Ce très beau roman, qui se déroule principalement entre Montparnasse et l'Auvergne, est construit autour d'une énigme. Au fil des pages émerge la vie passée de Daniel Ascher, dont beaucoup d'aspects sont mystérieux. Pourquoi est-il si solitaire et insaisissable, quel est son le secret? La réponse à ces questions reste le point de fuite vers lequel converge le récit, au suspense de plus en plus intense. le dénouement est inattendu et émouvant.
Le fil de l'histoire est déroulé par la petite-nièce de Daniel Ascher,
Hélène Roche, jeune étudiante d'archéologie, qui va habiter dans une chambre de bonne sous les toits de Paris, prêtée par son grand-oncle. Elle entend mener sa vie de façon indépendante loin de sa famille auvergnate et orléanaise. Des pages très réussies évoquent le petit groupe des copains de fac d'Hélène, leur vie insouciante à Paris avec piqueniques et fêtes. En filigrane, son histoire d'amour avec Guillaume, un garçon farceur et éternel ado, fan inconditionnel des romans de « La marque noire », dont l'auteur au pseudonyme subtil de H. R. Sanders n'est autre que Daniel Ascher. Hélène, accompagnée de Guillaume, découvre petit à petit dans une enquête passionnante la face cachée de la vie de son grand-oncle: son voyage inattendu à New York à 18 ans, ses attachements parisiens et auvergnats, ses amis : un vieux couple de Montparnasse, un marabout de Belleville, un photographe des Puces de St-Ouen. Ce sont des personnages attachants, des portraits vivants et souvent drôles. La recherche d'Hélène est ponctuée par le surgissement d'images saisissantes: la reproduction d'un tableau de Chaim Soutine, les mosaïques d'une chapelle romane, une photo de classe d'un village auvergnat des années 40, des photos de familles jaunies - la photographie reste un leitmotiv du roman. Des souvenirs des uns et des autres font ressusciter des objets du passé de Daniel Ascher, enfant juif de Montparnasse: un crayon, une enseigne de commerce, un pullover d'enfant. Ce sont des épiphanies d'une vie passée, engloutie.
Avec subtilité, le récit principal est mêlé aux extraits des romans d'aventure fictifs de « La marque noire », dans un jeu de miroirs et d'échos qui cachent et dévoilent successivement l'énigme de leur auteur Daniel Ascher. L'écriture du roman, très belle et poétique, est pourtant ancrée dans le réel, avec des évocations suggestives de lieux concrets (les Puces de St-Ouen, le quartier de Montparnasse, un voyage transatlantique) et de moments vécus, admirablement denses et vivants (la grande tempête de 1999, un réveillon entre étudiants, des fêtes de famille très dissemblables dans une famille auvergnate et dans une famille juive new-yorkaise). Différentes familles sont en effet représentées: dispersées et multiples, proches et présentes, tissées d'amour, d'amitié, de conflits et de secrets. Hélène devra démêler les fils de ces différents univers.
Ce qui sous-tend le roman entier de façon émouvante, c'est l'expérience que face au pire, il y a eu des hommes et des femmes dont l'amitié, la compassion et le courage ont été plus forts que la terreur et la haine.