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EAN : 9782869160439
211 pages
André Dimanche (31/10/1999)
3.65/5   26 notes
Résumé :
La Rose de Mahé vient de quitter les Seychelles que ravage une épidémie de variole.

A bord, le plus étrange chargement : un lot de tortues géantes à destination d'Aden ; douze matelots qui rêvent d'or depuis que le capitaine Eckardt a révélé le but de son voyage ; un homme silencieux, leur prisonnier, qui détient le secret de leur future fortune ; la mort, enfin, embarquée aux Seychelles avec la variole...

Loys Masson (né en 1915 à l'î... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
« Nous avons été je crois bien, à bord de la Rose de Mahé, les derniers aventuriers de ce coin du monde. Maintenant j'en ai fini avec la mer. Je lui ai tourné le dos, à jamais. »

Ainsi commence l'évocation des souvenirs du narrateur à bord de la Rose de Mahé. Nous sommes en 1904 et le navire de contrebande croise au large des Seychelles où sévit une épidémie de variole. A bord, 12 hommes dont le capitaine Eckardt, trafiquant d'armes, d'esclaves, d'alcool et d'opium, Maccaïbo, Barthélémy et surtout Bazire qui obsède tant le narrateur. Bazire qui aime et a toujours aimé les tortues, au contraire du narrateur qui en conserve un trauma d'enfance et les hait au point de prendre du plaisir à les tuer. C'est « Sisyphe pire, qui transporte son rocher et qui est son rocher. L'incarcéré qui est le prisonnier et sa geôle. » La tortue, animal fétiche, dont Bazire loue les pouvoirs protecteurs : « Elles sont gardiennes. Elles veillent sur notre fortune et sur nous. Elles nous protègent. Elles sont porte-bonheur… ».

Malgré l'épidémie dans l'archipel, le capitaine Eckardt descend à terre pour organiser un dernier coup : capturer son ancien complice Vahély pour le forcer à révéler l'endroit où se trouve le trésor perdu de l'Iman de Mascate, en pèlerinage vers La Mecque, « un véritable monceau d'offrandes, pierreries, or, ivoire et compagnie, afin de saluer dignement le souvenir du Prophète »… Pour masquer ses véritables intentions, Eckardt embarque une soixantaine de tortues géantes à destination d'Aden. Mais tout ne se passe pas aussi vite que prévu et chaque jour à terre augmente le risque de contracter la variole.

Enfin le navire appareille. Dès lors, on croit lire un roman d'aventure dans la veine de L'Île au trésor, c'est en fait une histoire trouble et enfiévrée où s'entrelacent la peur grandissante de la variole et les visions éthyliques du narrateur porté sur le rhum et obsédé par la présence des tortues comme une malédiction à bord du bateau. L'équipage sera confronté à un dilemme : relâcher à terre pour chercher un vaccin quitte à être arrêté par la police pour la capture de Vahély, perdre tout espoir de trésor, ou alors poursuivre la route et être riche ou mourir.

Originaire de l'île Maurice, Loys Masson, poète avant que d'être romancier a été nommé le « Melville français » par la critique. Son oeuvre phare, Les tortues, inspirée du livre Les Encantadas ou Iles Enchantées de l'écrivain américain, lui vaut consécration. Ceux qui ont lu et apprécié Au-dessous du volcan de Malcolm Lowry se retrouveront également dans ce roman parfumé de poésie, où la langue française fleurit de mots exotiques : palissandre, vanillier, fangourin, boulboul, oiseau-banane, badamier, bétel, varangue, mangue, citronnelle…

