civilisations, le monde dans sa richesse, etc...

"En dépit d'un débit parfois énorme, il était rare que nous puissions vivre uniquement sur les revenus de la librairie, et chacun se débrouillait comme il pouvait, avec des conférences ou une activité d'enseignant, un peu grâce à la littérature - traductions, participation à de maigres ouvrages imprimés par des éditeurs privés. Néanmoins, en demeurant parmi les livres, nous remplissions une tâche discrète, mais capitale : nous étions les gardiens et les propagateurs des livres, et nous aidions les gens qui liquidaient leurs bibliothèques à ne pas mourir de faim."

Une lecture acquise depuis déjà un bon moment... que je me prends à relire, avec bonheur, le récit d'une expérience étonnante de résistance, pleine d'humanité, d'amour des personnes, de la littérature et de la culture dans l'histoire russe, avec ses soubresauts politiques , l'effondrement monétaire,
les nationalisations, et réquisitions, ainsi que ses périodes de censure et de chasse aux écrivains et artistes...!

"Et c'était vrai, nous parvenions à tout trouver, on nous achetait des livres par charrettes, par camions entiers. Etant donné la dévaluation quotidienne de l'argent, ce commerce à l'échelle de "toute la Russie" nous permettait de manger non seulement du millet, mais parfois même de la viande de cheval, et de venir en aide à des familles d'écrivains et de professeurs dans le dénuement. "(p. 40)

Des auteurs décidèrent d'agir face à la censure et à la condition terrible de leur statut, ainsi que face à la destruction des valeurs culturelles, humanistes... ainsi surgit une expérience unique et précieuse: une "Librairie des écrivains" !

Je me permets de mettre un extrait du résumé de cette publication proposée par l'éditeur, qui est parfaitement explicite :
"Moscou, 1919.
Sur les décombres d'une Russie meurtrie par la guerre civile et la révolution, on brûle les livres pour se chauffer, on les troque contre de la farine et des harengs. À l'instigation de Mikhaïl Ossorguine, journaliste et romancier, une poignée d'intellectuels va pourtant fonder une librairie qui deviendra légendaire. Gardiens des livres passés et à venir, ils recueillent patiemment les débris des bibliothèques éparpillées ou pillées, ils diffusent, sous forme de manuscrits enluminés, les livres qui continuent à s'écrire, ils aident poètes, écrivains et philosophes à survivre tant matériellement que moralement, en leur offrant, outre des secours concrets, un refuge contre le prosaïsme d'un quotidien misérable (...)"

Cet ouvrage, en plus de son intérêt historique et littéraire est un très joli livre comme tous les ouvrages des éditions Interférences, entre l'esthétique réussie des couvertures, ainsi qu'un papier crème de belle qualité [***j'ai un grand souvenir du texte de Varlam Chalamov, "Mes Bibliohèques ", chez ce même éditeur]
Le récit est complété par le catalogue des éditions manuscrites de "La librairie des Ecrivains", ainsi que par deux plaquettes originales, imprimées sur papier de couleur, d'Alexei Rémizov et de Marina Tsvétaïeva (Poèmes de 1920, imprimés sur vergé bleu)

"Il est possible que, dans ces souvenirs consacrés à notre enfant chéri, je n'aie pu m'empêcher d'idéaliser un peu le caractère de cette entreprise commerciale. Je pense néanmoins que ce fut un phénomène historique, ne serait-ce que par l'époque même de son existence (les années 1918 à 1922), et qu'il valait la peine d'en dire quelques mots. La Librairie des écrivains représente un paragraphe assez particulier de l'histoire de la culture russe et plus précisément, celle du livre russe. "(p. 33)

Une très belle lecture à tous niveaux, dont la principale, est cet engagement sans faille d'artistes, d'écrivains pour sauver un maximum de livres tout en permettant à leurs congénères de survivre, de ne pas "crever de faim"...
Une expérience unique, magnifique dans des temps obscurs et obscurantistes, sans parler de la misère générale , qui met au pilori , en tout premier lieu, la culture, le savoir..et l'existence de tous les jours des écrivains et artistes,en général.!!
@Soazic Boucard- 7 mai 2020
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Parfois quelques minutes volées au temps vous rendent très heureux.
Lors de la journée passée au salon du livre, en fin d'après midi quand tout le monde se presse pour faire des photos, pour apercevoir tel auteur à succès, j'ai flâné chez les petits éditeurs, ceux où il n'y a pas foule, pas de grand nom qui dédicace.
Attirée par les couvertures magnifiques des éditions Interférences, j'ai feuilleté et emporté 3 petits livres, celui-ci est le premier lu et je souhaite vous faire partager mon plaisir et mon émotion.

