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EAN : 9782226215154
464 pages
Albin Michel (18/08/2010)
3.87/5   204 notes
Résumé :
En 1859, le médecin-major Rochambaud, qui suit les armées de Napoléon III dans leurs campagnes d'Italie, écrit au médecin de campagne d'un village normand, le docteur Le Cœur. A travers eux, le soldat Délicieux, ordonnance du premier, et sa famille peuvent communiquer. Ce sont de pauvres paysans illettrés, qui n'ont eu pour seul recours contre la misère, que de "vendre" leur fils, enrôlé à la place de celui de paysans prospères. Mais Délicieux se révèle, à la décept... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (55) Voir plus Ajouter une critique
3,87

sur 204 notes
Le roman se déroule au XIXème siècle. Il commence par un très long flash back. Hortense, la fille de Jean Baptiste Lecoeur, médecin à Rapilly en Normandie, dans la vallée de l’Orne précisément, vient de solder l’héritage de son père et va s’embarquer sur un bateau pour les Amériques où elle va rejoindre son frère, François : «qui s’était embarqué (...) comme médecin navigant au commerce, (et a ) choisi après son contrat de s’exiler à Boston aux Amériques, où il pratique loin de son père.»

Hortense regarde une dernière fois, avant de partir, cette maison où elle a grandi et où son père a vécu jusqu’au dernier jour :
«Elle pensera qu’elle n’est jamais partie.
Qu’importe tout cela, à présent elle est libre.
Orpheline, veuve et libre.»
Dans l’héritage, outre la maison et la ferme que son père gérait comme un modèle inspirée des théories hygiénistes de l’époque, elle trouve :
Une pile de lettres entre son père et le Médecin Major Charles Rochambaud, en partance pour l’Italie où les troupes de Napoléon III sont engagées dans la bataille pour l’Unité Italienne et vont stationner près de Solferino...
Le journal de bord de son père qui décrit de façon scrupuleuse les tournées du médecin dans la campagne normande, ses relations avec les autorités, les interrogations qui le hantent quant à la volonté de ces dernières à promouvoir une politique de santé à même de garantir le bien être des populations en luttant contre les obscurantismes encore très présents malgré les progrès de la science médicale.

A bord du bateau, Hortense va lire ces documents qui retracent de façon détaillée la vie de son père qui a fait de son métier de médecin un véritable sacerdoce. Comme le curé, (on ne parle pas encore d’instituteur) il est au service de la population et plus particulièrement au service des pauvres et des indigents.
Qu'importe en effet la douleur des malades si son abrogation met en péril un confort établi depuis longtemps ?» écrit-il au colonel Rochambaud.

Hortense découvre un père différent de celui qu’elle a connu «(...) enfant, il n’était pas rare que, descendant en pleine obscurité pour se dérober à un cauchemar, elle le trouve étendu à cette place, parfois riant tout seul de sa lecture. Il se levait et la prenait dans ses bras pour la consoler.»

Le Coeur a perdu sa femme , il s’inquiète pour Hortense devenue la femme d’un notaire qu’il n'apprécie guère :
«Mon gendre, l'ineffable Mortier a émis les plus fermes réserves sur l’air «la femme dont le coeur rêve» joyeusement interprété par Sophie du Veran, charmante Eurydice, et qua joliment accompagnée mon Hortense au clavier. Je ne sais pas ce qu’elle peut trouver à ce notaire de mari, rabat-joie et triste comme un abat-jour. J’ignore pourquoi ces jeunes gens ont choisi ma demeure pour se retrouver .»

Il porte sur la conscience la mort de son fils Gaston, médecin lui aussi, : «Mon pauvre Gaston qui dort sous les sables ou les cailloux de quelque djebel algérien.»
Le Coeur a refusé de racheter le numéro de son fils qui le contraignait à être enrôlé : «Gaston est mort parce que je n’ai pas été capable de sacrifier mon opinion à son destin.»

