C'est toujours intéressant de découvrir comment s'organise une nouvelle collection. Avec
Les océans stellaires, de
Loïc Henry (qui s'est fait connaître d'abord avec le roman
Loar), ce sont les éditions Scrinéo qui en lancent une, orientée vers le space opera et portée par les illustrations de couverture toujours très chatoyantes de Benjamin Carré.
J'avoue, j'ai eu bien peur ! Pendant la première centaine de pages, j'ai eu peur de ne pas comprendre et d'avoir loupé des éléments.
Loïc Henry nous fait rentrer sans transition, sans immersion progressive dans le monde qu'il a créé : la Fédération, la Ligue et l'Empire sont trois entités d'envergure galactique qui se concurrencent pour occuper les planètes connues ; toutefois, celles-ci ne se découvrent pas par la conquête spatiale mais par des Seuils, tunnels spatiaux reliant les planètes par leurs océans. Une fois cela cerné, les chapitres très courts s'enchaînent pour nous faire découvrir avant tout Luu Ly, une aventurière qui vend très cher les Seuils qu'elle découvre, et Stella, une psycho-éthologue de la Fédération, une fonctionnaire permettant à cette dernière de comprendre le fonctionnement des populations éventuellement découvertes sur chaque nouvelle planète. Beaucoup d'informations donc dès le début, beaucoup de personnages qui ne serviront pas forcément, ce n'est pas un défaut en soi, mais le départ est un peu confus. Pour terminer cette première présentation, notons que chaque chapitre est introduit par une citation philosophique extrait des Carnets de Gurloës, mentor énigmatique au possible puisqu'on ne nous dévoile pas son identité, mais sa présence se fait sentir avec ces allusions, ces conseils de vie, au point que sans être présent, il semble le plus développé des personnages.
Cette aventure des Océans stellaires devient vraiment passionnante au bout d'une centaine de pages : les enjeux se concrétisent, les personnages se croisent, le lecteur découvre pourquoi il est là et pourquoi tant de coïncidences se produisent. Les descriptions se font très littéraires, très imagées, et les protagonistes féminins qui se multiplient sans cesse sont particulièrement intéressants au risque peut-être de surtout créer une toile de personnages davantage que quelques personnalités inoubliables. Il faut surtout noter que c'est véritablement dans la partie centrale du roman que se concrétise ce « space opera par les eaux » (qui osera en premier parler de « water opera » ?) : nous ne sommes plus comme dans les premiers chapitres dans une alternance franche entre plusieurs endroits très éloignés, là nous progressons désormais dans la conquête des eaux spatiales, nous suivons ces aventuriers au plus près et passons d'un monde à l'autre au gré des Seuils. C'est là le plus grand plaisir donné par ce roman, car c'est l'aventure qui crée l'intrigue, moins que les soubresauts politiques et familiaux de celle-ci. Dans cette optique, même si c'est tout à fait compréhensible sur certains aspects, les éditions Scrinéo sont souvent associés à de la littérature jeunesse ou young adult ; cependant, il semble que cette collection ne s'oriente pas sur ce créneau et cela me convient tout à fait. le ton est volontairement mature, s'éloignant franchement des aspects émotifs (est-ce lié aux philosophies défendues par la Fédération dont nous ne connaissons pas grand-chose ?) et n'oriente pas l'oeil du lecteur sur les personnages plus jeunes d'une façon particulière.
C'est donc une belle lecture que ces Océans stellaires, avec un monde intéressant que
Loïc Henry semble avoir envie de continuer à construire mais une toile de personnages peut-être un poil forcée.