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EAN : 9782213709444
380 pages
Fayard (22/08/2018)
3.07/5   42 notes
Résumé :
Une femme, un homme, une histoire d’amour et d’engagement. Tout les oppose, leurs idées, leurs milieux, et pourtant ils sont unis par une conception semblable de la démocratie.
Au cœur de l’Assemblée, ces deux orgueilleux se retrouvent face aux mensonges, à la mainmise des intérêts privés, et au mépris des Princes à l’égard de ceux qu’ils sont censés représenter.
Leurs vies et leurs destins se croisent et se décroisent au fil des soubresauts du pays.>Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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Aurélie Filpetti, revenue à ses premiers amours, la littérature et abandonnant les affres de la politique nous plonge dans les coulisses du pouvoir

son roman ,autofiction qui interroge le fait de savoir si l'amour est possible pour deux personnes issus de deux partis politiques différents ne nous aura pas convaincu.
Son roman profondément sincère n'empêche pas l'ennui, c'est l'exemple type du devoir scolaire long et interminable.

La littérature n'est pas que sincérité : elle est aussi affaire de style et ici cela ne marche pas : l'idée d'une narratrice omnisciente qui raconte ce petit jeu de dupe dans les décors de la républiques ne fonctionne pas, le style est trop plat et appliqué pour captiver plus que 30 pages. et ne plaira qu'à ceux qui voudront savoir qui se cachent derrière les portraits des personnalités croqués par miss Filipetti...
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Adieu la politique
Aurélie Filippetti revient au roman pour raconter une histoire d'amour entre un homme de droite et une femme de gauche. Entre convictions, combats et désillusions.

