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EAN : 9782882506108
160 pages
Noir sur blanc (05/03/2020)
3.5/5   3 notes
Résumé :
Dans les années 1970, Hanna Krall raconte une histoire vraie au cinéaste Krzysztof Kieślowski. Il s’en inspire pour réaliser Le Décalogue 8. Quarante ans plus tard, Krall nous révèle les changements apportés dans la fiction et s’attache à rétablir la vérité.

L’histoire est simple : pendant la guerre, une Polonaise accepte de devenir la marraine d’une fillette juive, afin de lui fournir un certificat de baptême qui la sauvera peut-être de la mort.... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
On en arrive à « Les Vies de Maria », traduit par Margot Carlier « 2020, Noir sur Blanc, 160 p.). Un livre avec des photos, ce qui n'est pas si courant. Ce qui ajoute un peu de réalité aux narrations. Et en tout cinq parties, qui vont du huitième commandement à la double vie de Wladyslaw Sokol. En passant par une autre double vie, celle du lieutenant W, de la Maison de retraite et du Mystère.
Tout d'abord, JS et sa femme Maria, couple de polonais catholiques, qui finalement refusent de signer un faux certificat de baptême, car ce serait mentir à l'église et se parjurer devant Dieu. « Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton voisin ». C'est le huitième commandement. Celui par lequel tout le reste va arriver. C'est aussi la base du film de Krzysztof Kieslowski « le Décalogue 8. Tu ne mentiras pas » qui sert ensuite à Hanna Krall (ou inversement). L'histoire de ce couple, JS et Maria, très pieux, au point de ne pas mentir pour sauver la petite juive. Maria ne sera donc jamais la marraine de la fillette juive, ou comment faire passer son nationalisme et sa religion avant l'humain. Hanna Krall connaissait cette fillette, ainsi que les parents « très gentils, très pieux, et c'est justement parce qu'ils étaient profondément croyants qu'ils se sont rétractés, refusant le baptême. Ils ne voulaient pas mentir, proférer de faux témoignage à l'église, devant Dieu ».
Maria, c'est aussi un service Rosenthal en porcelaine blanche qu'une Allemande expulsée de la nouvelle Pologne populaire échange contre « un morceau de lard et de pain pour la route » à une Polonaise qui n'est autre que la fameuse ex-marraine catholique, la femme de JS. Elle finit par faire estimer le service de porcelaine par des antiquaires, et le vendre. « Il y a eu largement de quoi payer un monument funéraire. Pour elle et son mari » JS, mêlé à des affaires de corruption, meurt lors de son procès, avant de connaître le verdict. Ce sont des histoires complexes, avec des transferts de populations allemandes des territoires « recouvrés » à l'ouest de la Pologne, afin d'assurer le repeuplement de la zone par des Polonais rapatriés de l'Est perdu « il expulsait les premiers et surveillait les seconds ».
