En vérité, le pape François a l'habitude d'user d'un langage peu orthodoxe, surtout quand il parle dans sa langue natale, l'espagnol d'Argentine. Quand il s'adresse aux jeunes, il utilise volontiers l'expression argentine hacer lío que, en français, on traduit communément par «mettre le bordel». D'aucuns préféreront la traduire pudiquement par «faire du vacarme», en référence à un précédent dont le pape a pu s'inspirer. En 2000, à Rome, durant les Journées mondiales de la jeunesse, le pape Wojtyla parla du vacarme que faisaient les jeunes présents, ajoutant : «Ce vacarme a frappé Rome, et Rome ne l'oubliera jamais !» Mais, en réalité, l'expression hacer lío, bien que privée de connotation obscène, correspond assez précisément au sens actuel de notre «mettre le bordel», car elle implique non seulement le bruit, mais aussi le désordre et la confusion.
Que puis-je espérer comme conséquence de la Journée de la jeunesse ? J'espère du bordel. Qu'il y ait ici du bordel, sans doute il y en aura, qu'il y ait à Rio du bordel, sans doute il y en aura, mais je veux aussi du bordel dans les diocèses, je veux que vous mettiez le feu, je veux que l'Église sorte dans la rue, je veux que nous nous défendions de tout ce qui est mondanité, de ce qui est immobilisme, de ce qui est confort, de ce qui est cléricalisme, de ce qui est rester enfermés sur nous-mêmes ; les paroisses, les écoles, les institutions sont faites pour sortir dehors, sinon, elles deviennent une ONG et l'Église ne peut être une ONG ! Que les évêques et les prêtres me pardonnent si quelqu'un met le bordel chez eux, mais voilà mon conseil. Merci pour ce que vous pourrez faire.
Dans le langage du pape, en revanche, le lío est un désordre intentionnel et chargé de sens : hacen lío les étudiants qui se déchaînent durant une fête, tout comme lors des manifestations de protestation dans les rues de Buenos Aires. En 2013, lors de sa rencontre avec de jeunes Argentins - là encore lors des Journées mondiales de la jeunesse - dans la cathédrale de Rio de Janeiro, François a d'abord plaisanté sur les mesures de sécurité («Quelle mauvaise chose que d'être mis en cage [...]. J'aurais aimé être plus proche de vous, mais je comprends que, pour des raisons de sécurité, cela ne soit pas possible»), puis il a dit, et répété, que ce qu'on devait espérer des jeunes est qu'ils mettent le bordel.
Le 15 janvier 2015, une semaine après la tuerie au siège de Charlie Hebdo à Paris, le pape François fit aux micros des journalistes une déclaration que beaucoup trouvèrent déconcertante : «Il est vrai qu'on ne doit pas céder à la violence, mais si le docteur Gasbarri, mon grand ami [l'organisateur des voyages pontificaux], disait du mal de ma mère, eh bien, il devrait s'attendre à un coup de poing ! Mais c'est normal !» On critiqua la confidence papale pour ce que, en substance, elle justifiait, ou paraissait justifier, l'acte des assassins ; mais, plus ou moins consciemment, nombreux furent aussi ceux qui furent troublés par un pape qui s'exprimait de la sorte.
Avec Alessandro Barbero & Diego Marani
Rencontre animée par Fabio Gambaro
Italissimo ce sera début juillet et – toute l'équipe du festival croise les doigts – en présence du fidèle public de la manifestation. Dans cette attente, le festival adresse un signe à ses spectateurs : une journée de rencontres et de lectures construites autour Dante et Goliarda Sapienza, deux piliers de la culture italienne, que réunit un pont de cinq siècles.
De Dante Alighieri, le « père de la langue italienne », cette année marque le 700e anniversaire de la mort. Sa Divine Comédie, chef d'oeuvre parmi les chefs d'oeuvre, célèbre en trois chants, de l'Enfer au Paradis, en passant par le Purgatoire, la représentation du monde catholique au Moyen-Âge. le texte est devenu une référence incontournable de la culture occidentale, son influence est incommensurable.
L'historien médiéviste et romancier Alessandro Barbero publie une biographie trépidante du héraut des lettres italiennes. Un portrait vivant qui révèle l'homme de son temps, loin de la sacralisation du Poète à laquelle se livrent bien des commentateurs ! « Je ne cherche pas à expliquer pourquoi, sept cents ans après la mort de Dante, il vaut encore la peine de lire La Divine Comédie : je raconte la vie d'un homme du Moyen Âge, qui eut des parents, des oncles, des tantes et des grands-parents, qui alla à l'école, tomba amoureux, se maria et eut des enfants, s'engagea dans la politique et fit la guerre, connut des succès et des malheurs, la richesse et la pauvreté. Sauf que cet homme est l'un des plus grands poètes qui aient jamais foulé la terre. »
Avec le soutien de l'Ambassade d'Italie en France et du Consulat italien
À lire – Alessandro Barbero, Dante, trad. de l'italien par Sophie Royère, Flammarion, 2021.
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