La confrontation entre les échanges épistolaires et le journal offre des éclairages différents sur les mêmes événements, permettant de mesurer ce que pense le docteur Le Coeur et ce qu’il en dit à son collègue Rochambaud.
Le Coeur a été formé à ce métier dès le plus jeune âge, adolescent, il suivait son père médecin lui-même,
Rochambaud lui est médecin par défaut.
L’échange entre les deux hommes (15 février 1859 - 28 juin 1859 ; Solferino ayant eu lieu le 24 juin) concerne essentiellement la situation d’un jeune de Rapilly, Brutus Delicieux, dont les parents sont fermiers des Durant, de riches propriétaires. Le fils de ce dernier a payé Brutus pour prendre sa place dans la conscription.
«Brutus en prenant le numéro du sieur Durant a vraiment sauvé sa famille de la ruine.»
«Les parents Délicieux demeurent à Bazoches-au-Houlme, dans la dernière ferme du village sur la route de Falaise.»
Le jeune Brutus est amoureux de Louise, la fille du patron de l’auberge «(...) Au chien qui fume, au lieu dit le Détroit.» Le père Bayard est un monstre qui considère sa fille comme sa chose.
«Depuis plus de dix ans, le père de Louise abuse d’elle et la vend aux clients de passage Au chien qui fume.»

Ces lettres révèlent les pratiques des familles paysannes en matière d’éducation. La soeur de Brutus, Françoise est jugée trop libre de caractère : «Elle a, je crois, hérité des compositions de ton grand-père, ces dispositions qui semblent celles d’un heureux et viril caractère quand on les regarde de loin et qui indisposent chacun quand elles surviennent dans le sein de la famille.», elle ira au couvent : «la mère supérieures a accepté de la prendre, même sans dot. Si tout va bien elle prononcera ses voeux l’année prochaine et en attendant restera au couvent.»
L’autre soeur, Marguerite épousera le fils Durant avec en dot «(...) le champ de Bourdeuil qui est mitoyen au bois des Flagues.»

Les deux hommes abordent librement entre eux la question de leur sexualité :
«Le nécessaire exutoire de ma virilité fut de conjugaisons stipendiées et abritées par des maisons réservées. Jusqu’à présent, mon ardeur n’a jamais eu les moyens de se contenter d’une seule amante, et il me fallait aller de corps en corps pour tenter d’épuiser ma singulière vigueur.» dit le colonel Rochambaud.
«Nous sommes tous ainsi dominés par notre sexe. Pourtant nous autres médecins devrions être indemnes de cette gourmandise insatiable que nous constatons si bine chez les autres, mais point ! Ce qui s’impose alors est si violent que l’esprit en est tout submergé.», écrit Le Coeur dans son journal.

Il y avoue par ailleurs ses relations avec plusieurs patientes :
«Il est à Condé une certaine veuve, Colette de Framon, un peu plus jeune que moi. Je la suis plus pour sa conversation que pour ses maux.»
«Je sentis ses doigts se promener dans mes cheveux. Nous sommes ainsi passés d’un acte qui se voulait méthodique à une douce intimité.»

«Je suis descendu à l’Hôtel du Lion. Marguerite Renoir, la veuve de l’ancien propriétaire, est une femme que je connais un peu.»
«Le lendemain, après un sommeil de plomb, j’ai été étonné de découvrir cette femme nue dans mes draps, sa chevelure rousse répandue sur l’oreiller.»

«Madame Vernaison a blanchi de toute son infection. (...) Contre mon habitude, je l’ai ausculté sans autre témoin et maintenant qu’elle est guérie, j’ai découvert un certain charme à ses intimités.»