C'est aussi un livre qui s'auto cite « parce que, dans mon livre « Les Vies de Maria », deuxième partie, chapitre « le Docteur », c'est la double vie du lieutenant W. Dans ce récit, le docteur Kestenbaum Rafal « a aidé des prisonniers en leur portant des messages codés, faisait passer des nouvelles à leur famille », avec la complicité d'une jeune femme amie de Milena Jesenská, la journaliste pragoise aimée de Franz Kafka. Elles organisaient ensemble le passage de Juifs et de socialistes entre la Bohême et la Pologne en 1938-1939, dans « une Aero blanche cabriolet, avec une capote noire et des ailes marron » que conduisait un comte allemand. Sa fille s'était liée avec une jeune femme responsable du chantier de rénovation de la toiture du manoir du comte. Il y a aussi les rafles ordinaires. Ainsi 3 000 Juifs sont rassemblés sur la place d'Osmolice, un gros bourg. Il faut payer une rançon. Au cimetière, on organise une quête. Un chapeau circule : « Les gens y jetaient des montres, des alliances, des bagues et de l'argent. Les Allemands prirent le chapeau, puis ordonnèrent aux Juifs d'aller sur la route de l'Est » Dans ce décor, un seul détail résume à lui seul l'extrême violence du moment. « le vent arracha la casquette de la tête d'un Juif et l'envoya dans un jardin, entre des pommes de terre. L'homme s'arrêta et fit demi-tour. Un Allemand lui tira dessus. le Juif courut un moment encore, se baissa, ramassa sa casquette… On le retrouva le lendemain, étendu dans un fossé, sa casquette sur la tête, mais sans chaussures. C'était une casquette misérable, tandis que les chaussures, elles, étaient de bonne qualité ». En juin 1945, six Juifs rescapés se retrouvent au village « très bien accueillis. Tout le monde partit dormir ». Ils étaient heureux de goûter enfin la liberté. « Ils furent réveillés par un grand vacarme, des inconnus se trouvaient dans la maison. Des hommes armés leur ordonnèrent de sortir dans la rue. […] Trois personnes ont survécu. La femme qui a fait semblant d'être morte, l'homme qui s'est enfui et la jeune fille du village. Trois personnes ont été tuées : la femme enceinte, le garçon âgé de vingt ans et la jeune fille de Varsovie, qui avait survécu à Majdanek et à Auschwitz. Qui ne connaissait pas le village et n'en avait même jamais entendu parler ».
Des souvenirs inaltérables traînent dans la tête de vieilles personnes qui radotent dans une maison de retraite : « Qui a mouchardé ? Certainement pas nos voisins. Peut-être le mari de celle de gauche… il ne me plaisait pas ce type. » Parfois, un mot suffit pour inscrire à jamais un souvenir. « Un jour, le fils d'Esther-Elżbieta s'était bagarré avec un camarade. En passant à côté de la caserne, celui-ci cria : “Jude ! Monsieur l'Allemand, c'est un juif, lui !” le soldat allemand s'arrêta, les dévisagea et repartit dans la direction opposée. Peut-être avait-il cru à une plaisanterie. Cet après-midi-là, il n'avait visiblement pas envie de tuer. » le souvenir de ce bref instant s'est installé dans la tête des garçons, chacun a entretenu sa haine. Et pourtant, ce fait, ou plutôt cet essentiel détail, est à l'origine d'un comportement étrange, presque un rite. « le fils d'Esther-Elżbieta ne joua plus avec ce garçon, mais il continua à le saluer le premier. Sa mère lui répétait toujours : N'oublie pas que tu dois te montrer poli. Il disait donc : Salut ! le copain lui répondait : Salut ! Pas un mot de plus. Aujourd'hui, la guerre est finie. Ils habitent la même petite ville. Ils se croisent parfois dans la rue, de plus en plus voûtés, les cheveux blanchis. Salut ! dit le fils d'Esther-Elżbieta, toujours le premier, curieusement. Salut ! lui répond son copain. Et pas un mot de plus ».
On croise des héros, des personnes courageuses, des victimes ordinaires. Certains ont résisté et sauvé des voisins juifs, peu s'en sortent. Après la guerre, l'autodestruction et la violence ont continué de saper la société. le « nouveau monde » communiste a voulu tout enterrer. En vain. Il y eut l'expérience des prisons, les tortures, des assassinats de résistants, et de Juifs encore. « L'antisémitisme puisait en partie dans une identité religieuse confondue avec l'identité nationale, vécues quelquefois jusqu'au fanatisme ». le style de Hanna Krall est construit comme une spirale. Les personnages, quel qu'ils soient, bourreaux, victimes, délateurs, témoins ou Justes, reviennent tour à tour, à des lieux et endroits différents ; Hanna Krall mélange ces fragments. « Au fond, les Juifs sont restés seuls avec leur mémoire de la Shoah. Ils étaient seuls à l'époque et le sont encore aujourd'hui ».
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« Les Vies de Maria », traduit par Margot Carlier « 2020, Noir sur Blanc, 160 p.). Un livre avec des photos, ce qui n'est pas si courant. Ce qui ajoute un peu de réalité aux narrations. Et en tout cinq parties, qui vont du huitième commandement à la double vie de Wladyslaw Sokol. En passant par une autre double vie, celle du lieutenant W, de la Maison de retraite et du Mystère.