Avant d'être ministre de la Culture, Aurélie Filippetti était romancière. Les derniers jours de la classe ouvrière et Un homme dans la poche ont prouvé son talent en la matière. Aussi l'annonce de la parution de son nouveau roman a attisé ma curiosité. Une fois oublié l'aspect secondaire du petit jeu des personnages réels cachés derrière les protagonistes – Frédéric Dupuis affirme dans l'Express avoir identifié Frédéric de Saint-Sernin, ancien secrétaire d'Etat de Jean-Pierre Raffarin comme l'amoureux de la ministre et Marc Ladreit de Lacharrière, le patron de Fimalac derrière «le portrait féroce d'un autre homme, un financier matois et flagorneur, jouant les mécènes culturels pour mieux infiltrer les hautes sphères du pouvoir.» – il faut d'abord lire cet épais roman comme un témoignage, un compte-rendu détaillé et vécu des rouages du pouvoir, car on ne peut dissocier la ministre de la culture de la romancière.
Il y a d'abord ce constat douloureux que derrière l'image – la volonté affichée de la parité – se cachent des années de pratique machiste du pouvoir et cette méfiance des femmes : « on ne les laissait exister qu'ainsi, au service de… de l‘homme, du chef, du leader, de l'enfant, de la société. Elle avait été obligée d'insister et de faire plusieurs fois remarquer que la commission qui traitait des finances, du budget, qui répartissait les subventions, qui enquêtait sur l'exécution des comptes, ne comprenait que 3 femmes sur 70 membres, pour obtenir l'autorisation d'y siéger, à titre exceptionnel pour une nouvelle arrivante. Il était frappant de constater que même dans les plus hautes sphères du pouvoir les femmes étaient ainsi infantilisées, subordonnées, si rarement écoutées avec sérieux. Condamnées à un prétendu altruisme qui les enfermait. Obligées de s'enraciner dans ce que d'autres voulaient bien reconnaître en elles pour s'émanciper. Chaque parole féminine qui disait le plaisir, la gaieté égoïste, l'hédonisme ou la lutte, l'exigence, le courage, la volonté était retournée contre elles. » La scène qui raconte l'arrivée de la toute fraîche nommée ministre de la culture au Festival de Cannes est à ce propos aussi éclairante que consternante.
Il a y ensuite cette histoire d'amour aussi improbable que vraie. L'homme de droite et la militante de gauche se sont reconnus dans leur histoire familiale semblable, leur volonté de rendre à l'école de la République ce qu'elle leur a donné, ce besoin quasi viscéral de s'engager pour relayer la voix des habitants de leur circonscription respective. Ils ont construit leur amour en sachant que leur relation était impossible.
« Ils se l'étaient répété, ou plutôt était-ce elle qui le lui avait signifié, lors du deuxième rendez-vous.
En tirer les conséquences, ne pas parler, ne pas s'appeler, ne pas souffrir.
La clandestinité était forcée, leurs rencontres tapies dans l'obscurité d'après-midi clos. Il arrivait chez elle avec une ponctualité ondoyante. Elle l'attendait avec une impatience inconstante. Entre-temps, il n'y avait rien.
Rien que des rêves ensommeillés et une profusion d'activités en tous sens. Leur vraie vie, à ces deux-là, était ailleurs. » Mais c'est sans doute aussi ce qui entretient leur relation et l'enrichit, l'urgence d'une part et la liberté de leurs échanges d'autre part. On serait même tenté de dire enfin un moment où la confrontation des idées peut avoir lieu tant les blocages, les compromis – pour ne pas dire les compromissions – sont légion. Pourtant la ministre et ses amis proches avaient promis de ne pas abandonner les leurs, compagnons de lutte en Lorraine durement frappés par l'abandon du charbon et de l'acier, sachant pertinemment que «s'ils perdaient de vue cette exigence, ils se perdraient eux-mêmes.» Ce qui a fini par arriver… Même si, avant de rendre les armes, la ministre a voulu trouver dans sa circonscription de quoi se ressourcer et rebondir. Mais au temps des campagnes médiatiques et des réseaux sociaux, on a tôt fait de juger sans même l'esquisse d'un procès à armes égales.
Il faut lire ces pages qui racontent le quotidien, la confrontation avec les fonctionnaires des cabinets ministériels puis celle avec les ouvriers que l'on avait assuré de leur soutien pour comprendre ce qu'est l'usure du pouvoir. Et trouver entre les lignes quelles souffrances peuvent endurer celles et ceux qui entendent ne pas renier leurs idéaux, fut-ce au prix d'une demi-victoire.
En saluant la romancière, on ne peut toutefois s'empêcher de lire entre les lignes le constat d'un grand gâchis. Quand tout le système, les énarques, le Premier ministre et le Président choisissent de renoncer aux promesses – y compris après les attentats – pour un «pragmatisme» qui n'a plus rien à voir avec Les idéaux.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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En demandant Les idéaux d'Aurélie Filippetti aux éditions Fayard, via net galley, j'ignorais qu'il ne s'agissait pas tout à fait d'un roman mais plus d'un témoignage.
Une femme, un homme, une histoire d'amour et d'engagement. Tout les oppose, leurs idées, leurs milieux, et pourtant ils sont unis par une conception semblable de la démocratie.
Au coeur de l'Assemblée, ces deux orgueilleux se retrouvent face aux mensonges, à la mainmise des intérêts privés, et au mépris des Princes à l'égard de ceux qu'ils sont censés représenter.
Leurs vies et leurs destins se croisent et se décroisent au fil des soubresauts du pays. Lorsque le pouvoir devient l'ennemi de la politique, que peut l'amour ?
Le résumé était prometteur et ce "roman" me tentait beaucoup. Très rapidement j'ai compris que c'était un livre très personnel, tenant plus du témoignage que réellement du roman.
On reconnaît sans mal ici le couple qu'ont formé pendant un temps Aurélie Filippetti et Frédéric de Saint-Sernin, qui fut ministre de Raffarin. L'idée de départ est bonne mais j'ai eu du mal à accrocher par moment.
Déjà, j'ai trouvé la première partie (Dix ans d'attente) assez longuette. Cela se met en place tout doucement, j'ai rapidement décroché.
Les deux parties suivantes ont elles plus de punch mais même si je ne regrette pas ma lecture, je ne peux pas dire que j'ai aimé ce roman plus que ça.
Elle décrit le monde impitoyable de la politique, le ton est plus incisif au fur et à mesure que l'on avance dans la lecture.
C'est intéressant mais je n'ai pas été totalement convaincue par la façon d'écrire de l'auteure. Un peu trop lisse par moment, notamment au départ. Mon avis est vraiment très mitigé, c'est pour ça que je ne mets que trois étoiles. Toutefois, je serais curieuse de relire Aurélie Filippetti :)
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Mon premier coup de coeur de l'année 2019 !
J'ai dévoré ce livre en quelques jours et j'ai continué à y penser longtemps après l'avoir fini, d'où le délai de publication de cette critique.