Le Coeur est un honnête homme, intègre et scrupuleux :
«Quelquefois je me demande si je vaux tellement mieux que le sorcier de la forêt-d’Auvray que je traite. il prétend soigner les fluxions et les inflammations à l’aide de décoctions ignobles qu’il administre avec force Ave et Notre-Père à ses fidèles,(...)»
«Je me suis arrêté à la forêt-d’Auvray chez mon sorcier et, (...)nous avons éclusé un ou deux litres de calva jusqu'à la nuit.»
Il tient à son rôle social, et rend compte de son activité de façon précise :
«Jour d’examen et de marché. Trois poules et deux jambons.»
«Mercredi, consultation et marché. Dix clients, trois chapons, un lapin, le tout vivant, Dix sous.»
Il livre à son journal son bilan financier et patrimonial, les revenus des ses trois fermes, de ses deux coupes de bois de Mayange, la rémunération de ses activités médicales financées par le département, et celle de son activité médicale privée :
«(...) ce qui fait que je vois à peu près mille patients réguliers. La moyenne de mon revenu d’examen est donc d’un franc cinquante par acte. Si je n’avais que ma pratique (...) je ne sais si j’aurais pu soigner gratis les indigents et élever mes enfants.»
Il confie à son journal les contraintes et le limites des connaissances scientifiques et les difficultés d’approvisionnement des zones éloignées de la ville, en remèdes :
«Ce matin, le courrier m’a apporté la fiole d’essence virginale de Catinée que j’avais commandé voilà trois mois. Le remède arrive un peut tard ; le patient est mort voici dix jours.»
Son travail est sans cesse remis en cause par l’obscurantisme et la naïveté des populations qu’il soigne :
«Malheureusement, une trop grande hâte dans l’introduction de nouvelles habitudes entraîne souvent un retrait de l’instruction. (...) ce qui avait demandé des années d’effort(...)se trouve rejeté à un état pire que le précédent. Et l’on voit les sorciers, les thaumaturges et les prêtres rattraper en un seul moment tout le terrain que nous leur avions arraché.»
Il s’efforce de convaincre son fermier «(...) d’adopter des mesures d’hygiène à la pointe de la modernité, ce qu’il considère comme une illumination de ma part par laquelle il lui faut bien passer ; d’ailleurs il m’en laisse toute la féminité supposée. Pourtant, notre lait tourne moins rapidement, notre beurre rancit plus tard et nos fromages ne s’en trouvent pas plus mal.»
«(...) et depuis une semaine, il avale au réveil à jeun un gran verre d’urien de jeune fille vierge.»
Le Coeur est lucide sur la religion et les prêtres :
«Si mettre une soutane ouvrait une communication directe avec le Bien, tous ceux qui se prétendent hommes de Dieu, auraient depuis longtemps éradiqué la terrible misère dans laquelle se trouvent les humains.»
Cela ne l’empêche pas d’apprécier l’abbé Bucard, le curé de Taillebois :
«j’ai de la sympathie pour cet homme tant qu’il ne tente pas de me convertir ou de prêcher.»
Il n’en va pas de même en ce qui concerne l’abbé Rouvre qui ne recueille pas non plus les grâces de Bucard :
«La médisance est un péché véniel qui se substitue fort bien aux passions tristes comme la colère ou la jalousie, surtout quand elle s’attache à des personnes qui y prêtent si évidemment le flanc que l’injustice serait de ne pas s’y adonner.»
Si Le Coeur est un homme public, il s’est engagé pour servir ce qu’il croit juste et fondé, la possibilité pour lui d’apporter ses connaissances à une population qui ne peut se permettre de payer des honoraires. Pour cela, il rétablit, selon ses propres critères, un équilibre entre les riches et les pauvres de sa clientèle.
«Lorsque j’avais décidé à la mort de mon père, de m’impliquer dans la vie publique, j’en voyais plus les honneurs que les astreintes. Les fonctions qui me sont échues m’ont apporté une certaine notoriété, et même une accroissement de ma clientèle parmi les notables de la région. S’il me faut soigner les indigents en raison de leurs moyens, il est utile d’avoir cette classe de patients bien nourris et sans surprise, qui languissent de pléthore et son capables de débourser pour ceux qui ne le peuvent.»
Il accepte des charges peu rémunérées mais permettant d’accroitre sa notoriété.
«Demain donc je préside le conseil de révision à Caen»
Il assure le suivi médical des prostituées de deux établissements réservés :
«Le surplus, plus secret, c’est la fréquentation des tolérances et, à chaque fois, un risque réitéré de voir se propager les maladies, que ce soit à la maison Duchâtel, consignée à la troupe mais non aux officiers, ou à la maison Fernier, ouverte à tous sur instruction de Fortier qui tente, autant que faire se peut de maintenir le calme dans sa ville.»