Tout d'abord, JS et sa femme Maria, couple de polonais catholiques, qui finalement refusent de signer un faux certificat de baptême, car ce serait mentir à l'église et se parjurer devant Dieu. « Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton voisin ». C'est le huitième commandement. Celui par lequel tout le reste va arriver. C'est aussi la base du film de Krzysztof Kieslowski « le Décalogue 8. Tu ne mentiras pas » qui sert ensuite à Hanna Krall (ou inversement). L'histoire de ce couple, JS et Maria, très pieux, au point de ne pas mentir pour sauver la petite juive. Maria ne sera donc jamais la marraine de la fillette juive, ou comment faire passer son nationalisme et sa religion avant l'humain. Hanna Krall connaissait cette fillette, ainsi que les parents « très gentils, très pieux, et c'est justement parce qu'ils étaient profondément croyants qu'ils se sont rétractés, refusant le baptême. Ils ne voulaient pas mentir, proférer de faux témoignage à l'église, devant Dieu ».
Maria, c'est aussi un service Rosenthal en porcelaine blanche qu'une Allemande expulsée de la nouvelle Pologne populaire échange contre « un morceau de lard et de pain pour la route » à une Polonaise qui n'est autre que la fameuse ex-marraine catholique, la femme de JS. Elle finit par faire estimer le service de porcelaine par des antiquaires, et le vendre. JS, mêlé à des affaires de corruption, meurt lors de son procès, avant de connaître le verdict. Ce sont des histoires complexes, avec des transferts de populations allemandes des territoires « recouvrés » à l'ouest de la Pologne, afin d'assurer le repeuplement de la zone par des Polonais rapatriés de l'Est perdu « il expulsait les premiers et surveillait les seconds ».
C'est aussi un livre qui s'auto cite « parce que, dans mon livre « Les Vies de Maria », deuxième partie, chapitre « le Docteur », c'est la double vie du lieutenant W. Dans ce récit, le docteur Kestenbaum Rafal « a aidé des prisonniers en leur portant des messages codés, faisait passer des nouvelles à leur famille », avec la complicité d'une jeune femme amie de Milena Jesenská, la journaliste pragoise aimée de Franz Kafka. Elles organisaient ensemble le passage de Juifs et de socialistes entre la Bohême et la Pologne en 1938-1939, dans « une Aero blanche cabriolet, avec une capote noire et des ailes marron » que conduisait un comte allemand. Sa fille s'était liée avec une jeune femme responsable du chantier de rénovation de la toiture du manoir du comte. Il y a aussi les rafles ordinaires. Ainsi 3 000 Juifs sont rassemblés sur la place d'Osmolice, un gros bourg. Il faut payer une rançon. Au cimetière, on organise une quête. Un chapeau circule : « Les gens y jetaient des montres, des alliances, des bagues et de l'argent. Les Allemands prirent le chapeau, puis ordonnèrent aux Juifs d'aller sur la route de l'Est » Dans ce décor, un seul détail résume à lui seul l'extrême violence du moment. En juin 1945, six Juifs rescapés se retrouvent au village « très bien accueillis. Tout le monde partit dormir ». Ils étaient heureux de goûter enfin la liberté.
Des souvenirs inaltérables traînent dans la tête de vieilles personnes qui radotent dans une maison de retraite : « Qui a mouchardé ? Certainement pas nos voisins. Peut-être le mari de celle de gauche… il ne me plaisait pas ce type. » Parfois, un mot suffit pour inscrire à jamais un souvenir. « Un jour, le fils d'Esther-Elżbieta s'était bagarré avec un camarade. En passant à côté de la caserne, celui-ci cria : “Jude ! Monsieur l'Allemand, c'est un juif, lui !” le soldat allemand s'arrêta, les dévisagea et repartit dans la direction opposée. Peut-être avait-il cru à une plaisanterie. Cet après-midi-là, il n'avait visiblement pas envie de tuer. » le souvenir de ce bref instant s'est installé dans la tête des garçons, chacun a entretenu sa haine. Et pourtant, ce fait, ou plutôt cet essentiel détail, est à l'origine d'un comportement étrange, presque un rite. « le fils d'Esther-Elżbieta ne joua plus avec ce garçon, mais il continua à le saluer le premier. Sa mère lui répétait toujours : N'oublie pas que tu dois te montrer poli. Il disait donc : Salut ! le copain lui répondait : Salut ! Pas un mot de plus. Aujourd'hui, la guerre est finie. Ils habitent la même petite ville. Ils se croisent parfois dans la rue, de plus en plus voûtés, les cheveux blanchis. Salut ! dit le fils d'Esther-Elżbieta, toujours le premier, curieusement. Salut ! lui répond son copain. Et pas un mot de plus ».
