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Alain Cappon (Traducteur)
EAN : 9782847200058
358 pages
Gaïa (02/10/2002)
4.05/5   11 notes
Résumé :

A la veille de la Seconde Guerre mondiale, une ville de Yougoslavie, quelque part en Voïvodine.Une ville haute et une ville basse, une population mêlée, aux origines variées, aux religions diverses. Dans cet équilibre, ni fragile ni séculaire, pénètre, un voyageur, venu par les chemins enneigés. Il ne perturbe rien, il vient simplement prendre sa place dans le tableau, comme dans une société qui l'att... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
À travers ce livre, Popovic nous offre la chronique quotidienne d'une petite ville fictive de Voïvodine, qui débute 3 ans avant la guerre et se termine 1 ans après (c'est-à-dire que la période court de 1938 à 1942 car la Yougoslavie reste neutre jusqu'en 1941).

L'auteur nous brosse toute une galerie de portraits : Aleksandar Albrecht, le fabriquant juif de meubles, et sa femme Herta ; David Blanuša, le jeune apprenti d'Albrecht qui se laisse parfois aller à des propos malveillants ; maître Franz Teibel, le menuisier qui disparaît après la mobilisation ; Ignjat Stojša, le contre-maître ; Viktor Seibert, un Souabe, propriétaire du cinéma «Colosseum», fou amoureux de sa femme, Jelena, qui le trompe ; Jevrem, le charretier rustre, "prétentieux et bouffi d'orgueil" ; la veuve Burovac, qui ne peut vivre sans locataire enclin à réchauffer sa couche ; Emilija Blanuša, la soeur de David, jeune serveuse de la «Corne d'or» qui rêve d'épouser un homme riche ; Jorgovan, le patron du bar, mariée à une Turque ; l'untersturmführer Otto Klischke, homme qui symbolise toutes les ambivalences des officiers de la Gestapo, se montrant d'une exquise politesse envers ceux de la race aryenne mais torturant sans état d'âme les résistants yougoslaves ; et enfin Bogdan Žurajica, un bûcheron étranger embauché comme gardien de nuit au magasin d'Albrecht au tout début du roman.

C'est donc un peu ardu pour le lecteur de se familiariser avec tous ces protagonistes, d'autant que la 1ère partie est assez longue à se mettre en place. En effet, l'auteur décrit minutieusement et avec moult détails, jusqu'à leur insignifiance, le quotidien banal de ces gens, ce qui n'en rend que plus saisissant ensuite l'horreur de leur situation.

Le 6 avril 1941, la guerre éclate en Yougoslavie. Quelques jours plus tard, les Allemands occupent la ville de Nova Palanka, remettant en cause la coexistence harmonieuse de cette mosaïque d'ethnies et de religions. Chacun va se replier sur sa communauté. Les Souabes, allemands de souche, collaborent "naturellement" avec les occupants nazis ; les Juifs sont regroupés pour être publiquement humiliés dans l'indifférence presque générale (à part la réaction indignée de quelques hommes encore sensibles à la dignité humaine), en fin de journée, ces mêmes Juifs se rencontrent secrètement pour gloser sur l'humanité ; le reste de la population est préoccupée par sa survie, passant parfois par le marché noir.

Chacun réagit donc différemment à l'arrivée des soldats allemands.


Les Juifs sont inconscients de la réalité de la guerre, refusant de croire aux atrocités commises :


”Que des hommes, des adultes, aient été fusillés ici ou là, je veux bien le croire. Des otages, sans doute... Mais fusiller des femmes et des enfants, non, c'est franchement ridicule ! Excusez-moi, mais nous vivons au vingtième siècle. Et ce sont quand même les Allemands qui nous ont donné Goethe et Schubert, ne l'oublions pas..."
(page 240)

De leur côté, les Souabes acceptent de déposséder les Juifs. Maître Franz, homme dont la bonté ne peut être remise en cause, devient le nouveau patron du magasin d'ameublement d'Albrecht sans se rendre compte de ce que cela implique. Mais peu à peu, on assiste à la transformation de son caractère, perverti par l'idéologie nazie et sa mise en application : le magasin devient le lieu d'un drôle de trafic, où des meubles de très bonne facture arrivent en pièces détachées pour repartir ailleurs, tandis que l'usine d'Albrecht ne produit plus aucun meuble.


”... en s'acquittant de leur petite besogne sans se préoccuper de son aboutissement, ils se sont tout bonnement exclus de l'humanité. L'homme est un être qui pense, un être responsable. Ces gens-là ont renoncé à leur titre d'homme. "
(page 242)

Des dérapages, des exécutions sommaires éclatent soudainement alors que la banalité du quotidien ne laissait à aucun moment présager ces drames.
Ce qui est terrible, c'est la résignation des victimes qui ne se rebellent jamais contre leur sort ainsi que l'obéissance aveugle des Souabes à l'occupant allemand dont ils ne remettent jamais en question le comportement inhumain. le lecteur assiste, impuissant et horrifié, au mécanisme de la banalité du mal, que la phrase sans concession de Jelena, jetée à la figure d'un père sollicitant son intercession pour son fils, rend glaçante :


”Le grand Reich allemand ne châtie pas les innocents, et je ne saurais m'engager pour un coupable."
(page 250)

Pour conclure, un livre prenant, que l'abondance des détails sans importance aurait pu rendre indigeste mais qui au final ne rend que plus saisissants les drames qui se jouent entre les différents protagonistes. L'émotion est palpable à certains passages, d'autant que le lecteur connait à l'avance le sort de certaines communautés.

Lien : http://parthenia01.eklablog...
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Que des hommes, des adultes, aient été fusillés ici ou là, je veux bien le croire. Des otages, sans doute... Mais fusiller des femmes et des enfants, non, c'est franchement ridicule ! Excusez-moi, mais nous vivons au vingtième siècle. Et ce sont quand même les Allemands qui nous ont donné Goethe et Schubert, ne l'oublions pas...
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Et de cette horrible vieille souche, depuis longtemps rejetée hors du temps, malicieusement recourbée sur elle-même comme au terme d'une grave maladie qui l'aurait rendue infirme et à jamais maligne, montait alors une odeur inattendue de bois frais, un parfum de forêt, peut-être même cette senteur de feuillage jeune et plein de sève dans laquelle baignait cette souche monstrueuse au temps où elle n'était pas encore souche mais partie vivante d'un arbre qui la berçait de son bruissement.
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... en s'acquittant de leur petite besogne sans se préoccuper de son aboutissement, ils se sont tout bonnement exclus de l'humanité. L'homme est un être qui pense, un être responsable. Ces gens-là ont renoncé à leur titre d'homme.
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Le grand Reich allemand ne châtie pas les innocents, et je ne saurais m'engager pour un coupable.
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