Il fait preuve d’un lucidité extrême sur sa place parmi les notables et les politiques :
«Les politiques, eux, imaginent que je suis un homme sans conviction. Les idéologies baroques dont ils marquent leurs ambitions détraquées, leur goût de la breloque et des honneurs me laissent froid, c’est vrai. Il est tout aussi exact que je regarde avec effroi leur esprit de système, leurs fantasmes d’ordre et les moyens démesurés que leurs stratégies s’y procurent.»
Sa pratique médicale, sa volonté de généraliser la vaccination dans son canton, le font remarquer des politiques qui l’utilisent pour briller auprès de la représentation nationale et le font nommer au sein d’une commission chargée par «L’Empereur (...) d’étudier les mesures à prendre pour le cas où se renouvellerait une épidémie comme celle de 1855, (...)»
«La présidence de cette commission était assurée par Alfred Velpeau et ses deux inséparables Pierre Bretonneau et Armand trousseau, appelés par les autres «la bande des Tourangeaux.»
Il arrive au sommet, «Au courrier, j’ai trouvé une copie du décret, signé de l’Empereur, qui me faisait membre de l’Académie de Médecine et commandeur de la Légion d’honneur.», mais n’en tire aucune gloire, d’autant plus qu’il constate que sa pratique et sa vie privée sont sous surveillance :
«Ce n’est que sur le chemin du retour que j’ai compris le sens de tout cela : une aimable démonstration de force. Soyez avec nous et vous aurez tout ce que vous désirez, soyez contre nous et nous vous briserons. Je n’imaginais pas avoir tant d’importance dans le canton.»
Le roman de Vitor Cohen Hadria écrit au XXIème siècle, se déroule en 1859 et fait référence à une période allant de 1815 à 1859. Il propose un contrepoint précieux et étonnant aux romans du XIXème, que ce soit la comédie Humaine de Balzac, ou les Rougon-Macquart de Zola.
Le personnage de JB Le Coeur, un médecin éclairé qui exerce au profit des indigents et des sans grades, se démarque des personnages souvent roués et tortueux qui émaillent les deux oeuvres citées. Il rappelle par le contexte, le sujet et les personnages, le roman de Balzac, Le médecin de campagne, écrit en 1834.
Le roman est crédible et bien documenté. Il décortique avec talent les relations sociales complexes entre les tenants d’un pouvoir fort mais frileux et les tenants d’une libéralisation de la société, défenseurs du progrès économique et du développement de politiques tournées vers l’amélioration des conditions de vie de la population.
le roman montre parfaitement le dilemme d’un homme qui se démarque de ses origines sociales dans une société où les classes les plus favorisées sont peu enclines à le faire.
Ce roman est à lire absolument.


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Une jeune femme revient dans la maison où s'est déroulée son enfance et sa jeunesse jusqu'à son mariage. Elle vient d'hériter des biens de sa famille suite à la mort de son père. Son mari qui les gérait est également décédé.
 Elle se sent libre, «orpheline, veuve et libre.» Elle reçoit les condoléances des trois métayers qui cultivent les terres de son père. le notaire est présent qui leur dit qu'elle ne vendra pas. Ils ne verront donc pas leur vie bouleversée. Elle, dans quelques jours, après avoir tout mis en ordre et clos les volets de la maison, va s'embarquer pour l'Amérique.

Sur le bureau de son père se trouve un cahier à la couverture toilée marqué 1859 et une chemise de maroquin vert contenant des lettres. «Elle prend le tout, qu'elle lira pendant la traversée.»