Tout d'abord il ne s'agit pas d'un livre à la mode, ni de ces livres distribués largement à tous les chroniqueurs de blogs et de Navarre pour qu'ils en fassent un compte rendu dithyrambique...non c'est un petit volume datant de 1994, qui dit en quelques pages comment dans la tourmente de la révolution russe, quelques écrivains ont tenu ouverte une librairie, se sont organiser pour venir en aide à des écrivains démunis, ont permis à des propriétaires de bibliothèques de vendre leurs livres et ainsi d'échapper pour un temps à la famine.

Mickaïl Ossorguine raconte comment un petit groupe va faire vivre cette « Librairie des écrivains »
Il le raconte avec une simplicité pudique, à ceux qui s'étonneraient de la tolérance des autorités, Ossorguine répond « pourquoi nous tolérait-on ? Sans doute parce qu'au début, nous étions passés inaperçus, ensuite, on ne comprit pas très bien quelle sorte d'institution nous étions, ou peut-être estima-t-on malséant de s'en prendre à des écrivains travaillant sur les bases d'une coopérative sans employer de salariés. Une fois que la librairie eut acquis sa popularité, on la toléra par inertie, tout simplement. »

L'inflation les obligeait à changer le prix de livre chaque jour aussi l'inscrivaient-ils au crayon et convertissaient-ils les prix devenus fous en denrée alimentaire, le livre valait une livre de farine, un litre d'huile.
L'argent étant uniquement consacré à acheter des livres, l'aménagement de la librairie recourait au système D.
« Un menuisier fabriqua d'après nos plans des bibliothèques pour lesquelles nous extorquâmes des planches à une coopérative. Sur les rayonnages s'alignèrent des livres transportés à dos d'homme, certains venant de maisons d'édition survivant encore, d'autres de chez nous – de nos réserves, dont nous étions contraints de nous séparer – d'autres enfin de chez des amis. En guise de caisse, une boîte en carton, en guise de vitrine, une planche inclinée devant une fenêtre qui se couvrait de givre le soir et se réchauffait vaguement au matin. »
Mais qu'on ne s'y trompe pas c'était une vraie librairie : « Les classiques, russes et étrangers, occupaient à eux seuls une pièce entière. »
Ossorguine agrémente son histoire d'anecdotes parfois cocasses ou émouvantes et dresse en annexe la liste des livres publiés par la libraire en effet lorsque papier et la possibilité d'imprimer ont disparus, les écrivains vont vendre leurs livres sous forme de manuscrits, formidables défis et volonté hors du commun.

vous trouverez en fin de volume des reproductions d'illustrations et des fac-similés en particulier des poèmes de Marina Tsvétaïeva ainsi publiés.
Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Créée en 1918 à Moscou par un groupe d'hommes de lettres passionnés, la Librairie des écrivains a incarné en quatre années d'existence (1918-1922) le symbole d'une contre-révolution intellectuelle dont l'histoire méritait bien d'être racontée : après les révolutions de 1917, la Russie ruinée par la guerre civile, laisse à la rue des populations affamées. Alors même que les campagnes de nationalisation des commerces étaient censées réguler l'économie et permettre une répartition équitable des ressources, la fermeture progressive des librairies classiques ou leur conversion massive vers des modèles de littérature exclusivement socialiste, ont paradoxalement, à cause de la misère et de la crainte des réquisitions forcées, incité de nombreux bibliophiles à brader leurs trésors parfois même en échange de sucre ou de farine. Selon Mikhaïl Ossorguine, l'un des premiers commanditaires de cette singulière librairie coopérative et auteur des textes de cet ouvrage : « La librairie des écrivains fut sans doute en Russie, l'unique institution culturelle et commerciale à sauvegarder son indépendance morale et matérielle au travers de ces années terribles de chaos, de terreur et d'effondrement des valeurs spirituelles. » (p.11). Initialement publiés dans la revue Vremmenik obchtchestva drouzeï rousskoï knigui, ces quelques textes de Mikhaïl Ossorguine sauront toucher le coeur des bibliophiles car, au delà de la fabuleuse aventure de la librairie coopérative des « Gardiens des livres », ce que ces textes donnent à voir, c'est que quelle que soit sa forme d'expression, la résistance (ici intellectuelle et artistique) contre toute forme de suprématie, implique un processus de réflexion indispensable pour une société en bonne santé... En somme, une belle " leçon de résistance " à découvrir...

