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EAN : 9782849504376
251 pages
Syllepse (21/11/2014)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Aboutissement de trente ans de recherche sur l’évolution du capitalisme comme forme de civilisation, cet ouvrage replace dans une perspective historique ses principales tendances économiques et sociales et ses relations avec les facteurs politiques. Il en analyse les différentes périodes et leurs fonctionnements spécifiques, alternance de phases expansives et phases récessives. Ernest Mandel introduit ici le concept novateur d’onde, plus exactement d’onde longue en ... >Voir plus
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Refuser tout automatisme dans la dynamique à long terme du capitalisme
Le mode de production capitaliste n'est ni lisse, ni uniforme, ni invariant dans le temps. Il convient donc d'en comprendre les différentes périodes, le pourquoi des retournements (alternance de phases expansives et de phases récessives), les fonctionnements spécifiques de chaque période…

Dans sa préface « Les rythmes du capital », publiée avec l'aimable autorisation des Editions Syllepse (voir le blog : entre les lignes entre les mots), Daniel Bensaïd nous rappelle qu'Ernest Mandel fut « parmi les premiers à saisir la portée historique du retournement, de cycle ou d'onde, intervenu au milieu des années 1960-1970, et à en donner une interprétation complexe non réductible, comme le fit l'économie vulgaire, à un effet mécanique de la « crise pétrolière » de 1973 » et insiste sur les causalités qui ne sauraient être réduites à « la seule causalité mécanique et linéaire classique de cause à effet ».

Au delà des apports d'Ernest Mandel, Daniel Bensaïd formule deux critiques :

« L'opposition entre les facteurs « endogènes » (économiques) qui détermineraient le retournement de l'onde à la baisse, et les « facteurs exogènes » (extra-économiques) qui en détermineraient le retournement à la hausse, reste cependant tributaire d'une séparation trop formelle entre économie et politique, objectivité et subjectivité  »

« Rêve de formalisation sans doute inaccessible, dans la mesure où il se heurte aux effets complexes de la discordance des temps »

Nous sommes aujourd'hui dans autre situation socio-économique et les outils conceptuels légués par Ernest Mandel peuvent nous aider à déchiffrer les contradictions du présent.

Outre cette préface, le livre propose une introduction de Francisco Louça « La pulsation de l'histoire ». Celui-ci parle, entre autres, des tendances économiques et sociales, des « transformations structurelles au cours de la quatrième onde longue qui suit la Seconde Guerre mondiale », des conditions de retournement dans l'onde longue, de l'autonomie des processus politiques et sociaux, de la nécessité d'une « explication historiquement intégrée » des facteurs comme les rapports de travail, l'innovation technologique, les institutions politiques…

Francisco Louça nous rappelle que « les rapports économiques ne sont qu'un aspect de rapports sociaux complexes » et qu'ils « se combinent avec de nombreux autres facteurs relativement autonomes ». Il souligne la nécessité d'une analyse historique et insiste sur les modes « de coordination des économies et des sociétés ».

Du texte d'Ernest Mandel, je choisi de n'aborder que certains aspects. L'auteur discute de nombreux points, se confronte à de multiples critiques. Il nous parle de fluctuations du taux moyen de profit, de baisse tendancielle de celui-ci, d'accumulation capitaliste, de variables partiellement autonomes, de salaires réels, de composition organique du capital, de rotation du capital, d'ondes longues expansives…

Il souligne qu'il faut se confronter aux trois tournants décisifs au moins dans l'histoire du capitalisme (après 1948, après 1893 et après les années 1940) débouchant « sur des redressements soudains et durables du taux moyen de croissance économique ».

Ernest Mandel discute des luttes et des défaites ouvrières, de la place des révolutions technologiques, des particularités des différents cycles industriels, de la prolétarisation du travail scientifique (dimension autrement pertinente à mes yeux que les fantasmes de capital cognitif), de « la dialectique des facteurs objectifs et subjectifs ». Il nous rappelle que les « facteurs subjectifs » ne « sont pas directement et inévitablement prédéterminés ». Ces termes ne me semblent pas adéquats. Je préfère parler de l'épaisseur du champ politique (par exemple, de polarisation entre voies alternatives, pour utiliser le vocabulaire de l'auteur) et comme dans la phrase citée de Daniel Bensaïd, de discordance des temps.

Quoiqu'il en soit, l'issue d'une longue dépressive ne peut être prédéterminé. Il y a là une certaine asymétrie avec des contradictions spécifiques jouant dans les périodes expansives et débouchant sur des crises, l'auteur parle « d'un rythme fondamentalement asymétrique ». J'indique que, pour moi ces asymétries, ne sont pas solubles dans l'endogène/exogène.

Ernest Mandel détaille l'onde longue d'après la seconde guerre mondiale, « nullement fictive, mais bien réelle ». Il analyse le rôle du crédit, la place réelle de l'automation, de l'informatique, trop souvent sur-estimée…

Il insiste sur les périodes historiques spécifiques, « segments de l'histoire générale du mode de production capitaliste », et montre que la « volte face de l'économie politique » des années 1970, avant la naturalisation de l'économie et donc la négation du « politique » est le « produit d'une réorientation fondamentale de la classe capitaliste dans la lutte de classes ».