Ainsi débute «Les trois saisons de la rage», hiver, printemps et été 1859. Nous allons, en quelque sorte, lire par-dessus l'épaule de cette jeune femme qui redécouvre la vie quotidienne de son père, médecin et propriétaire terrien, sillonnant la campagne normande au XIXe siècle, dans un triangle Flers, Condé-sur-Noireau, Falaise avec quelques incursions à Caen et Dives-sur-mer.
L'échange de lettres permet de découvrir le destin de Brutus délicieux fils d'un fermier de Bazoches-au-Houlme dans l'Orne, analphabète, qui va partir pour la campagne d'Italie à la place du «gars Dunant», fils lui du propriétaire des terres qui emploie la famille de Brutus, dont il a pris le numéro de conscription.
«Notre ami Brutus en prenant le numéro du gars Durant a vraiment sauvé sa famille de la ruine» p 20
Deux médecins Charles Rochambaud médecin-major, chirurgien aux armées et le docteur le Coeur sis à Rapilly village du Calvados, se chargent d'écrire et échanger les missives et de les transmettre et les lire aux intéressés.
Le journal qui constitue la seconde partie, la plus volumineuse, du roman relate la vie quotidienne du docteur le Coeur qui va de visites en visites, médicales et libertines.
p 201 «J'ai passé mon après-midi de vendredi à inspecter des vulves et des vagins, mais je n'en ai pas moins aperçu, dans l'ouverture des peignoirs, la rondeur d'un sein, le galbe d'une hanche, la proéminence d'un ventre ou d'un nombril. Plus encore, j'ai trouvé de l'enfance dans l'éclat d'une pupille, de la douceur dans le mordillement anxieux d'une lèvre. Toute une géographie émouvante s'est dévoilée à moi au coeur de ces bouges, et ce n'était pas celle du mal, non, mais cette magnifique ascension du désir que les imbéciles appellent luxure»
Le Coeur est en contact direct avec tout ce qui fait la vie de la naissance à la mort en passant par les accidents.
«J'ai vu trépasser nombre d'humains, mais jamais je ne suis parvenu à m'habituer à ce vide qui entre dans le regard.» p 158
Un médecin qui veut avant tout soulager, qui veut comprendre, améliorer mais en évitant même si elles le révoltent parfois, de heurter les superstitions et la religion. Un homme aussi, veuf, qui avait mis ses désirs entre parenthèse après la mort de sa femme, et va renouer avec le plaisir dans les bras, entre autres, de Colette à Condé-sur Noireau et Honorine sa bonne.

«Il n'est pas plus de courtisanes que de saints en ce monde. Ce ne sont tous que de pauvres êtres en quête de ce qui nous manque le plus, la certitude d'être et de pouvoir aimer.» p 199

Il fait un peu partie de la famille de ses patients dont il connait l'intimité puisqu'il les accompagne de leur naissance à leur mort et partage leurs confidences. Il doit composer avec l'abbé Bucard qui maintient dans le corset de l'obscurantisme et pense que la souffrance est rédemptrice, avec le père Duchaume de la Forêt-Auvray, guérisseur.
Ce livre est une radiographie d'une époque et d'un lieu car tous les noms de hameaux sont bien réels. Nous savons précisément le nombre de lieues que parcourt le Coeur de l'un à l'autre. Les faits historiques, les découvertes concernant les avancées de la médecine, l'hygiène font prévoir l'évolution de la société archaïque où le rebouteux et le curé gardent encore leur pouvoir que sait contourner ou utiliser le Coeur selon les circonstances.
Je ne me suis pas ennuyée en lisant ce livre. J'y ai parfois trouver des longueurs et des répétitions mais après tout un journal en comporte forcément et ce qui peut sembler au prime abord un défaut peut aussi être considéré comme naturel. le récit s'interrompt avec l'arrivée de la fille du docteur le Coeur en vue de Long Island et quelques pans du récit qui avait pu paraître obscurs sont alors éclaircis.
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Voila un bon bout de temps que ce roman est dans ma PAL et c'est avec un challenge que je ne suis décidée à l'en sortir. Je ne suis pas totalement conquise mais mon bilan n'est pas complètement négatif.