Dans ce roman à clés, Aurélie Filippetti raconte son histoire d'amour avec l'homme politique de droite Frédéric de Saint-Sernin, ainsi que sa participation à la campagne de François Hollande et à son gouvernement.

J'ai tout aimé de ce livre, y compris le style si particulier d'Aurélie Filippetti, auquel je commence sans doute à m'habituer puisque j'ai relu récemment Les derniers jours de la classe ouvrière.

Comme toujours, j'ai adoré chez elle les passages, notamment au début du livre, où elle parle de son enfance en Lorraine dans le milieu ouvrier, de l'influence de ses parents, de la conviction que l'école est le seul moyen de s'en sortir. Cela ressemble tant à ce que j'ai moi-même vécu.

Je partage aussi le jugement très dur de l'auteur sur François Hollande et sur son attitude lamentable dans l'affaire de Florange, la Lorraine industrielle avait déjà tant souffert qu'elle ne méritait pas une nouvelle trahison. A l'opposé et comme un contre exemple, elle décrit avec beaucoup d'affection la personnalité lumineuse et humaniste de Michel Dinet, président PS du Conseil général de Meurthe et Moselle trop tôt disparu.

Évidemment, j'avais surtout choisi de lire ce livre par le côté politique et social, mais j'ai aussi été très touchée par l'histoire d'amour impossible entre une femme de gauche et un homme de droite plus âgé qu'elle. Elle est racontée avec beaucoup de tendresse et de sensibilité. Et j'espère qu'aujourd'hui, bien que séparés, ils ont trouvé le bonheur.

Enfin, comme dans tout roman à clés, il y a le petit plaisir de chercher à deviner de qui parle l'auteur puisqu'aucun nom n'est cité.