Outre les reproductions des plaquettes originales de deux manuscrits d'Alexeï Rémizov (dessins) et de Marina Tsvétaïeva (poèmes), notons la présence du catalogue unique en son genre, des éditions manuscrites de la Librairie des écrivains. Pour les bibliophiles et amateurs, ce catalogue regorge d'informations insolites que je vous recommande de découvrir comme par exemple les matériaux de support utilisés : écorce de bouleau, papier peint ou encore billets de roubles non découpés, on réalise avec plaisir l'inventivité des auteurs qui, ne disposant pas de papier, n'hésitaient pas à diversifier leurs supports d'écriture. On constatera aussi avec étonnement les indications de troc pour le paiement des manuscrits qui pouvaient se faire en échange de livres d'huile ou de farine. Ce qu'il faut voir par là, c'est qu'avec un peu d'imagination, il est toujours possible de (ré)inventer de nouveaux modèles économiques " vertueux" capables de fédérer des communautés de passionnés autour d'un projet solidaire. Ayant durablement marqué l'histoire de Moscou
Lien : http://embuscades-alcapone.b..
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Moscou, 1918, dans le chaos hérité de la guerre civile et des révolutions, une poignée d'intellectuels et de journalistes mus par l'amour des livres fonde La Librairie des Écrivains, un espace coopératif célèbre de la rue Léontiev et qui perdura jusqu'en 1922.

Alors que le rouble s'effondre, le livre devient monnaie d'échange. Les bibliothèques et les maisons d'éditions privées se vident par charrettes et traîneaux entiers, Ossorguine et ses amis rachètent ou troquent contre du pain, de la farine, des harengs, du bois de chauffage mais jamais ne spéculent. Pourtant leurs rayonnages se couvrent de livres qui vaudront parfois de l'or, des ouvrages français du XVIIIe, des italiens du XVIIe, beaucoup de gravures, des lettres manuscrites de Catherine II et de dignitaires connus qu'ils céderont finalement au Musée historique de Moscou. La Librairie approvisionne les bibliothèques ouvrières, les universités, les écoles, les clubs. Elle apporte également son soutien à l'Union des Écrivains.

Profitant de ce que la censure n'est pas encore en vigueur, des auteurs russes, ayant beaucoup de difficultés à se faire éditer faute de papier, d'encre, d'imprimeries, se virent offrir par la Librairie des Écrivains la possibilité de diffuser leurs oeuvres manuscrites et illustrées par leurs soins. Deux reproductions de livres-autographes (dont des poèmes de Marina Tsvétaïeva) sont joints aux articles de Mikhaïl Ossorguine. La Nouvelle Politique Économique (la NEP) instaurée en 1922 et qui autorisait le commerce privé mais, en contrepartie, exigeait des impôts exorbitants, sonna le glas de cette fabuleuse aventure. Ne reste que ce beau témoignage.
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Merci Dominique qui a la suite d'un article de Goran, m'a conseillé et prêté ce petit livre. Il est enrichi par des dessins d'Alexeï Rémizov et de beaux poèmes de Marina Tsvétaïeva. Cet essai témoigne d'une expérience vécue par l'auteur qui a d'abord fui la Russie tsariste pour revenir ensuite participer à la révolution. Sous le régime bolchevique, s'installe une censure impitoyable, un régime de terreur et une grande famine. Comment ces gens qui faisaient vivre une librairie indépendante ont-ils réussi à survivre et à ce qu'elle dure quelques années ? Sans doute, parce qu'au début « on » ne les a pas remarqués puis, ensuite, parce que leurs compétences étaient utiles. On voit dans cet ouvrage l'énergie que des êtres humains sont capables de déployer pour faire vivre la culture. Les écrivains créaient de petits livres manuscrits pour faire connaître leurs oeuvres. J'avais appris dans mes cours d'histoire que la NEP avait été un moment de répit pour les populations. en réalité c'est la NEP qui aura raison de la librairie car si la propriété privée est bien rétablie tout ce qui peut rapporter un peu d'argent est très lourdement taxé avant même d'avoir rapporté .