La forme est un peu complexe et il m'a été difficile de m'y retrouver. On a d'abord un échange de lettres entre plusieurs personnages puis vient ensuite le journal intime d'un médecin de campagne qui retourne en arrière dans la passé. Heureusement l'écriture de l'auteur est belle et on se prend finalement au jeu. le médecin brosse également un portrait de la médecine de XIXe siècle et l'on ne peut qu'être ravie d'être nés a notre époque. Saignées, peu d'hygiène, pas d'anesthésiant.... bref on se dit que la médecine a beaucoup évoluée.

Ce personnage qui nous livre ses pensées est attachant et j'ai pris plaisir a le suivre. On se rend compte que son métier est épuisant et que mémé s'il voit un montagne de patient chaque jour, il est bien seul dans la vie. Heureusement, il a quelques maîtresses pour se consoler.

Bref, c'est une bonne découverte a déguster par petites touches. Il faut bien prendre son temps, pour vraiment apprécier le récit. Pour terminer, je dirais que la fin m'a surprise, elle arrive rapidement, et de manière brutale. Je ne m'y attendais pas, mais je n'en dis pas plus et je vous laisse découvrir le roman et vous en faire une idée.
Lien : https://missmolko1.blogspot...
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1859, Second Empire, Napoléon III se lance dans une offensive guerrière en Italie .Pour cela l'enrôlement bat son plein. C'est ainsi que Brutus Désirieux pour sauver sa famille de la ruine a pris le numéro du fils Durant, riche fermier dont le terres jouxtent celles de sa famille .La vallée de l'Orne abrite quelques hobereaux rétrogrades et beaucoup de paysans illettrés.Se retrouvant ordonnance du médecin major, Brutus va pouvoir écrire à sa famille grâce à celui-ci qui va prendre contact avec le Dr le Coeur médecin à Rapilly. Une correspondance commence.
Cette échange de lettres par personnes interposées et de bonne volonté nous permet de suivre cette armée jusqu'à Castiglione et Solferino d'y rencontrer Henri Dunant le futur fondateur De La Croix rouge .Que de misères, que de morts de blessés …
A Rapilly le Dr le Coeur , veuf depuis quelques années exerce son métier j'oserais dire comme un sacerdoce laïc faisant payer les riches pour soigner les pauvres , menant une guerre continuelle contre la misère, la crasse, l'ignorance ,les traditions chrétiennes , la « sorcellerie » et le clergé omniprésent.
Grâce à son journal nous le suivons dans ses tournées, dans son cabinet, dans ses travaux sur la rage et dans ses agapes .Chaud lapin, vous avez dit ?Mais non voyons : » Mon mémoire renferme l'idée centrale que la rage est due à la contention sexuelle .Le retour des gonades à l'origine construit l'infection. » (p300) D'où la nécessité d'être toujours à la pointe du vit si je puis me permettre.
Son journal nous apprend beaucoup sur cette période, sur la vie dans les campagnes sur celle de ces hobereaux ou nobliaux de province infatués par leur argent et leur pouvoir politique qu'ils utilisent le plus souvent à leur profit.
Oserais-je dire que ce le Coeur m' a par moment agacée , trop bon, trop dévoué à tous , toujours là où l'on a besoin de lui, trop beau pour être plausible .Seul petit péché mignon, après un deuil fort long suite à la mort de sa femme il se rattrape et nous le fait savoir , Colette ,Marguerite , Angèle, femmes de la bonne société ou tenancière qu'importe .Mon Dieu ce nombrilisme au bout d'un moment m'a porté sur le système !.
Que ce livre à priori considéré comme un roman , je pencherais plutôt pour un essai historique ai pu récolter autant de récompenses me surprend .Certes j'ai beaucoup appris sur l'histoire de ma médecine , des noms fameux Velpeau ,Bretonneau, Trousseau pour n'en citer que quelque uns, mais que de longueurs , de répétitions (le propre d'un journal ?) qui m'ont rendues cette lecture pesante bien que très instructive
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C'est au travers d'un échange épistolaire puis d'un journal que nous sommes conviés à recevoir les confidences d'un médecin de campagne exerçant en Normandie au milieu du 19è siècle. La tentation est grande de mettre en parallèle l'exercice de cette profession à cette époque et de nos jours.