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Aurélie Filipetti signe ici un roman de rentrée littéraire qui fait forcément un peu de bruit dans les médias. Ancienne députée et ministre de la culture, elle est en effet une personne connue du public, elle a côtoyé récemment des figures importantes du monde politique français, sa parole compte. Mais pourquoi un roman ? Voilà qui m'a déjà moi envoyée sur une mauvaise piste. A lire très vite le pitch de ce livre, je pensais que l'auteure avait écrit effectivement un roman d'amour, qui confrontait un homme et une femme, des personnages aux idéaux différents, contraires, et pourtant amants. Et j'étais intéressée de découvrir la capacité fictionnelle de l'ancienne ministre. En réalité, Aurélie Filipetti raconte dans ce livre sa relation avec Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'État dans le gouvernement Raffarin. Elle cherche également à justifier son parcours, ses idées politiques, ses actions et ses empêchements. Dans les deux premiers tiers du livre, j'ai eu le sentiment qu'elle était très prudente, ne nommant personne (le président est qualifié de Prince), ne rentrant que très peu aussi dans sa sphère privée, se contentant d'énoncer de grandes idées aux motivations respectables, les confrontant avec son amant, se justifiant (encore) d'être avec lui malgré leurs différences, revenant sur ses origines sociales. Bref, je m'ennuyais un peu dans une atmosphère nébuleuse entretenue où il ne se passait au final pas grand-chose pour la néophyte en politique que je suis, rien de visiblement croustillant non plus à se mettre sous la dent en ce qui concerne une histoire d'amour réduite à des SMS et des passages rapides et discrets dans des portes cochères. Et puis, à partir de la page 315 (sur 443), quelque chose bouge. Entrée alors à son tour au gouvernement, la narratrice émet des commentaires sur le nouveau président, et surtout sur sa déception de voir que rien de ce que l'on attendait n'arrive, et à quel point le militantisme est désormais bafoué par un pouvoir, pourtant de gauche, qui préfère répondre aux sirènes de la bourgeoisie, de l'argent et de la flatterie. Aurélie Filipetti est soudain remontée en flèche dans mon estime, au vu du courage qu'elle manifestait tout à coup. le portrait qu'elle fait de François Hollande est édifiant. Malgré une écriture de grande qualité, je reste toutefois assez réservée sur ce titre qui ne respecte pas spécialement son contrat de départ et semble être bien plus une justification d'actions politiques passées que le récit d'une histoire d'amour compliquée. Aurélie Filippeti en ressort cependant avec une image plus précise, moins effacée, plus intéressante.
Lien : https://leslecturesdantigone..
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critiques presse (3)
LaCroix
05 octobre 2018
À travers l’histoire d’amour entre deux militants de bords politiques opposés, Aurélie Filippetti invite dans les coulisses du pouvoir.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LeMonde
21 septembre 2018
L’ancienne ministre de la culture de François Hollande, désormais enseignante à Sciences Po, signe un troisième roman, « Les Idéaux », qui est aussi un bilan tranchant de son expérience du pouvoir.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Bibliobs
17 juillet 2018
Si elle s'est inspirée de sa propre expérience, l'ex-députée ne s'est pas contentée d'écrire un roman à clés. «Les Idéaux» s'interroge sur la pratique du pouvoir, quand l'exercice de l'Etat se confronte au vertige de l'amour.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (42) Voir plus Ajouter une citation
Elle regrettait la camaraderie que l’on ne retrouvait que dans les troupes de théâtre. Avec sa petite bande sonar: et populaire de militants dévoués, on riait, on organisait des diners sous les pommiers, dans un terrain raté vierge au milieu d’une zone d’aménagement concerté qui avait tout envahi, et on distribuait des tracts. Ces arbres fruitiers et ce barbecue étaient le symbole de leur résistance joyeuse et simple. Mais il n'y avait personne dans les réunions électorales; c'était un signe, tout se passait ailleurs, sur les réseaux, sur les chaînes d’info, dans ce flux ininterrompu de nouvelles que l’on ne pouvait plus appeler des informations tant elles étaient formatées pour répondre à un seul objectif : retenir l’attention. Une news pour passer la rampe n'avait pas à être vraie ou fausse, ce n‘était plus la question. Le vrai était un moment du faux.
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Ses grands-parents à elle étaient arrivés en France dans les exils de la misère. Paysan, bracciante, journalier, son grand-père avait trimé sur les échafaudages des grands barrages avant que l’un d’entre eux ne s’écroule, entraîné par l’effondrement d’une grue. La nationalité des morts faisant visiblement une différence, il n’y eut pas d’indemnités pour son accident du travail. Son père était mort d’une maladie professionnelle liée à l’incurie des directeurs d’usine quant à l’air qu’ils faisaient respirer à leurs ouvriers. Comme souvent ne restent que les mères, il lui resta la sienne. Elle éleva ses filles pour qu’elles obtiennent ce dont elle avait été privée, un diplôme et l’indépendance. Elle était sans indulgence pour le dilettantisme scolaire, un luxe de gosses de riches, et exigeait de ses enfants un effort de chaque instant. Elle vivait dans la hantise que ses filles se fassent prendre trop vite au piège du mariage, dans la terreur qu’elles lui sacrifient leurs études, leurs carrières possibles. Pour échapper à la fatalité d’un destin écrit d’avance, elle voyait une issue et une seule : la promesse qu’elle pouvait lire au fronton de la façade de l’école, où elle les accompagnait le matin. La devise républicaine les accueillait avec une solennité austère, sans phrase ni verbe, juste trois principes inséparables, d’une dureté révolutionnaire qui ne souffrirait aucune contestation. Ces mots s’adressaient à elle, offraient l’assurance d’une justice, quelque part, ce quelque part étant là, entre les murs de ces salles de classe. Il n’y avait pas à attendre de paradis lointain pour compenser les souffrances endurées ici-bas. Il suffisait de serrer la main des enfants très fort, de les pousser en avant, et de les laisser marcher seuls, hésitants, jusqu’à la porte de l’école. Ensuite, tout irait bien. On travaillerait le soir à la maison, on ne ferait pas de bruit, la table serait débarrassée pour laisser place aux cahiers : elle éteindrait la télé et se mettrait dans un coin pour lire les livres choisis pour elle par l’aînée.