L'autre aspect très douloureux qui sous-tend cet essai, c'est l'extrême pauvreté dans laquelle doivent vivre les classes éduquées à Moscou. C'est terrible d'imaginer ces vieux lettrés venir vendre de superbes ouvrages pour un peu de nourriture. Et c'est terrible aussi, d'imaginer tout ce qui a été perdu de la mémoire de ce grand pays parce qu'il n'y avait plus personne pour s'y intéresser.
Lien : http://luocine.fr/?p=8880
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
En dépit d'un débit parfois énorme, il était rare que nous puissions vivre uniquement sur les revenus de la librairie, et chacun se débrouillait comme il pouvait, avec des conférences ou une activité d'enseignant, un peu grâce à la littérature - traductions, participation à de maigres ouvrages imprimés par des éditeurs privés. Néanmoins, en demeurant parmi les livres, nous remplissions une tâche discrète, mais capitale : nous étions les gardiens et les propagateurs des livres, et nous aidions les gens qui liquidaient leurs bibliothèques à ne pas mourir de faim.
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Et c'était vrai, nous parvenions à tout trouver, on nous achetait des livres par charrettes, par camions entiers. Etant donné la dévaluation quotidienne de l'argent, ce commerce à l'échelle de "toute la Russie" nous permettait de manger non seulement du millet, mais parfois même de la viande de cheval, et de venir en aide à des familles d'écrivains et de professeurs dans le dénuement. (p. 40)
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Il est possible que, dans ces souvenirs consacrés à notre enfant chéri, je n'aie pu m'empêcher d'idéaliser un peu le caractère de cette entreprise commerciale. Je pense néanmoins que ce fut un phénomène historique, ne serait-ce que par l'époque même de son existence (les années 1918 à 1922), et qu'il valait la peine d'en dire quelques mots. La Librairie des écrivains représente un paragraphe assez particulier de l'histoire de la culture russe et plus précisément, celle du livre russe. (p. 33)
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À Moscou, pendant les dures années 1919 – 1921, les années de chaos et de famine, il était presque impossible aux écrivains d’imprimer leurs livres. Le problème ne tenait pas à la censure (elle n’existait pas encore vraiment), mais à notre immense misère. Les imprimeries, le papier, l’encre, tout avait été « nationalisé », c’est-à-dire que tout avait disparu, il n’y avait pas de commerce du livre, de même qu’il n’existait pas un seul éditeur qui ne fût au bord de la faillite. Mais la vie créatrice n’avait pas cessé, les manuscrits s’entassaient chez les écrivains, et tous avaient envie d’imprimer, sinon un livre, du moins quelques pages. Ce désir était bien sur une façon de protester contre les nouvelles conditions de travail des écrivains. Et puis il fallait bien vivre. Nous décidâmes donc d’éditer et de vendre des plaquettes manuscrites, chaque auteur devant écrire et illustrer son ouvrage à la main.
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En temps normal, avec des opérations d'aussi vaste envergure, nous serions certainement devenus milliardaires. Mais il ne faut pas oublier que les livres, mis sur le marché par des particuliers qui les troquaient contre leur pain quotidien, avaient perdu toute valeur. (p. 18)
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>Commerce, communications, transports>Commerce intérieur>Commerce intérieur des différents produits (24)
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