Un livre fort en émotions. L'écriture de Jim grimsley est telle qu'on ressent avec une grande intensité toute la tristesse, la noirceur de cette vie familiale totalement hideuse et violente, à cause d'un père excessivement jaloux, alcoolique, méprisant, acharné, violent, écoeurant et sans doute aigri par l'accident de travail qui lui a ôté un bras. Une femme totalement sous l'emprise d'un mari fou, souhaitant par dessus tout protéger ses enfants, qu'elle aime d'une force inébranlable.
Une famille qui déménage souvent, une famille pauvre, une famille meurtrie, une famille dont le bien-être dépend des humeurs d'un père, bien-être qui s'amenuise au fil du temps…
Toute la détresse de ces victimes emprisonnées dans cette vie misérable est ici mis en lumière avec violence, poésie et grandeur. C'est paradoxal mais on assiste à des descriptions magnifiques à côté d'une situation abjecte. Cela s'explique par les fuites dans un monde imaginaire onirique que s'invente Danny, l'un des enfants, qui est ici « racontait » par le narrateur. On vit avec lui toutes ses scènes de violence, de terreur mais aussi toutes ses échappées dans ses rêveries, d'une très belle poésie.
Un enfant désemparé, triste, peiné, terrorisé qui a abdiqué et subit mais rêve « Quand tu laisses aller ta tête et que tu fermes les yeux tu voudrais voir la rivière, les arbres qui se courbent et se redressent, tu veux rêver que tu n'as plus de famille, qu'ils sont tous morts, mais tu demeures prisonnier de cette maison. Tu ne réussis pas à fabriquer un rêve aussi réel que le réel mais tu ne peux non plus rester assis, immobile. Tu ne veux pas être dans cette pièce quand ton père rentrera. »
« Dehors les rafales de vent froid sont comme du feu, des langues brûlantes te lèchent la peau. La neige s'avance sous le porche, en festons blancs sur le ciment gris. le vent fait tournoyer les flocons et résonner des notes creuses dans les arbres. Les nuages s'épaississent, le soleil est une tache claire, même pas un disque. (…) Dans la cour les flocons voltigent au-dessus de l'herbe sèche. Tu les imagines se heurtant, les douces brisures silencieuses autour de toi, mais quand tu goûtes un flocon, sur ta langue sa fourrure glacée, tu es content de sentir que c'est trop mou pour se briser, tu comprends que les flocons de neige sont si légers qu'ils s'amassent sans dommage, les uns contre les autres. »
L'auteur sait faire durer un suspens parfois insoutenable tant on a peur de ce qui peut arriver, c'est le cas lors d'une poursuite du père après la mère. On perçoit avec réalisme la terreur qui s'empare de la mère ainsi que de ses enfants, et le parfait sang-froid du père.
Je ne souhaite pas en raconter plus ce serait inutile. La biographie en dit suffisamment également : « L'oeuvre de Grimsley mêle de manière apparemment paradoxale violence et noirceur, tendresse et poésie, mais surtout elle suscite avec force l'émotion du lecteur. »
J'ai cependant était dans l'expectative en fin de livre, me disant que je n'étais pas sûre de ce que j'avais compris. j'ai mieux cerné cet état en réalisant que c'est un livre issu d'une trilogie, le premier. J'ai donc à lire ensuite
Confort et joie et
L'enfant des eaux. J'y trouverais sans doute mes réponses.
Un ouvrage donc très bien écrit mais d'une grande tristesse et noirceur. C'est un bon livre.
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