On croise des héros, des personnes courageuses, des victimes ordinaires. Certains ont résisté et sauvé des voisins juifs, peu s'en sortent. Après la guerre, l'autodestruction et la violence ont continué de saper la société. le « nouveau monde » communiste a voulu tout enterrer. En vain. Il y eut l'expérience des prisons, les tortures, des assassinats de résistants, et de Juifs encore. « L'antisémitisme puisait en partie dans une identité religieuse confondue avec l'identité nationale, vécues quelquefois jusqu'au fanatisme ». le style de Hanna Krall est construit comme une spirale. Les personnages, quel qu'ils soient, bourreaux, victimes, délateurs, témoins ou Justes, reviennent tour à tour, à des lieux et endroits différents ; Hanna Krall mélange ces fragments.
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Très émouvant. Que restera-t-il de ces tragédies quand la mémoire des vivants contemporains aura rejoint la nuit des suppliciés ?





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critiques presse (1)
LeMonde
20 avril 2020
L’auteure polonaise, journaliste sous le régime communiste, a vécu la guerre, enfant. Sur la Shoah, elle signe des livres laconiques, où le souvenir côtoie l’oubli présent, comme dans « Les Vies de Maria ».
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Le fils d’Esther-Elżbieta ne joua plus avec ce garçon, mais il continua à le saluer le premier. Sa mère lui répétait toujours : N’oublie pas que tu dois te montrer poli. Il disait donc : Salut ! Le copain lui répondait : Salut ! Pas un mot de plus. Aujourd’hui, la guerre est finie. Ils habitent la même petite ville. Ils se croisent parfois dans la rue, de plus en plus voûtés, les cheveux blanchis. Salut ! dit le fils d’Esther-Elżbieta, toujours le premier, curieusement. Salut ! lui répond son copain. Et pas un mot de plus
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Un jour, le fils d’Esther-Elżbieta s’était bagarré avec un camarade. En passant à côté de la caserne, celui-ci cria : “Jude ! Monsieur l’Allemand, c’est un juif, lui !” Le soldat allemand s’arrêta, les dévisagea et repartit dans la direction opposée. Peut-être avait-il cru à une plaisanterie. Cet après-midi-là, il n’avait visiblement pas envie de tuer.
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Le vent arracha la casquette de la tête d’un Juif et l’envoya dans un jardin, entre des pommes de terre. L’homme s’arrêta et fit demi-tour. Un Allemand lui tira dessus. Le Juif courut un moment encore, se baissa, ramassa sa casquette… On le retrouva le lendemain, étendu dans un fossé, sa casquette sur la tête, mais sans chaussures. C’était une casquette misérable, tandis que les chaussures, elles, étaient de bonne qualité
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Un jour, le fils d’Esther-Elżbieta s’était bagarré avec un camarade. En passant à côté de la caserne, celui-ci cria : “Jude ! Monsieur l’Allemand, c’est un juif, lui !” Le soldat allemand s’arrêta, les dévisagea et repartit dans la direction opposée. Peut-être avait-il cru à une plaisanterie. Cet après-midi-là, il n’avait visiblement pas envie de tuer
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Au fond, les Juifs sont restés seuls avec leur mémoire de la Shoah. Ils étaient seuls à l’époque et le sont encore aujourd’hui
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