Au delà du choix de certains vocables, les explications sont argumentées, prennent en compte de multiples facteurs, ne souffrent pas du mécanisme de trop d'économistes se référant au « marxisme ». Ernest Mandel n'a jamais renoncé à une issue socialiste, c'est à dire « l'appropriation par les producteurs de leurs moyens de production ; leur utilisation planifiée pour la satisfaction des besoins, et non pour la recherche de profits ; la détermination des priorités de la planification par la loi de la majorité, par des processus démocratiques comportant toutes les libertés démocratiques d'information, de choix, de débats, de contestation et de pluralisme politique ; la gestion de l'économie par les producteurs associés eux-mêmes et celle de la société par ses citoyens, organisés démocratiquement en structure d'auto-administration ; le dépérissement accéléré de l'appareil d'Etat bureaucratique, hypertrophié et couteux ; la réduction rapide des inégalités de revenus, du rôle de l'argent et de l'économie de marché ; la diminution rapide de la journée de travail, sans laquelle l'autogestion et l'auto-administration ne sont qu'utopie ou fumisterie… ».

L'auteur parle aussi des taux de croissance, des effets cumulatifs des changements, d'accroissement du taux de profit et d'élargissement du marché, des faits et des possibilités, des « effets civilisateurs des luttes de la classe ouvrière pour la diminution de la journée de travail », de la notion de « sous-systèmes technico-économiques », des migrations, de cycle de luttes de classes… Il nous rappelle aussi que si « le capital a un pouvoir sans partage sur les usines et les machines, il n'a pas un pouvoir sans partage sur le travail vivant », il s'agit là d'une des contradictions de ce mode de production. Ernest Mandel rappelle aussi que « le taux moyen de profit est certainement un résultat social de décisions privées, et un résultat social qui ne devient apparent qu'après un certain laps de temps », encore des contradictions internes au mode de production. L'auteur parle du « travailleur salarié libre (pas esclave) », des mécanismes économiques qui ne peuvent « engendrer la résignation automatique, la passivité et la subordination à cent pour cent du travail salarié face au capital ». Il termine sur le taux de profit comme « résultante de l'action de tous les mécanismes propres au système » et sur l'interaction des « contradictions fondamentales du système »…

Le livre se termine sur une remarquable postface de Michel Husson : « La théorie des ondes longues et la crise du capitalisme contemporain », http://hussonet.free.fr/mmh14w.pdf

L'auteur indique le lien entre capitalisme néolibéral et phase récessive dont « le trait spécifique essentiel est la capacité du capitalisme à rétablir le taux de profit malgré un taux d'accumulation stagnant et des gains de productivité médiocres », et l'absence de la conjonction des conditions de passage à une nouvelle onde expansive. Il parle d'une période de « régulation chaotique ».

Michel Husson revient sur la notion d'onde longue, différente de la notion de cycles. « L'idée clé est ici que le passage à la phase expansive n'est pas donné d'avance et qu'il faut reconstituer un nouvel « ordre productif ».»

Il aborde la déconnexion entre différentes variables, profit, accumulation, productivité, pour souligner une « configuration inédite » dans la phase néolibérale. La restauration du taux de profit depuis le tournant néolibéral n'a pas entrainé une augmentation « durable et généralisée de l'accumulation ». Il revient sur la dynamique du taux de profit, la composition organique du capital, celle-ci ne s'élevant « que si la composition technique du capital croît plus vite que la productivité du travail » et indique, « il faut que la manière dont se rétablit le taux de profit apporte en même temps une réponse adéquate à d'autres questions portant notamment sur la réalisation du produit ».

Michel Husson montre que les modalités de fonctionnement, d'un « nouvel ordre productif » doivent combiner :

« – un mode d'accumulation du capital qui règle les modalités de la concurrence entre capitaux et du rapport capital-travail ;

- un type de forces proctives matérielles ;

- un mode de régulation sociale : droit du travail, protection sociale, etc. ;

- le type de division internationale du travail.»

Il insiste particulièrement sur la productivité, « C'est au contraire parce que la productivité – en tant qu'indicateur de profits anticipés – a ralenti, que l'accumulation est à son tour découragée et que la croissance est bridée, avec des effets en retour supplémentaires sur la productivité ».

Michel Husson souligne aussi la baisse de la part des salaires dans le revenu mondial, discute du progrès technique, de la concentration du capital, « 147 multinationales possèdent 40% de la valeur économique et financière de toutes les multinationales du monde entier », du scientisme de certains marxistes, des alternatives ouvertes à chaque grande crise, dont le renversement du capitalisme. Il conclut sur l'absence d'automatisme dans la dynamique à long terme du capitalisme.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
le taux moyen de profit est certainement un résultat social de décisions privées, et un résultat social qui ne devient apparent qu’après un certain laps de temps
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147 multinationales possèdent 40% de la valeur économique et financière de toutes les multinationales du monde entier
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L’idée clé est ici que le passage à la phase expansive n’est pas donné d’avance et qu’il faut reconstituer un nouvel « ordre productif »
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les rapports économiques ne sont qu’un aspect de rapports sociaux complexes
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Vidéo de Ernest Mandel
Ernest Mandel a été l'un des marxistes les plus novateurs de la deuxième moitié du XXe siècle, "Militant professionnel", il a mis toute sa force, son savoir et sa vaste culture au service de la lutte pour le socialisme, dans la construction d'un parti révolutionnaire et de la Quatrième Internationale. Parallèlement, il a développé une activité intellectuelle incessante et a écrit de nombreux livres: "Le traité d'économie marxiste", "La contribution de Trotsky au marxisme", "Le troisième âge du capitalisme"... Ce documentaire retrace la vie de Mandel et par la même occasion 60 ans de lutte : de la guerre civile en Espagne jusqu'à la chute du mur, en passant par l'Algérie, le Che, le Vietnam, la grève générale 60-61, Mai 68, le Portugal...
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