En conclusion, malgré d'indéniables qualités, Les Tortues n'est pas une lecture facile. C'est un roman qui résiste et qui nécessite du temps pour en mieux pénétrer la signification. Je le recommande à ceux qui cherchent des trésors oubliés et aiment déchiffrer les parchemins obscurs qui mènent à leur découverte. Je ne suis pas vraiment de ceux-là.
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Chef-d'oeuvre !
A propos des tortues, L'Express s'était écrié : « C'est L'Île au Trésor écrite par un poète de la race de Saint John Perse. »
« D'autant qu'il y aura toujours, comme le savait fort bien ce fictionneur hors pair, « des histoires ourlées de cyclones et de requins à conter. » Éric Dussert.
Magnétique, culte, « Les tortues » est le livre. Celui qui honore la littérature. Sa richesse infinie est garante d'une oeuvre rare. Écrit en 1956, pas une ride sur le filigrane. Son souffle perdure, la lecture est une sacrée chance. Merci L'Arbre Vengeur pour sa renaissance ! Ce classique est un récit voyageur dirions-nous, mais non. Il est un esprit, l'emblème maritime. Une rencontre fabuleuse avec des hommes, aventuriers, éperdus d'espace et de déraison. La fraternité chevillée dans les lames de fond.
Le narrateur (anonyme) s'allie au capitaine Eckardt avec « une douzaine sous ses ordres à bord de la Rose de Mahé, fin voilier. » Contrebandes, « tout nous était argent sans odeur. »
L'histoire se déroule dès novembre 1904.
On ressent des destinations avides de richesses, des marins complices des transports d'esclaves « entre l'Abyssinie et le Yémen et, à deux reprises même, piraterie caractérisée sur la Côte des Somalis. »
Eckardt est vil, avide d'argent, un homme oublié, égaré dans les affres nauséabondes. « Eckardt, énorme comme son destin. » Surnommant les marins « mes petits frelons. »
Le capitaine Seamus Eckardt à défaut d'autres marchandises va transporter sur son voilier des tortues géantes, celles des Seychelles, île ravagée par la variole. de ce fait, le voilier reste accroché tel l'étendard d'un malheur sous-jacent aux regards de l'île qui va sournoisement prendre au piège les marins. Pas de vaccin pour eux. Plus un seul à disposition. Une soixantaine de tortues géantes sont embarquées. Eckardt promet aux marins de l'or « au bout du voyage ». le narrateur tremble. Les tortues sont pour lui le symbole de la malédiction. Un rejet venu de sa plus tendre enfance. Une métaphore cruelle et dévorante. Des tortues fantomatiques qui dévorent ses pensées, sa condition même d'homme. Imaginez ces mastodontes marcher sur le plancher qui craque. Cette vision d'horreur qui prend vie et encercle sa raison jusqu'à frôler la folie. Des tortues paraboliques d'une phobie intestine. le voilier est un microcosme grouillant de vie. Comme si le monde naviguait sur les flots. Ici, il y a des hommes, une hiérarchie de fer, la peur de la variole qui va être un tsunami. Pourtant la douceur de la trame est lagune. Tout, ici, peut être annoté, certifié. Un auteur de génie (Loys Masson) qui souffle sur les voiles, fait briller les regards et attise une histoire forte, scellée à la beauté humaine envers et contre tout. Ce livre est une émotion. Un passage obligé pour s'endurcir face aux tempêtes.
« Éléazar avait cessé de chanter. D'en bas montait l'archange bleu de sommeil. Il se postait à l'avant, il était le veilleur de la tranquillité et du rêve, le grand cousin radieux de l'espoir. C'était le calme d'avant orage : l'araignée du silence marchait sur la peau. La mer ne frappait plus la Rose que dans un gant de plume. »
Les tortues se figent dans l'orée de cette épidémie. Assignées au sceau de la perdition. le symbole détourné à l'instar d'un navire fantôme échappé de l'irrévocable. La promesse de l'or au bout du voyage est l'homme qui se noie en pleine mer.
« L'homme n'est pas chez lui sur l'eau ; il y voyage, c'est une intrusion : ces vagues, ce bleu, cet horizon fondant ne sont pas de son domaine naturel. »
Que va-t-il se passer dans le coeur même de « La Rose de Mahé » ?
« A chaque fois le monde des tortues se rapproche. »
L'épidémie griffe, les tortues géantes, la variole ? Lisez, lisez ce livre splendide.
Sur l'autre rive, le plus beau chant d'une littérature de renom : l'accolade langagière.
Prendre soin de la préface d'Éric Dussert. Lire attentivement « une lumière d'Acropole avec un goût de laurier. » Loys Masson « Ce poète est pour moi l'un des seuls d'à présent qui ait une voix. Et elle va droit en moi. » Henri Michaux. Loc-bloc, dame-jeanne et livre de loch…
Dans l'écrin d'une collection : l'alambic dirigée par Éric Dussert. Publié par les majeures Éditions de L'Arbre Vengeur.


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Une histoire de contrebandiers, de vérole et de tortues, qui dans son apparente simplicité nous transporte dans un univers exclusivement masculin en pleine dérive, en proie à la cupidité, aux fantasmes, à la superstition, et qui s'écroule lentement sous le poids de la culpabilité de ses personnages. Un roman très bien écrit, dont certaines scènes brillent par leur intensité et par leur majestueuse description des îles de l'Océan Indien.
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Le capitaine Eckardt, dont les veines du cou explosent presque tant la rage et l'obsession les irriguent, entraîne douze matelots, ses "frelons", à la recherche d'un trésor. Leur brick, le Rose de Mahé, quitte bientôt les Seychelles après avoir embarqué quelques passagers de cauchemar: le virus de la variole, un mort en sursis du nom de Vahély qui seul connaît l'emplacement du trésor, et une soixantaine de tortues géantes. de leur enclos monte "le frottement doux, pressant, amoureux, des coques entre elles quand le temps de la parade approche". La fièvre, le rhum, le soleil
cognent dur, des visions étranges faseyent parmi les haubans; la folie rôde - mais n'est-ce que la folie?

Commencée sous les bonnes étoiles de Melville et de Conrad, cette étrange croisière s'affranchit bien vite de tout sextant et explore des parages que nul explorateur n'avait encore cartographiés.