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Rien n'était joué d'avance, mais ensuite tout est allé très simplement. Sans même avoir besoin d'en parler ils avaient dessiné un cadre. Celui des trois unités, lieu, temps, action. Ils étaient institués législateurs de leurs propres univers et la règle était impitoyable.
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Le Prince faisait mine d'être indifférent, reprenant l'antienne qui voulait que ce soit la principale qualité à la place qu'il occupait. Or, il ne l'était pas. Il ne manquait pas de confiance en lui pourtant, même s'il parvenait à ne pas laisser transparaître son orgueil immense, dissimulant sous son apparente bonhomie ce qui était au fond un puissant complexe se supériorité. Mais il avait une faiblesse qui était une faille béante dans sas fonctions. Il avait besoin qu'on l'aime. Il adorait ça, il voulait séduire, sans arrêt, constamment et tout le monde. (…) Lui qui aurait dû être le héros des classes populaires, qui avait leur sympathie, qui avait obtenu leurs suffrages, se faisait aspirer par la camarilla de l'argent. Il semblait fasciné par la bourgeoisie. C'était une cruelle ironie de l'histoire qui ouvrait des horizons insoupçonnés aux mercenaires du pouvoir, à tous les assoiffés qui s'étaient crus condamnés aux seconds rôles pendant cinq ans et se retrouvaient au firmament des ambitions comblées.
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Ce qu’ils pouvaient se dire, c’est que c’était une histoire impossible.
Ils se l’étaient répété, ou plutôt était-ce elle qui le lui avait signifié, lors du deuxième rendez-vous.
En tirer les conséquences, ne pas parler, ne pas s’appeler, ne pas souffrir.
La clandestinité était forcée, leurs rencontres tapies dans l’obscurité d’après-midi clos. Il arrivait chez elle avec une ponctualité ondoyante. Elle l’attendait avec une impatience inconstante. Entre-temps, il n’y avait rien.
Rien que des rêves ensommeillés et une profusion d’activités en tous sens. Leur vraie vie, à ces deux-là, était ailleurs.
Il était plus lyrique et elle plus raisonnable. Séparés la plupart du temps par la force des choses, ils se sentaient parfois submergés par la tentation sentimentale. Mais en présence l’un de l’autre, tout s’évanouissait hormis le désir de l’instant.
Il ne présentait aucun des symptômes du cynisme, elle n’avait aucun goût pour la désinvolture. Loin l’un de l’autre, ils voyaient du monde, travaillaient avec acharnement, discutaient sans fin et semblaient se préoccuper du pays. Avec l’âge, ils avaient appris à mieux résister à la courtisanerie. À quarante ans, elle conservait une part de naïveté dont son expérience de dix ans plus longue le prémunissait. Ils pouvaient passer des moments très heureux dans l’oubli total l’un de l’autre, sachant avec certitude que reviendraient le jour et l’heure où ils seraient tous deux seuls l’un contre l’autre.
– J’ai pensé à toi. 
Il travaillait avec bonne humeur, entouré de l’affection des siens, dissimulant sous l’autodérision l’arrogance de ceux qui se croient un destin, satisfait d’avoir déjà accompli beaucoup de ce que la vie peut donner. On aurait pu les dire enfants gâtés de la République si une fêlure n’abîmait leur belle assurance. Ils ne s’en parlaient pas, mais le tricolore recouvrait une blessure. Ils savaient s’en montrer reconnaissants, sans se draper dans l’exaltation d’un étendard qui leur tenait simplement chaud, et ça leur suffisait. Elle en éprouvait une gêne légère, presque une pudeur. Ce drapeau n’était pas de naissance pour elle, et elle abhorrait les relents nationalistes auxquels il pouvait donner prétexte, mais, pour les siens, il avait d’abord incarné une conquête, un espoir, et cela forçait le respect. Il représentait le rêve réalisé de la liberté et de l’égalité, et elle avait envie de se battre pour qu’il le reste. Entre le rouge de la lutte et le bleu du droit, elle imaginait les traces de pas, sur la neige immaculée, de ceux qui traversaient les montagnes, à pied, pour parvenir jusqu’ici, les yeux de ceux qui s’entassaient dans des camions sauvages pour affronter la nuit, la peur des embarqués de fortune sur des flottilles de papier. Pour eux, comme pour sa famille, ses parents, ses grands-parents, la page avait d’abord été blanche. Alors il lui serrait le cœur, cet étendard ; elle en connaissait trop le prix, c’était souvent celui du linceul.
Les générations précédentes s’étaient battues pour avoir le privilège de mourir, non pas pour lui, mais pour ce qu’il représentait : l’égalité. Elle continuait de penser que s’il y avait une chose qui définissait son pays, plutôt que ses frontières, c’était une volonté de justice. Elle remerciait ces étrangers dépenaillés et hagards, à bout d’espérances, de continuer à faire vivre par leurs rêves un peu de cet idéal, quand tant d’autres ici même avaient renoncé à lui être fidèles. Si peu d’années séparaient ceux qui étaient dans leurs droits de ceux qui ne l’étaient pas : la raison ne peut se satisfaire d’une telle contingence. 
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