Bien entendu ce qui frappe d'emblée et le manque de connaissance et de moyens pour venir en aide aux patients, lorsque l'on a à sa disposition essentiellement de l'opium, et des plantes. D'autre part, il n'y avait pas de limites aux interventions : appendicite, césarienne : le bloc opératoire de fortune était la pièce principale de la demeure. La distance parcourue par journée, quand on a pour véhicule un cheval, limite le nombre des malades secourus. C'est aussi pourquoi il était nécessaire d'avoir d'autres sources de revenus que la médecine, d'autant que le serment d'Hippocrate stipule que le malade qui n'a pas les moyens ne doit pas payer (pas de sécu en ces temps passés). C'est pourquoi notre praticien possédait 3 fermages lui permettant de subsister.

Malgré cela, bien des points communs peuvent être mis en évidence : le rôle de la parole ou du geste (serrer une main, palper un pouls) dans la démarche thérapeutique, la nécessité de croire à ce que l'on prescrit «il est évident que le praticien qui n'a pas confiance dans la vertu de son adresse ne saurait apporter à l'étude et à l'exercice de son art, le zèle, l'attention, le dévouement et la persévérance nécessaire». de même la confrontation avec la mort ne fait l'objet d'aucune accoutumance «j'ai vu trépasser nombre d'humains, mais jamais je ne suis parvenu à m'habituer à ce vide qui entre dans le regard».

