« 1940, les Allemands envahissent une Belgique neutre, sans véritable défense. Durant l'Occupation, comme de nombreux autres jeunes de Chimay, Yvon veut échapper aux camps de travail : il décide de se cacher dans la forêt. Hélas, les occupants ne quittent pas les lieux. Les semaines passent, puis les mois et les années… Au total, ce sont quatre interminables années qu'il va passer dans les bois à lutter contre la peur, la faim et la folie…
Lorsqu'il peut enfin sortir de son refuge, Yvon éprouve un besoin vital de changer d'air pour effacer ses cauchemars et se donner l'occasion de démarrer de plain-pied sa vie d'adulte. Il prend donc le premier bateau en partance pour le Congo, la colonie belge si pleine de promesses.
Avec sa nature envoûtante et ses innombrables défis à relever, le Congo lui redonne peu à peu de l'assurance et lui permet de rattraper les années perdues. Mais dans une Afrique qui aspire irrémédiablement à son indépendance, Yvon parviendra-t-il à préserver cet équilibre de vie qu'il a trouvé à l'autre bout du monde ? » (synospis éditeur).
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Le lecteur suit avec aisance le parcours de cet homme dont le destin va être influencé par des événements indépendants de sa volonté.
Nicolas Pitz est parvenu à construire un scénario à deux niveaux : la petite histoire de son grand-père (personnage principal de l'histoire) s'imbrique dans la Grande histoire de l'humanité. L'auteur nous permet ainsi de profiter d'un regard tout à fait unique et original sur les événements : seconde guerre mondiale, période coloniale du Congo, reconnaissance de l'indépendance du Congo en 1960.
Le scénario est fluide et s'arrête sur les temps forts de la vie de son aïeul : son exploitation sylvicole, son quotidien, les rapports avec ses employés et ses proches… le racisme est un élément omniprésent dans l'intrigue. Un personnage symbolique et imaginaire revient de manière récurrente tout au long de l'histoire ; il s'agit d'un cerf, sorte d'inconscient du personnage principal.
Dans cet ouvrage, on retrouve les mêmes couleurs que celles de Luluabourg (publié en 2011 chez Manolosanctis). La veine graphique du premier tiers de l'album est en harmonie avec l'univers graphique du précédent opus. le lecteur évolue ainsi dans des tonalités où dominent les verts, marrons, rouge. Cependant, elles seront ici moins ternes et je suppose que cela tient au choix du papier : glacé chez la Boîte à bulles, mat chez Manolosanctis. le fait que l'ambiance graphique soit plus lumineuse rend la lecture moins oppressante même si l'on est toujours en présence d'un personnage assez angoissé.
Alors que Luluabourg s'intéresse essentiellement à l'adolescence du personnage et se referme dès son arrivée au Congo [belge]. La conclusion assez explicite laisse à penser que le personnage va s'installer durablement dans ce pays.
Les jardins du Congo vont bien au-delà de ça. Cet ouvrage est le récit d'une vie et nous côtoyons Yvon Hardy de l'adolescence jusqu'à sa mort. L'auteur a complètement remanié son scénario afin qu'il n'y ait aucune impression de répétition/redondance entre les deux albums et c'est réellement le premier constat que j'ai fait en lisant cet ouvrage. Celui-ci se développe autour de deux récits enchevêtrés : le premier se situe en 1942 et correspond à la période précédant la rupture avec son propre père et le départ en Afrique. le second récit quant à lui parle de l'installation au Congo du personnage principal ; il couvre une période plus importante qui va de 1946 à 1960. On y retrouve des éléments déjà développés dans le premier opus (ses conditions de vie pendant la Seconde Guerre mondiale, la présence du cerf [personnage imaginaire]…) mais ceux-ci sont plus fouillés, mieux traités, me laissant ainsi l'impression d'avoir été moins ballotée durant ma lecture.
Quant au lecteur qui découvrirait cette biographie avec
Les Jardins du Congo, il accède à un one-shot parfaitement fluide. Tout un chacun peut donc se plonger dans cette lecture et en profiter pleinement.
Ce qui m'a le plus marquée dans ce récit est le changement radical qui s'effectue dans la personnalité du narrateur à partir du moment où il quitte son village natal pour aller en Afrique. Dès lors, ses angoisses s'estompent et il donne un sens à sa vie. Graphiquement, cela coïncide également avec l'arrivée de nouvelles couleurs au sein des cases. On perçoit très bien que ce départ est un véritable second souffle, une véritable renaissance. Il lui faudra quelques années pour prendre du recul avec son passé et panser [penser] les blessures que la guerre lui a infligées. le lecteur accompagne le personnage dans la lente acceptation des faits et peu à peu, lorsque le personnage parvient à mieux maîtriser ses vieux démons, on voit que la forme du scénario devient plus linéaire (plus classique) puisque les souvenirs ne remontent plus à la surface… le personnage profite totalement du moment présent que quelques bouffées d'angoisse viendront ponctuellement écorner.
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