Mais l'on en a déjà trop dit... "Ah, c'est le silence, plutôt, qui devrait suivre", écrivait jadis Max-Pol Fouchet en refermant un autre grand livre.
Lien : https://bibliogite.jimdofree..
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Plongée sensuelle dans la folie, avec un goût de sel, de soleil et de mort, le choc mat des carapaces à l'heure du rut et la cupidité des hommes, d'or et de feu. Un chef d'oeuvre.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Et puis un visage noir, un visage de vrai nègre est toujours plus rassurant qu'un autre. Il y a ce dessin ouvert des lèvres, offert à quelque chose de béat peut-être mais d'activement amical, cette bonté qui habite le front et le nez. Il y a aussi quelque chose d'enfantin, même dans les très vieux noirs ; et l'enfant est confiance plus que fragilité. Un visage blanc - je ne dis pas le mien, ce miroir éclaté - votre visage dans une glace ou celui de votre voisin, détaillez-le : quoi que vous prétendiez ou qu'il prétende, il est voué à l'inquiétude. N'est-ce pas la nuance qui le veut, ce blanc faux qui est la pauvreté et la mort d'une couleur ? Race suspecte se prétendant reine ! Je n'ai jamais conçu Orphée de la légende que noir d'ébène - que sonore et que net. c'est un noir qui se concilie les bêtes, fait se pencher en alliés, en amants, les arbres et les roseaux, dompte la musique, echante le silence, guérit. Le blanc c'est Adam de l'Eden ; il pèche, il se damne. Vivant, il est déjà comme mort ; il a la teinte de la mort. Il vogue et va dans la couleur négative... Maccaïbo comme tant d'autres de sa race était un homme sur le chemin du retour au Paradis Perdu. Je le haïssais pour sa brutalité ; je l'aimais pour sa géante innocence.
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Mais la tortue ? Serpent qui se cache d'être serpent. Diable sous masque de mendicité. Faux Job. Sisyphe pire, qui transporte son rocher et qui est son rocher. L'incarcéré qui est le prisonnier et la geôle. Et qu'est-ce que ces profondes commissures de sa gueule sinon le rictus de la cruauté calme ? Les plissures des paupières ! des yeux qui semblent avoir regardé déjà, avoir déjà vu avant le Temps. Ces chocs sonores des carapaces dans l'accouplement - mariage de deux pierres livrant une semence de pierre, le démoniaque suintement des traînassements futurs. Ces grognements alors, ces cris étouffés, presque d'humains, comme si nous nous interpellions dans le couple du fond de l'abime promis. Et, après, les prunelles à peine mobiles qui s'alentissent encore, de sourds craquements dans les cuirasses comme ces bruits d'un poêle qui refroidit après la flambée, le rudiment de queue qui traîne, ébauche lamentable de la naissance d'une vipère...
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C'était une danse de son pays et il l'avait rebaptisée la danse de l'or. Il la dansait nu comme un ver, s'accompagnant d'un long chant rauque dans le dialecte de Goa. Il tournait, tournait jusqu'à tomber en hurlant un hurlement étranglé, menaçant à force de puissance. Le soleil le piquetait d'or, c'était vrai. Chaque goutte de sueur étincelait sur ce noir profond aux richesses d'écrin. On donnait la mesure en claquant des mains, en tapant des pieds. L'esprit de la danse finissait par nous envahir en nous-mêmes.
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Ramenez le monde dans le monde, capitaine ! Mais non, il se taisait. Je me taisais. Les ressacs dormaient. Peut-être les poissons eux-mêmes ? Dieu dormait, qui n'avait plus guère à gérer que cette création engourdie. Le spectre de la Rose Mahé grandissait régulièrement, le spectre de la ville derrière nous s'amenuisait. L'eau comme un espace mort, même pour nous qui y voguions. Un derrick là-bas, un cou de métal offert à une guillotine de brume - la brume cette nuit plus consistante que l'acier, et c'était juste. Une avancée de bâtiments noyés. Quelques lueurs montant et descendant avec le mouvement de la rade - et l'énigme d'un bateau devant nous qui était cependant le nôtre, où nous avions nos habitudes et nos certitudes, et nos places, et nos répondants dans le petit miroir du poste...
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Deux jours maintenant, trois, la tortue agonisera. Elle mourra chaque jour, d'un jour de mort. Elle cuira - par sa plaie. Dans cette plaie le soleil se glissera et tout en même temps pesant et léger et abominable et tendre, ne faisant jamais plus que la tâche quotidienne, mesuré, caressant, il saccagera le corps, montant à mesure vers le coeur, vers les déserts de la soif de l'estomac, tous rayons pointés, tel un porc-épic d'or. Je sais cela.
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Les Tortues de Loys Masson, réédité par L'Arbre vengeur dans la collection L'Alambic avec une préface d'Eric Dussert.
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