Déjà des précautions étaient nécessaires pour pratiquer un examen intime chez une femme, et notre bon docteur exigeait d'avoir un témoin.
Deux obstacles se dressent devant la bonne volonté du docteur : l'hygiène et les croyances, auxquelles, pour rejoindre les opinions très anticléricales de notre narrateur, on peut rattacher la religion.
Car en ce qui concerne l'hygiène, «un homme un vrai, se doit de rester sale, ne raconte-t-on pas que l'odeur du bouc attire les femelles? La crasse, l'huile comme ils disent, favorise la pousse des cheveux, soutient l'intégrité du corps et des organes, les puces assainissent le sang». A la même époque, Semmelweiss en Autriche perdra la raison pour n'avoir pu instaurer le lavage des mains entre la pratique d'une autopsie et celle d'un accouchement...(cf la thèse de Louis Ferdinand Destouches, dit Céline...).
Le veuvage et la confrontation régulière avec la mort, échauffent les sangs de Dr le Coeur, et il confie volontiers à son journal les péripéties de sa vie amoureuse On pourrait considérer que c'est son hobby, seule activité pratiquée en dehors de son travail!
Bien d'autres aspects sont abordés dans ces écrits, la rédaction d'un mémoire sur la rage et ses origines, les balbutiements de la vaccination, ou encore les relations avec les aristocrates de la médecine siégeant da s la capitale ou les villes
L'ensemble est porté par une écriture élégante, avec un style délicieusement suranné. L'on ne serait pas surpris si l'officier de santé Bovary demandait une consultation pour sa femme! Si l'on ajoute à cela un travail important de recherches historiques, l'ensemble est totalement crédible et pourrait passer pour un récit inspiré de faits réels.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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critiques presse (1)
Actualitte
18 juillet 2011
Victor Cohen Hadia possède une capacité à décrire les maux et les failles humaines avec un sens exacerbé de la psychologie humaine. La beauté et l’amour sont aussi formidablement bien racontés. Une fresque morale qui nous fait pardonner aux uns, leurs faiblesses, aux autres, leur cruauté.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (43) Voir plus Ajouter une citation
Pendant qu'elle racontait nos exploits, j'ai intercepté un regard furieux d'Honorine. Il s'adressait à Sophie du Veran qui, des yeux, me lançait une telle invite qu'en les croisant j'ai reçu un choc dans la poitrine. Ensuite, j'ai surpris le même genre d’œillade que portait ma fille sur le commissaire-priseur. J'en ai été ennuyé.
certes, je ne verrais aucun inconvénient à ce que le notaire qui tant trompe le soit à son tour, mais le gout d'Hortense pour un personnage tel que celui-là me laisse perplexe. Il a tout du bellâtre prétentieux, et quelquefois les femmes malheureuses jettent leur dévolu sur des hommes qui les affligeront plus encore. Comment peut-elle ne pas discerner le jeu qu'il mène, cette stratégie primitive n'a d'autre but que d'affirmer une séduction pitoyable et vaine.
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César, mon père, était médecin de campagne comme moi. Il m'a tout appris de mon art. Plus qu'aux facultés de Caen et plus tard de Rouen, c'est auprès de lui, en suivant pendant quatre années sa pratique quotidienne, que j'ai compris la véritable substance de ce métier. J'ai commencé à l'accompagner durant l'année terrible de 1814, alors que des troupes étrangères avaient envahi la France.
Il s'agissait de faire payer au peuple l'arrogance de l'Empire. Tous les moyens étaient bons, avec, par malheur, la complicité de nos gouvernants. Viols, meurtres, tortures s'amoncelaient avec une virulence que je n'imaginais pas possible.
Il m'avait demandé de l'assister. J'étais alors presque un enfant. Nous parcourions toutes les routes du canton. des villages entiers avaient été incendiés. L'amertume nous était devenue quotidienne par la honte de voir notre territoire envahi d'une soldatesque dont nous ne comprenions ni les mots ni les attitudes. Il nous paraissait payer là quelque chose comme un péché collectif. Il avait pour nom la quête de la liberté. Car quoi que l'on puisse penser de la Révolution, elle nous avait apporté un bien considérable : nous étions maîtres de notre destin. Nous avions goûté au fuit de l'affranchissement. Ce goût, on tentait de nous le faire passer. Mon père avait une pratique longuement acquise dans le commerce quotidien de ses malades qui, tout en se méfiant de lui et de la médecine, le voyaient souvent comme un dernier recours aux aléas de la fatalité. En le suivant, j'ai compris les raisons profondes de ses silences. Que dire face à la mort convulsive et brutale des femmes, des enfants, des vieillards ? Qu'exprimer lorsque, sans souci du lendemain, on doit entrer dans des lits-cages puants de miasmes et de suées, pour ausculter des sujets qui ont déjà l'odeur de la charogne ? D'autant que, loin d'être le démiurge que l'on croit, le médecin est fait de sang et de fluides, et peut céder aux tempêtes des dérèglements de l'organisme. Combien de confrères, après avoir ausculté les humeurs, palpé les corps, incisé les bubons, ont-ils ressenti les atteintes d'un mal qu'ils savaient incurable ?
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Certaines affinités entre personnes dépassent les apparences, comme si elle s'étaient croisées ailleurs, dans un autre univers, et se reconnaissant dans celui-ci ne pouvaient qu'aller les unes vers les autres. Pourquoi cetains êtres se rencontrent-ils et, alors, monte-il de leur être un insolite et doux parfum ? Dans la violence atroce de ce monde gît ce miracle de la reconnaissance de l'autre.
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au fur et à mesure que le temps va,le corps se découvre des failles et l'on s'aperçoit que le monde n'en avance pas moins.Alors le doute vient saper l'édifice vital et ni l'intelligence,ni la violence ne parviennent à restaurer la confiance qui s'est évaporée.
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Pour étudier et pratiquer convenablement la médecine, on doit y placer de l’importance, et pour y mettre un intérêt véritable, il faut y croire.Voilà la base morale de toute expérience médicale. Il est évident que le praticien qui n’a pas confiance dans la vertu de son adresse ne saurait apporter à l’étude et à l’exercice de son art, le zèle, l’attention, le dévouement et la persévérance nécessaire.
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La parole des Libraires - Librairie Quai des brumes à Strasbourg .Sylvie Bernabé de la libraire Quai des Brumes, située 120 Grand Rue à Strasbourg, vous présente ses coups de coeur du moment.Au programme :> Une disparition, de Elsa FottorinoEt en bonus :> le roi n'a pas sommeil, de Cécile Coulon> Les trois saisons de la rage, de Victor Cohen Hadria
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